Rizières de Bali ©Marie-Ange Ostré

Je ne saurais vous dire combien de fois je suis partie en voyage à Bali. Sans tricher, je ne le pourrais pas. Quelques séjours que je qualifierai d’approches, puis j’ai vécu quatre ans sur l’île de Lombok, voisine immédiate de Bali. De ce fait, j’ai sans doute un sentiment légèrement différent du vôtre si vous y êtes allés une ou deux fois en visiteur. 

J’ai découvert l’île de Bali en septembre 2006 lors d’un séjour de deux semaines qui m’a amenée à la découvrir de fond en comble autant sur terre que sous l’eau pour des plongées sous-marines que j’ai qualifié à l’époque de « plus belles du monde ». J’y suis retournée 3 semaines l’année suivante, en juillet 2007, et j’ai exploré à nouveau et avec le même plaisir celle que l’on surnomme « l’île des dieux ». J’ai longuement évoqué ces séjours sur mon blog de voyages Un Monde Ailleurs, articles réintégrés sur ces pages consacrées à Bali.

Je suis retournée à Bali en juin 2012 pour un séjour de deux semaines. Cinq ans après mon dernier voyage j’ai alors constaté la dégradation de cette île merveilleuse dont les charmes sont vantés dans le monde entier depuis le début de son ère touristique en 1959.

Depuis 2012 je retourne à Bali très régulièrement, pour des séjours courts de 2 à 4 jours puisque je vis la moitié de l’année sur l’île voisine de Lombok. Si l’image de l’île de rêve perdure jusque dans mon esprit je dois avouer que je ne suis plus sous le charme, bien malgré moi. Bali s’est dégradée sous l’effet du tourisme de masse, à grands coups d’atterrissages quotidiens de vols en provenance de (trop) nombreux pays dans le monde tout autant que de vols low-cost. Je n’ai pas l’habitude de dénoncer, je préfère mettre en valeur la beauté, la bonté, et les éléments qui vous séduiront lors de votre prochain voyage. Mais après près de trois ans en quasi immersion en Indonésie je ne peux me taire et je lance cette bouteille à la mer pour tenter de sensibiliser au danger encouru par Bali et les Balinais.

Les Balinais perdent le sourire progressivement et le remplacent par un rictus des lèvres qui ne fait plus briller leurs yeux. Dans toute la région sud de Bali, celle qui s’étend depuis le temple ancien de Tanah Lot jusqu’aux rives de Nusa Dua en passant par les villes côtières de Padang Bai et Sanur, le sourire s’est crispé avec les embouteillages monstrueux qui engluent toute circulation et pas seulement aux heures de pointe (qui s’allongent).

Le sourire se fige sur un « how much ? » quand vous jetez un regard absent sur les milliers de robes en batik qui se négocient dans chaque boutique de fortune aux alentours de 3€ (un marchandage qui débute d’office à trois fois ce prix).

Un sourire qui a carrément disparu sur le visage des chauffeurs de taxi qui refusent de vous laisser monter à bord de leurs véhicules dès la nuit tombée si vous n’acceptez pas d’oublier le compteur (supposé fonctionner) pour verser le montant d’un forfait qu’il a librement décrété.

Enfin un sourire qui tremble sur des lèvres embarrassées quand ils vous regardent stupéfaits tandis que vous venez de crier en pleine rue sous l’effet-surprise d’un voleur à la tire qui tente d’arracher votre sac (vécu !).

Trop de touristes, trop de commerce, l’usure s’installe.

Le touriste est las de se sentir harcelé à tout moment sur les trottoirs de Kuta ou de Seminyak : par les vendeurs de tout et n’importe quoi, par les tatoueurs (encre ou henné) sur la plage, par les taxis qui klaxonnent en permanence en maraudant (en ralentissant aussi la circulation au mépris des autres conducteurs derrière eux).

Le touriste perd alors toute courtoisie (lorsqu’il en avait) au bout de deux jours de ce régime incessant et s’agenouillerait presque devant le serveur du Hard Rock Café qui l’accueille à grands renforts (très marketing) de salutations enthousiastes.

Le Balinais est las de cette pression incessante du touriste qui exige le maximum en échange d’un minimum. A force d’entendre et de lire que « tout se marchande » les touristes tentent d’obtenir le moindre produit, le moindre service, pour moins cher qu’il n’est écrit dans les guides ou sur les forums quitte à traiter le Balinais, avec qui il négocie, de « voleur ».

Le Balinais ne réagit plus (ou presque) lorsqu’il entend un touriste se plaindre (souvent à bon escient) du manque de qualité du contenu de son assiette (ou lorsqu’un plat lui est servi tiède pour avoir trop attendu en cuisine). Ce même Balinais sait qu’un autre client viendra s’asseoir à cette même table dans les 15 minutes, un touriste qui quittera Bali dans quelques jours pour ne plus jamais y revenir sans doute.

Trop de touristes, trop de commerce, l’usure s’installe…

Il faut connaître désormais les bonnes adresses entre Seminyak et Jimbaran pour se restaurer merveilleusement dans des établissements qui refusent cette dictature du « cheap is best » (moins cher c’est mieux).

Il faut monter loin par-delà les lacs de montagne au coeur de Bali pour trouver des Balinais souriant encore spontanément devant votre sourire émerveillé face aux rizières en terrasses (et encore, les plus belles sont commercialisées avec paiement d’un droit d’accès à l’entrée des villages).

Il faut vous perdre le long des plages (truffées de détritus, voyez donc la plage de Lovina sur laquelle il ne faut plus s’asseoir) au nord de l’île et dans la région de Menjangan pour redécouvrir le plaisir de plaisanter sans arrière-pensée commerciale avec les habitants simplement heureux de vous croiser pour une minute ou quelques heures.

L’industrie du tourisme à Bali représente 80% du revenu touristique de toute l’Indonésie, autant dire que la pression du dollar (surtout celle du dollar australien) se fait sentir sur l’économie nationale tout autant que sur la vie quotidienne balinaise.

Trop d’hôtels ont poussé comme des champignons, au mépris parfois de règles d’urbanisme élémentaires (qui n’existent pas ou qui sont peu respectées du fait d’une corruption encore présente malgré les efforts du gouvernement). Un hôtel de 800 chambres a été inauguré récemment à Bali, le plus grand hôtel de l’île !

Je m’interroge : qui peut avoir envie de se perdre dans une usine pour touristes quand il vient pour découvrir une île de rêve  ?!… Je m’interroge sur la lucidité de ces personnes qui ont économisé parfois toute une année pour vivre un peu de l’exotisme hindouiste d’une île dont on brade aujourd’hui le charme sans vergogne.

Je ne vais plus à Bali que pour y effectuer de courts séjours, pour faire du shopping (pour acheter des produits introuvables à Lombok) ou pour deux jours de spa dans un hôtel de grand luxe, même si le mot spa est galvaudé puisqu’il faut parler surtout de massages (excellents par ailleurs). Parce que de nombreux hôtels privilégient encore la qualité du service et de la restauration, parce que l’on peut encore y bavarder avec du personnel ne vivant pas sous la pression du commerce de rue, parce que les jardins y sont encore sereins (visitez le jardin à orchidées sur la route menant vers Ubud, surtout en mars période de floraison maximum). Celui qui a tenté de rejoindre un restaurant de plage de Jimbaran un soir d’août depuis Uluwatu me comprendra…

Ne vous y trompez pas, j’aime toujours Bali. Mais je la fuis en certaines circonstances, et je suis triste pour les Balinais.

Ne boudez pas Bali, elle a toujours du charme. Mais si vous vous y rendez pour la première fois choisissez bien votre hôtel ou votre circuit, et évitez la période de fin de ramadan (les Javanais voisins s’y précipitent en masse).

Fuyez la région bruyante et encombrée de Kuta et Seminyak (sauf pour une journée de shopping) et montez vous perdre dans la jungle et les rizières environnant Ubud ou dans le nord de l’île.

Evitez Sanur qui ne présente aucun attrait si ce n’est celui des néons de sa rue principale le soir au moment de l’apéritif (et l’embarquement vers les petites îles – non balinaises ! – de Gili Meno, Gili Air et Gili Trawangan).

Cherchez l’authenticité, les petites plages ignorées de Nusa Dua (souvent favorites des surfeurs), et le parc national de Menjangan.

A Bali désormais tout se paye, tout se monnaye, mais vous rencontrerez bien une famille balinaise qui aura envie de vous faire entrer dans la cour de sa petite maison pour partager quelques brochettes de poulet sauce saté (cacahuètes). D’ailleurs contrairement à ce que l’on peut lire ici ou là la sauce saté (ou satay) est bel et bien indonésienne ou malaisienne – les deux pays voisins se disputent l’origine de quelques mets – mais pas thaïlandaise.

Même si les locaux aiment définir Lombok comme étant « la petite soeur de Bali » (ce qui manque de sens puisque chaque île a sa propre identité et sa propre religion) je croise les doigts pour que l’île de Lombok ne devienne pas un jour la prochaine Bali…

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Comments 3

  1. Merci beaucoup pour l info je penserai à vous l année prochaine je pense…. Surtout qu au travers de mes voyages je ne recherches pas forcément le luxe plutôt proche de la nature et des gens qui l entourent mais cette année mon voyage en a été autrement sans regret d avoir connu le luxe balinais et endroits à la mode mais se n est pas le Bali authentique
    merci Marie ange

  2. Bonjour Marie ange je suis partie à Bali il y a 6 ans pour la 1 ère fois je viens de revenir de mon 2 ème voyage à bali qui a duré 3 semaines ! Effectivement Bali à encore beaucoup changé avec des strutures touristes importantes même au bord de plage on trouve des établissements magnifiques certe , comme le potatoes head mais tous dépend se que l on cherche. Je n ai pas retrouvé le charme que j avais connu même à ubud ça a beaucoup évoluer et effectivement les balinais ne sont plus comme avant ! le commerce la consommation se ressent mais au milieu des rizières marchant dans se silence j ai pu retrouver cette sérénité que je suis venu chercher ! Je retournerai à Bali c est une destination qui me porte et me parle et la prochaine fois je mettrai mes pieds sur l île de lombok bien à vous

    • Bonjour Claire,

      Pour retrouver le Bali d’il y a ne serait-ce que dix ans il faut prendre le temps de monter dans le nord de l’île, monter au-delà d’Ubud qui souffre de trop de commerce (même si on y trouve quelques bons petits restaurants et de superbes hôtels 5 étoiles avec tout le raffinement qui fait la renommée de l’île et qui lui offre son aspect « glamour ». Depuis Menjangan (à l’Est de l’île) jusqu’à Amed (qui n’est plus vraiment ce petit village de pêcheurs que j’ai connu en 2006) vous trouverez encore des villages qui font sécher les clous de girofles à même le sol en saison, des rizières dans lesquelles volent les libellules écarlates, et le sourire des Balinais, jeunes et moins jeunes, qui font le bonheur des photographes. Il faut partir loin dans le Nord pour parcourir ses montagnes, admirer ses lacs et ses temples paisibles, et fuir l’agitation du sud qui s’étend de Seminyak jusqu’à Nusa Penida. Sauf si vous vivez à Singapour et que vous souhaitez vous reposer une semaine dans un bel hôtel en restant proche de la vie nocturne…

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