Botswana, antilope kudu dans le delta de l’Okavango © Marie-Ange Ostré

Réveil à 05h15 en ce matin du 15 décembre 2006, très mal dormi cette nuit… A cause de la hyène d’hier soir.

Au dessert, celle que nous avons entraperçue deux soirs de suite, ce gros chien jaune, avec une grosse tête ronde surmontée de deux oreilles pointues, à l’expression sournoise, s’approche à moins de trois mètres de notre table, s’arrête pour nous fixer de ses petits yeux de bakélite. Richard, bras droit du maître des lieux absent ce soir, murmure : « don’t move… don’t move… ».

Devant les dix personnes présentes statufiées, la hyène fait tranquillement le tour de la table du buffet qui vient d’être desservi par le personnel. Sans doute sent-elle les parfums alléchants de la viande d’antilope grillée que nous venons de déguster (le kudu, photo ci-dessus)…

Déçue de ne trouver aucun met à son goût, elle s’éloigne silencieusement.

Richard, quinze ans d’Afrique derrière lui, est visiblement sidéré. Il affirme que jamais une hyène ne s’était approchée si près des hommes sans une envie déterminée d’agresser. Puis il nous donne quelques informations qui confirment que ce charognard peut être parfois plus dangereux qu’un lion dans le bush : il arrive fréquemment que des hyènes chassent, puis se trouvent chassées elles-mêmes par un lion qui s’accapare le butin, avant qu’elles ne puissent récupérer leur pitance.

En meute, elles sont meurtrières, seules elles seraient plus inoffensives. Néanmoins depuis quelques semaines rôde autour d’Abu Camp cette belle bête qui renifle toutes les nuits les effluves de viande cuite, et peut-être aussi celles des visiteurs…

Je ne dors que d’un œil, me réveillant sans cesse à l’idée qu’elle guette sans doute notre sommeil.

Dix minutes plus tard, en retournant à notre tente, nous éclairant à la torche le long du chemin, l’Homme me signale l’avoir aperçue sur notre terrasse deux jours plus tôt, au petit matin. Il balaye les fourrés du faisceau lumineux pour que nous ne soyons pas surpris par cet animal peut-être à l’affût…

Guère rassurée, je le suis de très près, ne lâchant pas sa main une seule seconde. Arrivés devant chez nous, l’Homme la trouve, tapie dans un buisson, sous notre tente (les tentes sont dressées sur des terrasses sur pilotis). Elle nous fixe de ses petits yeux chafouins, brillants comme des diamants jaunes, et j’ai froid dans le dos à l’idée qu’elle rôdera autour de notre tente toute la nuit.

Ce soir-là, je baisse tous les stores de toile protégeant nos moustiquaires, pour l’empêcher d’entrer trop facilement, sans doute aussi pour m’éviter de la voir puisque cette « protection » est bien dérisoire face aux pattes griffues de la bête !

Je ne dors que d’un œil, me réveillant sans cesse à l’idée qu’elle guette sans doute notre sommeil. Vous n’imaginez pas le nombre de bruits inquiétants dans la savane la nuit quand on dresse l’oreille !…

Au petit jour, quand les reliefs reprennent du volume et que les sons reprennent vie, je me fustige de cette peur irrationnelle. Puis, en sortant de notre tente, nous découvrons les empreintes de pattes sur les marches de notre escalier de teck. Elle a fait plusieurs fois le tour de la tente…

Pierre Stine nous rejoint 15 minutes plus tard avec Olivier Ronval et Vincent Steiger pour filmer une séquence avec l’Homme au lever du jour, sans doute une séquence d’ouverture du film. Le lever de soleil est somptueux, filaments d’or brut autour d’un voile de ciel rouge sang, sur fond de cigales et de chants d’oiseaux qui s’éveillent. Avec un grognement d’hippopotame en prime, sûrement à une cinquantaine de mètres, dans le lac en contrebas…

Au petit déjeuner également filmé par Pierre, nous expliquons à Richard que nous avons vu la hyène tapie sous notre tente hier soir et trouvé ses empreintes sur notre escalier ce matin. Il n’a pas le temps de se montrer surpris que Randall Moore, le propriétaire et big boss du lieu, lui hurle dessus à grands coups de « fucking » en lui intimant l’ordre de tuer la bête le plus vite possible, argumentant qu’elle est devenue une menace réelle pour toutes les personnes se trouvant au camp, personnel et invités. Il est furieux, et ne le cache pas.

Il semble l’avoir déjà demandé de nombreuses fois mais jusqu’à présent personne ne l’avait vraiment vue suffisamment longtemps pour la chasser. Elle s’est apprivoisée petit à petit, gagne en hardiesse chaque jour et pourrait bien être agressive si une viande traînait sur une table ou dans l’assiette d’un convive. Or le fils et les cousins de Randall arrivent le soir-même pour passer les fêtes de Noël au camp, et l’Américain ne veut courir aucun risque.

Randall, pourtant grand amoureux des animaux et de l’Afrique, se calme un peu en nous racontant qu’un an auparavant, dans un autre camp du Botswana, une touriste s’est absentée une après-midi pour une partie de jambes en l’air avec son guide local. Lorsqu’elle est revenue à sa tente une heure plus tard, l’enfant de 8 ans qu’elle avait laissé endormi était déchiqueté en petits morceaux… L’œuvre macabre d’une hyène affamée. Cette histoire qui nous est jetée en pâture au petit déjeuner justifie son souhait d’en finir rapidement avec notre visiteuse de la veille au soir.

Je suis heureuse de savoir que ce soir nous dormirons dans un autre camp à trois kilomètres d’ici !…

Et le lendemain nous apprendrons que la hyène menaçante a été éliminée.

Envie d’en apprendre davantage sur mon voyage au Botswana ? Voici quelques pistes à explorer :

Cet article a été publié une première fois en mai 2007 sur mon blog de voyages Un Monde Ailleurs (2004-2014), blog qui n’est plus en ligne aujourd’hui. Les articles re-publiés sur ce site le sont s’ils présentent à mes yeux une valeur émotionnelle ou s’ils offrent un intérêt informatif pour mes lecteurs. Ils sont rassemblés sous le mot-clé « Un Monde Ailleurs ». Malheureusement il a été impossible de réintégrer les commentaires liés à cet article, seul le nombre de commentaires est resté indiqué.

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