Centre de plongée sur le lac Malawi © Marie-Ange Ostré

Cette plongée dans le lac Malawi reste sans doute l’un de mes souvenirs les plus marquants.

Ce blog comprend 58 récits de plongées sous-marines dans tous les hémisphères, sous toutes les latitudes (mais surtout tropicales !).

Parce qu’il y a des films qui signent leur époque sans pour autant vous marquer de leur empreinte… Comme Les Dents de la Mer par exemple. Parce que d’autres, des années plus tard, peuvent avoir un impact plus important, en fonction de votre maturité peut-être, ou de votre expérience. Sans doute les deux. Comme le film Open Water – En Eaux Profondes

Parce qu’un jour de novembre, vous vous trouvez en plongée au Sud du lac Malawi, en Afrique australe, un endroit où peu de plongeurs trempent leurs palmes. Parce que vous êtes en repérage pour le tournage qui démarre dans quatre jours. Parce que le climat est idyllique, la population d’une gentillesse extrême et la plongée peu dangereuse.

Parce que, confiants, vous en profitez pour faire des photos subaquatiques dans une visibilité relative mais dans moins de 25 mètres de profondeur. Facile. Parce que les poissons de cette eau douce sont plus gros que dans l’aquarium de votre salon, et parce que votre guide local se montre d’une confiance à toute épreuve.

Ce jour-là quand vous entendez à mi-plongée une explosion sous l’eau, vous vous regardez avec votre binôme et votre guide. Mais puisque ce dernier hausse les épaules, vous vous dites que c’est peut-être normal dans ce lac… Et vous continuez à poser pour les photos.

Puis au bout de 70 minutes d’immersion, votre guide vous fait signe qu’il faut remonter en surface. Il vous reste encore 80 bars d’autonomie, et la carte numérique n’est pas encore pleine. Alors vous traînez un peu, cinq, puis dix, et douze photos supplémentaires, à jouer dans les rayons du soleil qui filtrent douloureusement comme autant de sabres de glace dans l’eau laiteuse du lac nourricier.

Enfin votre binôme vous fait signe qu’il est à bout de carte (2 Go), et palier achevé depuis un bon moment, vous remontez en surface la première.

Et subitement le monde du silence se déchire en cris perçants, des hurlements de guide affolé ! Vous vous retournez pour découvrir l’homme costaud faisant des signes frénétiques et appelant dans une langue que vous ne maîtrisez pas du tout mais que vous devinez inquiète…

Le lac Malawi a une surface de 30 000 km²

En regardant dans la direction de ses gestes répétés, vous découvrez que le Zodiac qui était ancré en début de plongée, celui qui doit vous ramener à terre à 40 mn de navigation de votre site de plongée, ce frêle mais réconfortant esquif de boudins gonflés à bloc, ce bateau n’est plus qu’un point à l’horizon. À l’opposé de votre destination !

Votre binôme fait alors surface et vous réalisez ensemble que l’explosion entendue plus tôt doit être sans aucun doute l’amarre qui s’est rompue sous l’effet de la forte houle pour avoir été ancrée trop court…

Vous devinez, pour l’avoir déjà vécu la veille, que le jeune skipper et son copain apprenti mécanicien ont du noyer le premier moteur en essayant de démarrer. Et sans doute en ont-ils fait autant avec le second moteur, puisque de toute évidence votre Zodiac dérive maintenant au loin… Très loin.

La première pensée qui vous vient alors à l’esprit au milieu de cette mer intérieure, c’est « heureusement, nous ne sommes pas en plein océan !« . La seconde, c’est « ici, pas de requins !« .

Et fugitivement vous vous souvenez en un éclair de ce film réalisé l’année dernière et que vous avez vu il y a quelques semaines sur une chaîne câblée, celui qui raconte l’histoire d’un couple de plongeurs oubliés en pleine mer des Bahamas par le bateau qui rentre au port sans s’apercevoir que les absents ne sont pas à bord. Un film qui se termine mal. Un film qu’un plongeur ne peut plus oublier, même si on pense toujours que ça n’arrive qu’aux autres. Parce que bien sûr, ça n’arrive qu’aux autres…

En surface, un malaise s’installe. Jusqu’à ce que vous réalisiez ensemble que derrière vous émergent trois grosses roches culminant à deux mètres cinquante au-dessus de la surface. Il n’y a que cent mètres à faire à la palme sur cette houle formée ; et tant pis si le guide local est parti en tête sans se tenir à vos côtés. De toute façon votre binôme, l’Homme de votre vie, n’est qu’à cinq mètres, à peine un cri de détresse.

Ça peut sembler long cent mètres à la palme, avec une belle houle…

Devant les roches polies par l’assaut des vagues et du soleil incessant sous le 10ème parallèle de cet hémisphère sud, vous éprouvez quelques difficultés à vous hisser tous les trois hors de l’eau, matériel sur le dos… Vous aidez même votre guide local en le poussant sous les pieds pour l’aider à assurer ses prises.

Puis vous entendez votre binôme pester : en lançant l’une de ses palmes sur les roches pour pouvoir mieux placer ses pieds, il a visé sans le vouloir l’une des seules failles dans la pierre, et sa palme y a glissé inexorablement, emportant avec elle le masque qu’il venait de coincer dans la chaussante…

Mais qu’importe, vous n’aurez pas besoin de palmes sur ces roches aux courbes féminines. D’ailleurs, en femme venant de Vénus, vous rassemblez tout le matériel de plongée des hommes venant de Mars, histoire de pouvoir mettre la main, même en pleine nuit, sur n’importe quel équipement qui pourrait peut-être servir. Parce que le soleil se couche déjà, et que même si vous pensiez qu’il vous sècherait rapidement, il vous faut déchanter bien vite.

Le vent se lève, prémices de cet orage qui point au loin, ciel de plomb aux nuages grassement rebondis. Un temps mort s’installe, même si l’un de vous s’étonne avec une fausse bonne humeur des petits crabes d’eau douce qui trouvent refuge dans la faille de granit. Et vous vous demandez furtivement si, à la nuit tombée, ces crabes inonderont d’une marée de pinces désobligeantes votre abri précaire comme leurs confrères de l’île Christmas dans le Pacifique… Vous renfilez vos chaussons de Néoprène, même s’ils sont mouillés.

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Au bout d’une petite heure vous apercevez tout de même un point blanc à l’horizon, en provenance de la côte, petite tête d’épingle qui met des heures à se confirmer, et qui passe au large, sous votre nez, sans réagir aux coups furieux de dive alert que votre binôme utilise énergiquement pour signaler votre position. Le bateau passe sans vous voir…

A ce moment-là, vous vous promettez de ne plus jamais plonger sans sifflet de détresse sur votre gilet, et sans boîtier étanche dans la poche, abritant selon vos souhaits, la cigarette et le briquet de détresse, la mini lampe Mag-Light et même la petite barre de céréales ! Parce qu’il commence à faire faim à la nuit tombée !

Quand le soleil plongera dans le lac et que le voile de la nuit se déposera sur vos épaules transies, vous vous préparerez à passer une nuit froide sur des roches qui brûlent sous le soleil le jour. Votre guide confirmera alors que par tempête les vagues sur le lac peuvent atteindre 5 mètres de haut ! Soit deux fois la hauteur de votre refuge…

Alors vous croiserez les doigts pour que cet orage n’approche pas trop vite, ni trop près. Et vous chercherez malgré vous du regard les endroits potentiels où vous pourrez vous agripper tous les trois s’il le fallait. Votre compagnon décidera qu’au pire il faudra enfiler les gilets stabilisateurs en guise de bouée de sauvetage…

Puis, au moment où la faim aiguisée par une longue plongée viendra vous harceler, quand vous commencerez à frissonner en redoutant les longues heures à venir avant que les hôtes qui vous hébergent n’aient l’idée de partir à votre recherche, vous apercevrez enfin une petite étincelle sur le miroir soyeux de l’eau sombre : la barcasse de tout à l’heure revient vers vous ! Elle est d’abord allée chercher le Zodiac qui avait à son bord un téléphone portable, utile pour prévenir les copains sur la côte… Il fallait avant tout s’assurer que le bateau en perdition ne dérive pas suffisamment pour aller se perdre sur les côtes de Tanzanie, toute proche, où il ne fait pas bon s’échouer depuis quelques années.

Il faudra alors à ce bateau toute l’habileté de son skipper (l’autre, pas le vôtre…) pour s’approcher suffisamment près de vos roches, malgré la houle, pour vous permettre de sauter à bord sans vous obliger à vous remettre à l’eau avec tout le matériel de prises de vue… Et remorquer ensuite l’infortuné Zodiac.

Et enfin, rassurée mais narquoise, vous pourrez alors contempler les gros diamants qui paillettent ce ciel d’Afrique, en vous félicitant que le vent ait tourné, au sens propre comme au figuré. Et vous pourrez rire avec vos nouveaux amis, hilares, de cet épisode qui se termine bien. Et même prendre quelques photos pour immortaliser ces instants…

Parce qu’après tout, vous ne risquiez rien. Presque rien.

PS : le lac Malawi a une surface de 30 000 km²

 

Note : le parc national du lac Malawi est inscrit sur la liste du patrimoine mondial naturel de l’UNESCO (lire sa fiche ici).

Envie d’en apprendre davantage sur mon voyage au Malawi ? Voici quelques pistes à explorer :

Cet article a été publié une première fois en novembre 2006 sur mon blog de voyages Un Monde Ailleurs (2004-2014), blog qui n’est plus en ligne à ce jour. Les articles re-publiés ici sont tous rassemblés sous le mot-clé « Un Monde Ailleurs ». J’ai ajouté davantage de photos à ces articles en les re-publiant mais malheureusement il a été impossible de réintégrer les commentaires liés à ces articles, seul le nombre de commentaires est resté indiqué.

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