Cadeau de Guyane, graines de panacoco © Marie-Ange Ostré

Il y a différentes façons d’honorer un hôte, un ami, un conjoint. Des pus coûteuses aux plus humbles. Et justement, ce jour-là en Guyane…

« Et soudain, un inconnu vous offre…« . C’est une formule bien connue d’un ancien spot de pub. Mais si, une fois dans votre vie, un inconnu vous offrait vraiment un cadeau ?… Pas de ces fleurs coûteuses pour attirer l’attention ou de ces dîners luxueux dans un établissement au raffinement reconnu, pas non plus une technique de drague éculée, non… un « petit présent » comme on dit si joliment aux Seychelles, un vrai cadeau, de ceux qui viennent du coeur.

En Guyane cette année nous étions hébergés à Ouanary, petit village proche de la frontière brésilienne, en pleine forêt équatoriale sur les rives de la rivière Oyapock. Notre pension de famille était sommaire, située dans une percée de la forêt, la végétation dépassant allègrement le bâtiment d’un étage.

Un matin, nous étions montés sur une hauteur surplombant toute la canopée brésilienne et nous contemplions, sur des kilomètres à la ronde, la dense forêt amazonienne. Un tapis de feuillages épais, vert sombre, percé sur une fréquence élevée de cris d’oiseaux et des vociférations des singes hurleurs… Le regard portait aussi loin qu’on voulait l’imaginer, au-delà du territoire guyanais, jusqu’à l’horizon dense de ce Brésil haut en couleurs qui nous avait accueillis huit mois auparavant. Il avait fallu 40 minutes de grimpette sur un chemin abrupt pour atteindre cette plateforme qui héberge l’unique antenne relais de la région.

Nous nous préparions à enregistrer une séquence sur l’histoire des légendaires monts Tumuc Humac explorés à la fin du XIXème siècle par l’explorateur français Jules Crevaux. Comme en télévision tout prend toujours un certain temps, l’équipe cherchait le meilleur angle de prise de vue pendant que je musardais, nez au sol, en cherchant l’inconnu. Dans n’importe quel coin du monde, en cherchant un peu, vous trouverez de l’insolite.

Soudain, je découvre un imparfait petit caillou vermillon qui étincelle sous une touffe d’herbe grasse. En le saisissant je constate qu’il est aussi léger qu’un pois. Intriguée, je le retourne et m’aperçois qu’il est comme dessiné au pinceau et presque identique au fameux symbole du yin et du yang, ces deux virgules blanches et noires synonymes du féminin et du masculin (entre autres). Sauf que ce pois est rouge vif et noir !

Notre guide s’approche de moi : il a déniché sous une bûche de bois vermoulu une grosse tortue terrestre aussi large qu’un chapeau de brousse ! La demoiselle est dérangée dans son sommeil et ouvre à peine un oeil glauque sous ses écailles larges et brunes. Je me demande réellement comment elle a bien pu se retrouver aussi haut, au-dessus de la forêt, dans un endroit aussi reculé !

J’en profite pour montrer ma trouvaille à Ben, souriant Amérindien qui nous guide sur le fleuve et en forêt primaire depuis deux jours. Sans un mot il fait un signe d’assentiment puis s’éloigne, fouille le sol du pied, se penche puis revient vers moi, il en a trouvé d’autres et il m’explique : « ce sont des graines de panacoco, dans le temps les Amérindiens en faisaient des colliers et ils les échangeaient avec les missionnaires pour avoir des outils. C’est un arbre à graines, il ne fait pas de fleurs et pas de fruits ». En me renseignant davantage, j’apprends que le panacoco fait partie de l’espèce végétale des Robinia.

Ben dépose ces graines au creux de ma main puis s’éloigne. Mon émerveillement de Parisienne ne l’émeut pas davantage, et je ne lui en veux pas. J’empoche ces graines, les imaginant déjà sur mon bureau en compagnie de ma pierre de lave réunionnaise et de mes pièces de monnaie d’un peu partout : mon trésor de voyageuse, mes porte-bonheurs.

Le lendemain matin, nous sommes attablés sous une large véranda, à refaire le planning des séquences à tourner les jours suivants. Il pleut, depuis hier. Tandis que le ciel déverse des tonnes d’eau sur le toit de notre pension de famille, Ben se présente en bottes caoutchouc et sous un large parapluie, salue tout le monde gentiment puis dépose devant moi un sachet plastique plein de graines de panacoco si décoratives ainsi qu’une poignée de « graines de tonnerre », de gros noyaux bruns qui sont produits, m’apprend-il, par une liane. Je les observe longuement pendant qu’il donne quelques explications aux autres membres de l’équipe. Je les tends alors pour les lui rendre et il me dit : « j’en ai plein à la maison, les enfants jouent avec, ça c’est pour vous, pour emporter là-bas chez vous« .

Le plus beau cadeau que l’on m’ait fait cette année. J’en ai eu les larmes aux yeux.

Cet homme était simplement heureux que l’on s’intéresse aux fruits de SA nature.

Cet article a été publié une première fois en août 2006 sur mon blog de voyages Un Monde Ailleurs (2004-2014), blog qui n’est plus en ligne aujourd’hui. Les articles re-publiés sur ce site le sont s’ils présentent à mes yeux une valeur émotionnelle ou s’ils offrent un intérêt informatif pour mes lecteurs. Ils sont rassemblés sous le mot-clé « Un Monde Ailleurs ». Malheureusement il a été impossible de réintégrer les commentaires liés à cet article, seul le nombre de commentaires est resté indiqué.

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