boulerecit.jpgEt pourquoi ne pas faire plaisir à mes lecteurs plongeurs en leur racontant ce qu’ils découvriront demain matin, en se connectant au bureau ? Une bonne petite plongée pour leur permettre de bien commencer la semaine ?… Vous me suivez ? C’est parti !

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Direction Indonésie, Parc National de Komodo… Ce n’est pas le premier jour de tournage, mais notre première plongée pour l’Homme et moi depuis deux mois, et donc ce qu’il est convenu d’appeler une plongée de réadaptation pour tous ceux qui se réclament de la fédération française de plongée. René et Gérald, notre cameraman sous-marin et son assistant lumière, ont déjà plongé ces trois derniers jours pour commencer à accumuler les images. On nous annonce un léger courant, ce qui est peu commun dans ce coin du monde, habitué aux courants types vortex : dans une plongée tranquille, vous pouvez d’un coup être comme aspiré par un courant contraire et vous retrouver propulsé en surface (si tout va à peu près bien) ou au contraire jusqu’à 70 mètres de fond (et là, ce n’est pas bon…). Nous sommes dans le détroit de Kodé, face à l’île de Rinca (prononcez «Rincha»).

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Dès 8:00 du matin nous sommes opérationnels. Chacun a vérifié son équipement, l’un d’entre nous cherche son ordinateur de plongée (retrouvé dans le sac de sa voisine !). Check du matos de prises de vue sous-marine, l’énorme caisson de 14 kg est armé, les quatre gros phares sous-marins prêt à illuminer tous les coraux et plus encore. Nous passons de notre bateau de croisière (transformé pour quelques jours en bateau de tournage) au zodiac qui nous emmène sur le site, et nous apercevons un petit varan de Komodo sur la plage à quelques centaines de mètres de nous. Normalement les varans ne passent pas à l’eau spontanément, nous ne devrions pas le croiser sous la surface. Mais sait-on jamais ?…

Comme d’habitude pendant les tournages, nous laissons plonger René d’abord pour qu’il puisse affiner son lestage et peaufiner ses réglages de caméra en fonction de la luminosité dans l’eau, puis il descend se positionner quelques quinze ou vingt mètres plus bas pour filmer notre mise à l’eau et la descente dans le bleu. Pour plonger en région tropicale, j’ai emporté deux combinaisons néoprène : une 5 mm d’épaisseur, l’autre de 3. Il fait 32° sur le bateau, j’ai opté pour la combi 3 mm ce matin mais à l’immersion, le froid me saisit instantanément. Je pense à un léger choc thermique du au fait que nous avons un peu « mariné » dans notre combi sur le bateau, à tourner et virer en attendant d’être sur le site, mais la sensation de froid durera toute la plongée. L’eau est à 23°, elle est très chargée en plancton et l’ambiance est vert Bretagne… Nous espérons tous un requin baleine, mais je rêve sans doute un peu trop… (nous le verrons quelques jours plus tard, ailleurs).

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Sous la surface c’est le jardin d’Alice au Pays des Merveilles, un monde délirant de couleurs ! Tellement que finalement, ce ne sont pas les poissons que nous voyons en premier. En vrac, et dans une joyeuse débauche de formes et de volumes : des tubastrea micrantha (coraux verts branchus) ; des tables de corail d’un mètre d’envergure. Un petit poisson de 10 cm, jaune citron, nageoires déployées et petite épine dressée au-dessus de sa nageoire dorsale (inconnu au bataillon !). Des crinoïdes vertes et jaunes, blanches, noires, blanches zébrées de noir (première fois que j’en vois des rayées !). Les crinoïdes sont fixées sur le tubastra micrantha, les gorgones et partout ailleurs. Des dizaines de nudibranches blancs ou jaune citron (citrine) portent un petit toupet sur la queue (photo ci-dessous), et je n’exagère pas… Un nudibranche kuribatha (vert émeraude zébré d’orange fluo, comme à l’île Maurice). Un petit poisson qui ressemble à un poisson-feuille par son comportement (marron clair) mais qui n’en est pas un. Des milliers de fusilliers et d’anthias oranges, des poissons cochers, de gros perroquets, un gros diodon à taches noires et jaunes (plus gros que le caisson sous-marin). Un tout petit gobie rouge rayé. Ce que je prends d’abord pour de petites éponges blanches rayées de bleu vif et de jaune et qui sont en fait des tuniciers. Une immense gorgone pourpre-violet, plus grande que moi. De gros gaterins cachés sous une roche, surpris par notre visite. Une énorme anémone fermée, jupe rouge brique avec points oranges dessinés verticalement du pied vers le centre (comme un oursin), bouche close sur un petit cœur palpitant de tentacules translucides aux pointes parmes. Des troncs d’alcyonnaires rose thyrien gros comme la cuisse de l’un de nos plongeurs (c’est dire !) ! Un immense buisson de gorgones beiges à cheveux longs… De nombreuses gorgones fil, ou tortillons. Beaucoup d’éponges bleu lavande, translucides. Et une petite méduse aperçue à la descente. Un poisson-ange empereur. Des centaines de poissons demoiselles de toutes espèces. Et même une étrange tulipe bleue ! (photo ci-dessous). Chaque centimètre est couvert d’éponges, de crinoïdes, d’alcyonnaires, de coraux… Un délire.

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Je n’ai jamais vu un site si riche en flore, une sensation de jardin inépuisable… Je profite pour une fois de ma plongée, n’ayant aucun travail particulier à faire si ce n’est rester proche des plongeurs. Et René a tenu sa promesse : il m’a prêté son petit appareil photo dans un mini caisson et je fais quelques images, mais avec un flash intégré, ce qui interdit les vues grand angle, et le temps que je m’habitue aux réglages… Ce n’est pas un appareil de pro mais ces photos me permettent tout de même d’illustrer un peu cet article, ce qui n’est déjà pas si mal !… Je suis ravie. En sortant de plongée l’Homme regrettera de ne pas avoir descendu son caisson pour faire de la photo.

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Nous avons froid tous les 4, et nous remontons en fin de bouteille pour les trois hommes. Il me reste 70 bars, mais j’ai moins fourni d’efforts qu’eux. Une séquence tournée par René dans les 7m. nous sert de palier. Le site est à moins d’une minute du bateau, le retour à bord est très rapide ; il faut rincer le caisson et tout le matériel sous-marin, sortir la caméra, recharger toutes les batteries, remplacer la cassette, vérifier les images tournées,…

Un rapide brief nous permet de décider quelle sera la prochaine plongée de l’après-midi : en fonction de l’inversion de la marée et des scènes que nous avons à tourner, nous devons déjeuner rapidement puis être prêts à plonger vers 13:15 pour être sûrs d’être dans l’eau vers 14:00 et profiter de la bonne orientation du soleil sur un site qui s’appelle Yellow Wall, un tombant sur lequel nous pourrons rester dans les 25 mètres. Dolphin (ça ne s’invente pas !), notre dive master, nous promet des couleurs encore différentes et peut-être un degré de plus en température de l’eau. Mais on ne nous y reprendra pas : sur un échange de regards, nous sommes tous d’accord pour enfiler notre 5 mm ! Et pour réchauffer tout le monde, je file préparer un thé.

 

Site : Cannibal Rock, l’un des plus beaux de la région.
Durée de la plongée : 60 mn en tout
Profondeur : nous nous sommes arrêtés à 24 mètres maxi
Consommation : bouteille à 180 bars, je remonte avec 70 bars.
Niveau : à partir de 1*
Courant : faible, autour du rocher
Visibilité : moyenne, eau très chargée en plancton, atmosphère vert Bretagne.
Température de l’eau : 23°

 

(extrait de mon journal de plongée : 15 septembre 2006)

 

 

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