Poussière d’îles saupoudrant 400 000 km² entre Maldives et Madagascar dans l’océan indien, l’archipel des Seychelles représente le fantasme absolu pour la majorité de nos populations urbaines souhaitant oublier le stress de la vie active à l’ombre des panneaux d’affichage et à grands coups de décibels. Avant le week-end, laissez-moi vous emmener sur l’une de ses îles les plus admirées, les plus photographiées : l’île de La Digue.

En séjour farniente sur l’île de Praslin depuis quelques jours, je me suis abandonnée lascivement à la douce langueur des Seychelles, séduite par le sourire indolent de ses habitants pour lesquels les projets à long terme n’ont pas cours. Ici on vit au jour le jour, au rythme des alizés, sous la caresse du soleil. Et j’en fais autant…

Pourtant ce matin avec ma meilleure amie nous avons fait l’effort de nous lever plus tôt pour faire escale sur l’une des îles les plus réputées de l’archipel, à portée d’une traversée en ferry. En guise de ferry, il s’agit plutôt d’un bateau de bois qui fait transport de marchandises et de passagers, à heures fixes et plusieurs fois par jour. En l’échange d’un ticket de quelques roupies acheté sur le quai, nous montons à bord et si mon amie préfèrerait s’installer à l’avant et en plein air pour mieux profiter du voyage, je l’entraîne bien vite à l’intérieur de la cabine, soupçonnant le trajet d’être un peu agité si j’en crois l’écume qui frange les vaguelettes, là-bas, au-delà de la digue de Praslin. Bien m’en a pris…

Un trajet d’une courte demi-heure nous transporte d’une île à l’autre, jusqu’à la jetée bétonnée de La Digue, sous le soleil radieux qui sèche la pluie qui vient de tomber. Nous refusons avec le sourire l’offre de quelques Seychellois avisés qui prennent d’assaut la vingtaine de touristes hésitants, proposant vélos ou chars à bœufs puisqu’il n’existe que très peu de véhicules à moteur sur l’île. Jusque dans les années 1970 les chars à bœufs représentaient le seul moyen de locomotion sur La Digue.

Ces photos ont été prises au cours de trois voyages : en 2002, 2004 et 2009.

Un Seychellois plus détaché attire notre attention. Assis sur le banc de son char à bœuf, il attend le visiteur sans précipitation et convient parfaitement à notre objectif simple, notre ambition modeste : voir ce qui fait encore rêver des millions de Terriens. Un tarif vite négocié, vite accepté, et nous voici avec un chauffeur d’un genre particulier pour la journée. Malgré son avertissement « attention la tête« , je me cogne à une poutrelle en grimpant à l’arrière du char aux deux grosses roues de bois qui oscillent sur la route irrégulière. Le confort est frustre mais la récompense est là : le claquement de langue de notre rasta aux longues dreadlocks est le seul son qui trouble l’atmosphère, et les effluves de terre mouillée remplacent avantageusement l’air conditionné.

Cahin-caha, nous dépassons les échoppes pour touristes qui vendent tout ce qui peut être estampillé « Seychelles », puis le poste de police, la poste, les dernières maisons de bois peintes en blanc, en vert pâle. Les jardins sont fleuris, luxuriants : fleurs de gingembre et oiseaux de paradis rivalisent avec les buissons épineux de bougainvillées fushia qui cascadent en grappes lourdes le long de la route. Volontairement, nous laissons aux touristes la primeur de la visite aux tortues géantes d’Aldabra (une autre île seychelloise) parquées dans des enclos qui manquent de poésie.

Un ou deux kilomètres plus loin nous longeons un ancien cimetière colonial : des pierres tombales de guingois, aux inscriptions en français diluées par le temps, témoignent de l’histoire des Seychelles.

Au croisement d’un chemin nous bifurquons sur la gauche pour emprunter l’allée de terre d’une huilerie située dans une ancienne cocoteraie. Une halte quasi obligatoire pour une démonstration d’extraction d’huile de coprah, avec toutes les étapes du traitement de la noix de coco, qui évoque le souvenir des esclaves jadis enchaînés à cette lourde meule de pierre aujourd’hui entraînée par un bœuf.

A un jet de roues, c’est la maison coloniale qui servit de décor au dernier film de la série des Emmanuelle qui fait l’objet d’une autre étape quasi incontournable. Outre son imposant toit de feuilles de palme et son immense varangue, c’est avec un demi-sourire que notre chauffeur rasta signale qu’elle appartient au chef de l’état seychellois et qu’elle est aussi la résidence estivale d’autres chefs d’états, tels que… Bill Clinton et… Jacques Chirac (l’océan indien tout entier aime notre ancien président qui le lui rend bien).

Pourtant en nous retournant nous remarquons surtout les petites cases de bois de palmier d’environ deux mètres sur trois, en bordure de propriété, qui abritaient les esclaves de cette ancienne plantation. Dans l’air flotte un parfum sucré de vanille. Les bouquets de gousses vertes s’agrippent en lianes au tronc de quelques arbres alentours. Dans les clayettes devant les anciennes cases d’esclaves, elles brunissent au soleil, exhalant ces effluves de pâtisserie de nos grands-mères…

Personne n’a poussé jusqu’au bout de la plage, là où les roches de granit rose coupent la route aux plus audacieux…

A compter de cet endroit nous marchons sans nous faire prier sur un étroit sentier à l’ombre d’immenses blocs granitiques qui dissimulent à peine frangipaniers parfumés et buissons d’allamandas aux fleurs couleur citron. Au gré de notre promenade paresseuse nous aboutissons régulièrement sur de minuscules plages qui font crépiter les déclencheurs de nos appareils photo. Ici le bleu turquoise du lagon tranche sur le rose poudré du granit. Une façon comme une autre de nous souvenir que, lorsqu’elle fut découverte en 1744 par Lazare Picault, l’île de La Digue fut nommée « l’Île Rouge » du fait de ces roches énormes effondrées au hasard sur les plages, adoptant un reflet flamboyant au soleil couchant.

Plus loin, c’est un palmier célèbre qui nous arrête : avec son plumet ébouriffé léchant l’écume qui vient mourir sur le sable immaculé, son tronc ployé humblement soutient pourtant avec grâce le postérieur des top models les plus célèbres du monde. Un cadre idéal pour les séances photos de mode tout particulièrement pour les numéros d’été affichant les bikinis griffés sur fond de sable blanc.

Enfin, après une ou deux hésitations de midinettes désireuses de faire partie du paysage tant convoité (« on y est ?… » et « non, je ne crois pas, poursuivons…« ), nous débouchons enfin sur la mythique plage de Anse Source d’Argent. Nous comprenons alors pourquoi elle est régulièrement citée parmi les dix plus belles plages de la planète…

Un long ruban de sable farine serpente devant un lagon peu profond jusqu’aux éboulis de roches granitiques roses, éparpillés en des temps anciens. Les coraux affleurant la surface offrent des jeux d’ombres et de lumière sur l’anse translucide et je devine les poissons de récifs qui s’ébattent à l’abri des grands prédateurs. Si le paysage nous laisse muettes un instant, nous décidons très vite de poursuivre jusqu’au bout, là-bas, et de nous perdre entre les roches célèbres.

Le palmier qui figure sur de nombreuses photos de mode, La Digue, Seychelles © Marie-Ange Ostré

Le palmier qui figure sur de nombreuses photos de mode, La Digue.

Ce matin peu de touristes ont fait l’effort de suivre le chemin de sable jusqu’ici et nous ne croisons qu’une dizaine de vacanciers trop heureux de se partager le littoral en toute quiétude. Pourtant personne n’a poussé jusqu’au bout de la plage, là où les roches de granit rose coupent la route aux plus audacieux. Or je veux toucher ces pierres polies par des millénaires de vent, je tiens à effleurer ce cuir usé, un cuir modelé par des siècles d’érosion, tanné par les embruns et l’ardeur du soleil quotidien.

La marée montante caresse nos genoux mais nous allons encore au-delà, jusqu’à ce que les vaguelettes nous soufflent de rebrousser chemin sous peine de nous rouler dans l’eau, avec nos sacs de plage et nos appareils photo.

Nous sommes allées au bout de l’Anse d’Argent, au bout de notre rêve…

A partir de ce jour nous en nourrirons un autre…

Envie d’en apprendre davantage sur mes cinq voyages aux Seychelles ? Voici quelques pistes à explorer :

L’île de La Digue est la quatrième plus grande île de l’archipel indépendant des Seychelles. Avec 2500 habitants sur une superficie d’environ 10 000 km2 elle est célèbre pour ses formations granitiques et ses plages protégées. Elle est située à 6km de l’île de Praslin, à 43km de l’île principale (Mahé). Accessible seulement en bateau.

Cet article a été publié une première fois en février 2008 sur mon blog de voyages Un Monde Ailleurs (2004-2014), blog qui n’est plus en ligne aujourd’hui. Les articles re-publiés sur ce site le sont s’ils présentent à mes yeux une valeur émotionnelle ou s’ils offrent un intérêt informatif pour mes lecteurs. Ils sont rassemblés sous le mot-clé « Un Monde Ailleurs ». Malheureusement il a été impossible de réintégrer les commentaires liés à cet article, seul le nombre de commentaires est resté indiqué.

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