Saint-Martin, avion en approche de l'aéroport © Marie-Ange Ostré

Je voyage très souvent seule, mes capacités d’observation sont alors décuplées puisque sans conjoint je peux me concentrer sur d’autres situations alentours.

Si je  n’aime pas les quais de gare qui sont synonymes de tristesse et nostalgie, j’aime les aéroports : j’observe autour de moi, j’écoute, et je joue à deviner les métiers et les vies de chacun. Un jeune Black magnifique mais plus grand que nature ?… C’est un jeune Malgache en vadrouille sur l’île de La Réunion. Un costume-cravate qui s’éponge le front toutes les deux minutes ?… Un contrat en souffrance qu’il n’est pas certain de signer. Une paire de talons façon Sex & The City ?… Une trentenaire qui cherche, cherche,…

Les aéroports sont des microcosmes à étudier de près, et je ne m’y ennuie jamais.

Par contre je bouillonne souvent lorsque, après deux ou trois heures de voyage, les personnes assises devant, derrière ou à côté de moi en sont toujours à échanger les détails de leur vie aussi consciencieusement qu’une guenon dépiaute une banane ! Qu’elles se connaissent de longue date, qu’elles se retrouvent pour partager un vol ensemble ou qu’elles viennent tout juste de faire connaissance, c’est à qui donnera le plus de précision sur des tranches de vie très confidentielles. Alors, voyeuse involontaire, espionne malgré moi, j’en suis réduite à faire semblant de ne pas entendre, à forcer le son de mon téléphone pour me concentrer sur des vocalises ou du jazz, pour surtout ne plus entendre !

Comment peut-on être soudain autant désinhibé dès lors que l’on s’installe en avion ?…

Est-ce la durée malgré tout limitée de cette promiscuité forcée qui délit les langues ? Le fait de ne croiser cette autre vie que quelques heures sur un long chemin libère-t-il des confidences et secrets longuement conservés par ailleurs dans une vie claquemurée ?

Pourquoi les passagers oublient-ils alors, qu’outre celui ou celle qui l’écoute, il y a au moins quatre autres personnes à portée de voix, témoins involontaires de malheurs ou de disgrâces, de bonheurs ou de suffisances ?

J’ai déjà décrit précédemment les 10 situations qui me crispent en voyage, et en ces temps de transhumance estivale cet article reste d’actualité. Mais lors de mon retour de New York il y a quelques jours (ah non ! déjà quelques semaines ! il est temps de repartir…), j’ai du écouter malgré moi les détails d’une intervention gynécologique récente. Au bout de deux heures, et comme cette crécelle ne cessait de surenchérir dans l’intime – malgré mes regards insistants – j’ai saisi mon carnet de notes et j’ai replongé dans mes souvenirs pour dresser la liste des sujets de conversation qui m’ont été imposés en avion. Survolons ensemble… :

  • une quadra explique à sa voisine les détails d’une ablation des ovaires sur sa soeur tandis que l’autre venait de lui expliquer tous les inconvénients (vécus) de la prise de pilule du lendemain. A vous donner envie d’être bonne soeur !
  • un homme d’affaires expose les dessous de la stratégie d’investissements de sa société à un jeune loup aux dents longues qui en bavait d’aise. Toute la nuit vous entendez résonner « million dollars… million dollars…« … À vous donner envie de le dénoncer à sa DRH !
  • une attachée de presse qui joue du croupion devant ses clients qui jouent les enfants (elles ne sont pas toutes comme cela, je vous rassure) tout en claironnant les avantages d’un hôtel dont vous connaissez les moindres recoins pour y avoir séjourné plusieurs fois. Les clients lâchent des « oh… » et des « mmm… » de plaisir anticipé tandis que vous ricanez sous cape puisque vous savez que la direction a changé l’année précédente et que l’hôtel n’est plus ce qu’il était…
  • une mamie déclame à voix haute pendant les cinq heures que dure le vol tous les secrets de ses recettes de cuisine, et sa compagne de voyage inopinée entame une compétition à haut risque dans le surenchérissement. Mais la vieille dame avait raison : il faut griller les épices dans de l’huile et non pas les noyer dans la sauce… Néanmoins sur un vol tôt le matin, bon appétit !
  • un couple de pré-retraités qui va assommer une jeune gazelle aux yeux d’ambre avec 1001 questions sur le Maroc : « et les femmes, elles sont voilées ?… elles peuvent se mettre en maillot de bain ?… vous avez le droit de divorcer ?« . Et voici une étudiante visiblement née et élevée en France, tiraillée entre deux cultures, devant ces indélicats qui ne pensent qu’à obtenir réponse à leurs interrogations sans souci de froisser la sensibilité de leur jeune interviewée forcée…
  • deux poupées culottées bas, nombril et piercing exhibés, mettant à jour le curriculum vitae très intime de chacune de leurs relations communes, avec force exclamations (« c’est vraiment une s… de lui avoir fait ça !« ) et rires semi-hystériques en s’enfonçant chaque fois par petits bonds dans les fauteuils qui rebondissent contre les genoux du passager de derrière qui n’en demandait pas tant…
  • combat de magazines de deux excitées de la presse people au fait de chaque carrière, chaque changement de coiffure, chaque adultère… Comparaison entre Ashton Kutcher et un débutant fraîchement starisé, évaluation détaillée du sex-appeal du mari de telle top-model ou de l’amant de telle autre sirène hollywoodienne. Et l’inadmissible que je ne peux pardonner : traiter George Clooney de « trop vieux » !!!…
  • le compagnon qui raconte les us et coutumes de notre pays de destination à sa fraîche épousée ou concubinée, sans y avoir pourtant et de toute évidence encore jamais posé le moindre orteil. Envie de lui assener quelques tapes sur le haut du crâne enflé afin de lui apprendre à ne pas raconter d’énormités juste pour ne pas avoir à avouer qu’il se sait pas ! Et il ne se taira qu’après avoir détaillé les sévices coquins qui font déjà roucouler la future victime, l’occasion pour mon voisin de siège de se lever trois fois dans l’heure qui suivra pour pouvoir dévisager la jeune femme avec concupiscence…
  • celui qui se sent investi d’une haute mission en vous expliquant par le menu l’objet de ses tractations sur le marché du sucre et que vous avez envie de faire taire en lui enfournant dans le bec ce sucre qu’il néglige au moment du café servi par le steward
  • le trublion de service qui se sent obligé de distraire les copains en racontant toutes les dernières blagues entendues chez Ruquier, ou pire sur Rires & Chansons. Quelques rires discrets (de compassion ?), une hôtesse qui sourit poliment, et l’envie générale de le bâillonner dans les toilettes au fond de l’avion.

 

Bref, en avion les langues se délient et s’oublient…

Mesdames et Messieurs, avant de boucler votre ceinture de sécurité, prenez conscience de la proximité immédiate des passagers qui ne veulent rien connaître de vous autre que votre embonpoint sur le siège adjacent ou votre silence respectueux de l’intimité de chacun.

Dragueurs, abstenez-vous de forcer la bonne volonté des demoiselles qui ne sont plus en détresse de nos jours.

Mamies, ne confondez pas la cabine d’un avion avec un salon de coiffure où l’on échange futilités et sournoiseries sur le ton du journal télévisé.

Amoureux, gardez pour vous les fantasmes murmurés et vos envies répétées.

Par pitié, soyez conscients que les passagers assis juste devant et derrière vous entendent bien malgré eux chaque propos, chaque remarque, chaque dispute. Ne nous faites pas participer, même involontairement, à vos scènes de ménage ni à vos diagnostics médicaux.

Regardez les films, écoutez la musique, lisez, mangez, dormez !

Et laissez-nous dans l’ignorance d’une vie qui peut rester privée sans nuire à quiconque…

Bon voyage…

😉

Cet article a été publié une première fois en août 2009 sur mon blog de voyages Un Monde Ailleurs (2004-2014), blog qui n’est plus en ligne aujourd’hui. Les articles re-publiés sur ce site le sont s’ils présentent à mes yeux une valeur émotionnelle ou s’ils offrent un intérêt informatif pour mes lecteurs. Ils sont rassemblés sous le mot-clé « Un Monde Ailleurs ». Malheureusement il a été impossible de réintégrer les commentaires liés à cet article, seul le nombre de commentaires est resté indiqué.

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