Icebergs en baie de Disko, région d'Ilulissat au Groenland

Voici un article qui a déchaîné les passions, et multiplié les insultes en guise de commentaires… autant de lecteurs qui n’ont pas lu correctement mes propos !

J’ai promis de tout vous raconter, je vais le faire. Quitte à me faire lyncher par ceux qui pensent tout savoir sur un sujet particulièrement sensible : faut-il manger de la viande d’ours polaire ?

Très honnêtement, fréquenter depuis quelques années des guides locaux, des climatologues, des biologistes marins, etc… m’amène à croire que nos grands medias se plaisent à diffuser l’information qui fait réagir, celle qui fait vendre. Parfois différente de celle que ces spécialistes aguerris nous livrent spontanément pendant nos tournages et au gré de leurs décennies d’études et d’expériences professionnelles. Mais bien sûr ensuite si le discours ne colle pas à ces règles internes… on modifie le texte !

Laissez-moi vous raconter.

Nous n’avons dormi que 4h30, et nous sommes tous morts de fatigue. Depuis dix jours les nuits sont trop courtes et les efforts sont intenses, d’autant que notre organisme doit s’habituer au changement de température et nous remontons de plus en plus vers le Nord…

Ce matin nous sommeillons tous dans l’avion, entre deux photos prises rapidement par le hublot. Patrick tourne malgré tout quelques petites séquences, mais sans grand enthousiasme parce que la lumière était meilleure lors de notre arrivée deux jours plus tôt.

Atterrissage à Ilulissat, une petite ville bâtie à l’abri d’un fjord classé au patrimoine mondial naturel de l’UNESCO (lire sa fiche ici).

À Ilulissat nous retrouvons nos amis plongeurs à 9:00 autour d’un petit déjeuner copieux : soupe au poulet et fromage (du Stilton, presque du roquefort…) accompagnée d’un petit pain aux céréales qui croustille comme un croissant.

Puis, constatant que le soleil commence à montrer ses premiers rayons, Patrick part en vadrouille pour tourner quelques plans panoramiques. Suivi de près par ma petite personne qui sait pertinemment que notre réalisateur ne filmera que les meilleurs points de vue et que j’aurai ainsi les plus beaux paysages en photo. D’autant plus que Nicolas Dubreuil, notre guide et régisseur au Groenland, connaît si bien la région (pour y passer 6 mois par an) que nous pouvons lui faire confiance lorsqu’il nous dit : « je vais vous montrer les plus beaux icebergs de toute la baie de Disko » (l’île géante qui fait face à Ilulissat).

Et de fait, c’est… somptueux !

Après une petite balade grandiose de… 6 heures, entrecoupée d’une halte déjeuner à 14:30 au restau fast-food chinois du coin tenu par un Indien de New Delhi (fameuse sa soupe de nouilles au poulet !), Nicolas nous dépose à l’hôtel et Patrick et moi rejoignons nos chambres respectives pour prendre un peu de repos bien mérité : nous ne tenons plus debout et avançons avec peine !

Réveillés par Nicolas à… 19:50 l’Homme et moi rejoignons nos amis au restaurant de l’hôtel qui, en l’honneur de l’équipe de tournage française, a concocté un buffet de mets groenlandais. Vous le savez, j’aime manger local !

Nicolas nous assurant que nous ne mangerons nulle part ailleurs les produits groenlandais cuisinés aussi finement, et curieuse comme je le suis, j’ai goûté à tout ce qui pouvait être une première pour moi. J’ai décidé de prendre de petites portions, de tout.

D’abord de la graisse de narval découpée en petits cubes : pouah !…

C’est d’abord croquant (la peau, bien raide) puis vous prenez une giclée d’huile en bouche et la graisse fond littéralement sous la langue. Je n’en ferais pas un met de prédilection mais il paraît que c’est très énergétique pour les Inuits l’hiver par – 40° dehors. Je crois les locaux sur parole !

Puis j’ai goûté à de la soupe de baleine, sans grande particularité gustative mais tout à fait comestible.

J’ai enchaîné alors avec du saumon frais cru, puis mariné aux herbes, puis des crevettes (celles que vous achetez sous vide pour agrémenter vos avocats le dimanche), et du flétan fumé (fondant, délicieux, on en trouve en France), enfin du lompe (celui des œufs).

manger de la viande d'ours polaire, au Groenland

Et je me suis ensuite lancée dans bien plus original encore. Voyez sur l’assiette ci-dessus, de gauche à droite dans le sens inverse des aiguilles d’une montre à partir de la cuillerée de mayonnaise :
– du bœuf musqué froid puis du bœuf musqué en ragoût (viande extrêmement dense, au goût un peu… musqué ! pas terrible),
– du ragoût de baleine (très agréable, une viande un peu filandreuse, pourrait ressembler si on tient vraiment à faire une comparaison à du bœuf bourguignon cuit pendant deux jours),
– du renne fumé (appelé plutôt caribou ici, j’en avais déjà mangé en Suède et en Finlande, goûteux),
– et enfin tout en haut, de l’ours polaire en sauce.

Oui, de l’ours blanc.

C’est très bon, une viande qui ressemble au veau par la consistance, très douce au goût.

Alors oui certains d’entre vous pousseront sans doute les hauts cris : comment avez-vous pu manger des espèces protégées ?!…

Sans scrupule. Et sans état d’âme.

Pourquoi ? Parce qu’ici c’est ce que mangent les Inuits, comme vous mangez chaque jour du bœuf, du poulet, du veau, du maquereau ou de la truite.

Parce qu’il s’agit de LEUR alimentation, traditionnelle, depuis des siècles.

Parce que ces viandes et poissons (agrémentés d’herbes et de racines, ou de baies) permettent aux Inuits du Nord du Groenland de survivre dans des températures démentes et dans la région la plus hostile du monde.

Et parce que les Inuits ne pratiquent pas l’abattage aveugle comme certains bien-pensants aimeraient nous le faire croire, à l’abri de leurs résidences de luxe sur la côte d’Azur ou ailleurs.

Les photos de bébé phoques abattus sont cruelles, et réelles, dans certaines régions du monde (Canada, entre autres). Leur peau contribue à la production de fourrures pour ces mêmes personnes aisées du reste du monde.

Mais ici au Groenland, il s’agit juste de pêche et de chasse, indispensables à la survie des 56 000 Groenlandais qui vivent ici et qui se battent chaque jour sur une terre qui n’est pas cultivable et qui ne peut supporter un quelconque élevage.

Alors oui, peut-être n’aurais-je pas du en manger, pour montrer l’exemple.

Et puis quoi ? Pour donner une leçon à nos hôtes qui nous accueillent en leur terre gelée ?

Loin de toute polémique (qui a bien surpris puis blessé les Inuits qui n’ont pas compris pourquoi soudain le monde entier les méprisait pour une pratique traditionnelle de survie), j’ai voulu goûter à tout, en voyageuse curieuse. Et même si je n’ai pas aimé la graisse de narval, je garantis que si j’ai l’occasion de tester sa viande délicieuse – dit-on – j’en mangerai. Puisque les Inuits me l’auront préparée.

En attendant ce moment, je vous laisse parce que je dois rejoindre l’équipe : nous partons passer la journée en mer parce que nos plongeurs, l’Homme compris, doivent plonger sous un iceberg aujourd’hui et qu’il s’agit là de deux plongées très, très, très dangereuses (photo ci-dessous, mise en ligne le lendemain de la publication de ce texte).

Vivement ce soir…

Plongée sous glace au Groenland © Carnets d'Expédition

PS (édition de décembre 2007) : je ne le savais pas encore au début de ce tournage au Groenland, mais quelques jours plus tard nous serons invités à dîner chez des Inuits dans le Nord du territoire. Au menu du soir, pour nous honorer : des steaks de baleine, en sauce au poivre. Bien sûr aucun de nous n’a refusé une telle invitation qui venait du coeur !

steaks de baleine (sauce poivre) au Groenland

Et je vous garantis que cette viande de baleine, une seule baleine par an et pour le village tout entier selon une règlementation très stricte permettant leur survie, est absolument délicieuse. Une viande rouge, peu grasse, très fine. Ce sera sans doute la seule fois dans ma vie, mais j’ai apprécié cette nouvelle expérience (même si je n’en ferais pas la promotion).

Envie d’en apprendre davantage sur mon superbe voyage au Groenland ? Voici quelques pistes à explorer :

Cet article a été publié une première fois en septembre 2007 sur mon blog de voyages Un Monde Ailleurs (2004-2014), blog qui n’est plus en ligne à ce jour. Les articles re-publiés ici sont tous rassemblés sous le mot-clé « Un Monde Ailleurs ». J’ai ajouté davantage de photos à ces articles en les re-publiant mais malheureusement il a été impossible de réintégrer les commentaires liés à ces articles, seul le nombre de commentaires est resté indiqué.

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