Tonga, plus grand banyan du monde, île de Eua

Les îles du Pacifique n’ont pas fini de nous livrer une partie de leurs secrets bien gardés : sur l’île de Eua aux Tonga nous découvrons le plus grand banyan du monde.

Ce matin nous nous sommes réveillés à quai dans une baie de l’île de Eua, l’une des îles des Tonga, sur un bateau d’une drôle d’allure surnommé le cochon d’acier par son équipage.

Temps gris et mer d’huile. Au petit déjeuner le capitaine aborde l’unique quai de l’île digne des grands romans de Jules Verne : végétation dense, population de 600 habitants, confort frustre, os humains, araignées géantes…

Eua, prononcez chaque syllabe : É-OU-A. Située à 18km au sud-est de l’île de Tongatapu (île principale du royaume des Tonga), Eua est d’origine volcanique et possède falaises abruptes et forêt dense.

Ici nous ne resterons qu’une journée – une bien belle journée – et nous allons tourner six séquences très riches ! Sur un rythme soutenu, comme d’habitude. Pendant que nos plongeurs explorent les fonds marins, l’équipe terrestre descend donc à terre.

Je pourrais rédiger six articles pour raconter cette seule journée, mais il faut bien choisir… Alors je vous montre ici l’une des curiosités de Eua, un arbre mais pas n’importe lequel : le plus grand banyan du monde !

Deux 4×4 nous attendent (enfin disons que nous allons les attendre un bon moment). Nos guides Tongiens, Joe et Peter, nous entraînent à bord de ces véhicules dont ils maîtrisent parfaitement la conduite même si l’un des deux Range Rover n’a plus une seule vitre et que l’autre a les sièges défoncés et grouille de fourmis rouges voraces.

Nous nous arrêtons d’abord pour faire le plein dans une station-essence qui n’a pas d’âge. Je vous laisse juger du savoir-faire du pompiste qui oeuvre en transvasant le carburant depuis les barils, en la pesant à l’aide d’une balance manuelle, puis la verse à l’entonnoir dans le réservoir !

Après moult cahots, glissades dans la boue de pistes à peine tracées et grimpettes abruptes, ils s’arrêtent en forêt épaisse et nous conduisent au bord d’un gouffre surplombé sur l’autre rive par un énorme – véritablement énorme – banyan.

Je n’apprécie pas plus que cela les balades en 4×4, quelque soit le pays et quelque soit le terrain accidenté. J’ai toujours le sentiment de participer à un jeu vidéo pour mâles en manque de sensations. Néanmoins ce jour-là je hume les essences naturelles de la forêt tropicales couvrant les émanations des pots d’échappement. Il a plu dans la matinée et une fine brume se dilue au fil des heures au-dessus des arbres de cette forêt primaire dans laquelle nous nous enfonçons.

Ils nous avaient dit : « laissez-nous vous montrer le plus grand banyan du monde« , et nous avions sourit. Pigeons voyageurs comme nous le sommes tous dans cette équipe de télévision, des banyans nous en avons vu un peu partout dans le monde, et des gros. D’autre part, et c’est un fait avéré, partout où nous allons il y a toujours quelqu’un pour nous assurer d’un superlatif « le plus… du monde ! » (notamment aux États-Unis et dans ses dépendances ou alentours). Alors nous sommes toujours sceptiques, dubitatifs. Voire même narquois.

Mais là…

Joe et Peter nous regardent, puis se tournent vers leur arbre : « chaque fois nos visiteurs sourient, mais quand ils le voient, ils confirment qu’ils n’en ont jamais vu un si gros ; alors si vous savez où il y en a un plus grand, surtout dites-le nous !« .

Et ils éclatent de rire, sûrs de leur fait.

J’ai toujours le sentiment de participer à un jeu vidéo pour mâles en manque de sensations…

Le sourire de Patrick Luzeux, notre réalisateur, ressemble à celui d’un chat qui aurait découvert un repaire de souris : « bon, on va se faire une petite séquence !« . Rapidement il nous met en scène et nous tournons, virons, grimpons, au gré de ses besoins. Mais quand il voit Joe descendre dans le gouffre puis se hisser à la force des bras sur l’une des racines à nues, il nous envoie faire le tour du monstre.

Joe nous guide entre les racines sur la rive opposée et nous enjambons des tronçons épais comme les cuisses d’un sumo. Agile comme un singe, sans doute habitué depuis l’enfance à jouer dans l’ombre du banyan, il nous entraîne à flanc de gouffre et poursuit son évolution entre les méandres du géant.

Nous sommes en plein film de science-fiction (nous suspendant aux racines qui serpentent partout) et quand une branche accroche une mèche de mes cheveux le souvenir des créatures aux bras innombrables et mouvants des films Alien me vient à l’esprit.

Notre petite équipe suit Joe sous l’œil de la caméra de Patrick et lorsqu’il enjambe quelques racines au-dessus du gouffre nous l’imitons sans hésitation malgré l’appréhension légitime d’une chute potentielle de… trente mètres, au moins !

Par contre, quand je constate que l’Homme qui possède une carrure d’athlète peine autour d’un tronc plus large que lui et que je devine pourri de l’intérieur (le tronc, pas l’Homme !), ma détermination flanche un peu et je décide de m’abstenir afin de ne pas offrir un scoop morbide à Patrick. Je poursuis discrètement par l’intérieur des racines pour rejoindre le groupe.

À ce moment-là, l’Homme se retourne et me voit derrière lui. Pensant que je l’ai suivi jusqu’autour du tronc pourri au-dessus du gouffre, il entre alors dans une grande colère et me fait une scène digne d’Attila : l’Homme craint pour ma vie et n’entend plus rien. Impossible de placer un mot et de lui expliquer que je n’ai pas contourné le tronc pourri au-dessus du vide, que je me suis contentée des racines plus à ma taille et qui étaient saines.

L’Homme se met très rarement en colère. Mais cela me servira aussi de leçon : deux jours de bouderie pour une (non) prise de risque au-dessus d’un gouffre.

Quelques minutes plus tard, après un arrêt au-dessus d’une cascade qui plonge d’environ 25m au coeur d’un étroit canyon nous nous amusons à ramper chacun notre tour sous les racines d’un autre arbre gigantesque dont la terre a été creusée petit à petit par des générations d’animaux ou de jeunes Tongiens venant jouer ici au cours de pique-niques familiaux : l’espace dégagé sous les entrelacs de racines souterraines permet à des adolescents ou à des adultes fluets de s’abriter de la pluie (ou de fumer à l’abri des regards).

Plus loin nous découvrons une grotte creusée à même le flanc d’une falaise spectaculaire ouvrant sur le bleu outremer de l’océan Pacifique. Majestueux… D’autant que nous savons que là, face à Eua, s’ouvre la Fosse océanique des Tonga qui chute à 10 882m de profondeur, au second rang des fosses océaniques les plus profondes au monde (juste derrière la Fosse des Marianne, -10 924m).

 

Edit de janvier 2009 :

J’ai appris plus tard qu’il existe des banyans de taille gigantesque en Inde, et notamment dans la région de Calcutta : un banyan aurait plus de 800 ans, un autre une circonférence de 330m, ces arbres ont été enregistrés dans le livre Guiness des Records. Le banyan d’Eua n’est donc peut-être pas le plus grand du monde, néanmoins sa situation privilégiée au coeur d’une île perdue d’un archipel méconnu dans le Pacifique le protègera de toute évidence encore longtemps au contraire de ses congénères mis en danger par la pollution intense d’un pays à la démographie galopante. Sans doute cet arbre tongien sera-t-il alors un jour véritablement « le plus grand banyan du monde ».

Envie d’en apprendre davantage sur mon voyage dans les îles Tonga ? Voici quelques pistes à explorer :

Cet article a été publié une première fois en juin 2007 sur mon blog de voyages Un Monde Ailleurs (2004-2014), blog qui n’est plus en ligne aujourd’hui. Les articles re-publiés sur ce site le sont s’ils présentent à mes yeux une valeur émotionnelle ou s’ils offrent un intérêt informatif pour mes lecteurs. Ils sont rassemblés sous le mot-clé « Un Monde Ailleurs ». J’ai ajouté davantage de photos à ces articles en les re-publiant mais malheureusement il a été impossible de réintégrer les commentaires liés à ces articles, seul le nombre de commentaires est resté indiqué.

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