histoire d'une photo sous-marineComme nombre d’entre vous j’ai passé la majeure partie de ma vie à ne pas aimer mon image. On appelle cela de la timidité, au mieux de la réserve. Mon reflet dans le miroir ne présentait que l’enveloppe extérieure de mon identité et très longtemps ma vie professionnelle a imposé que l’image soit maîtrisée, pour aller plus loin, plus haut. Puis j’ai tout remis en cause. Quelques années plus tard survient un photographe de talent qui insiste, persévère, et parfois vole. Et de fil en aiguille, on en vient à poser…

Marie-Ange Ostré, Egypte 2008

Je vous ai déjà parlé des difficultés d’être modèle sous-marin et j’ai alors rencontré de nombreux échos auprès de mes lectrices plongeuses notamment. Elles ont reconnu les vicissitudes et aléas de plongées gérées par ces messieurs désireux de faire l’image de l’année, celle qui les rendra fiers plus tard. Je suis (un peu) photographe, surtout par passion, parfois de métier. J’alterne l’un puis l’autre côté du miroir, en étant toujours plus à l’aise derrière l’appareil photo plutôt que devant. Mais laissez-moi vous raconter l’histoire de cette photo…

C’était en Egypte, il y a quinze jours, sur un site splendide face à Marsa Shagra, fait d’un dédale creusé par le courant dans le récif, alternant tunnels, antres, grottes, porches,… splendide. Mais c’est aussi le genre de site qui vous fait regretter d’être modèle sous-marin puisque, dès les premières minutes, vous savez que les séances vont durer…

Poisson-scorpion d’EgypteNous venons d’entrer dans une petite grotte pour déboucher sous un étroit puits de lumière. Et le photographe passe, sans le voir, au-dessus d’un beau poisson-scorpion que Julien Stein (notre guide attitré) me désigne du doigt. S’il y a un poisson-scorpion, aux épines venimeuses (ci-contre), c’est qu’il peut y en avoir d’autres et quand on connaît son aptitude au mimétisme, on se retient de poser la main ou un genou sur quoique ce soit. Pas évident dans une grotte à fond de sable, lorsqu’il faut jouer très précisément avec sa flottabilité…

L’Homme avise le puits de lumière et me fait signe de poser. C’est notre deuxième plongée de la matinée, nous sommes déjà à 45 minutes d’immersion dans une eau à 22°, et je commence à avoir vraiment froid dans ma combinaison 5 mm. De fil en aiguille il insiste pour que je me tienne à genoux sur le sable et le visage levé vers la lumière, le tout dans un léger courant qui me fait osciller tel un pendule alors qu’il faut que je reste fixe, en essayant de maîtriser les premiers tremblements, en priant mentalement pour que je ne m’appuie pas inconsidérément sur un autre poisson-scorpion, avec une pose qui n’est pas naturelle avec un détendeur en bouche (restez la tête levée sans bouger quelques minutes en serrant un embout entre vos dents…) et donc avec une respiration atrophiée, sans avoir l’air crispé (bonjour les mâchoires), si possible sans poisson dans le champs (toujours la possibilité d’un poisson fuyant, avec un corps « tordu » à l’image), avec le souci d’une frange volante qui ne doit pas se retrouver à la verticale sur la photo et une tresse qui ne doit pas venir danser devant le visage. Sans oublier de ne pas lâcher les bulles à n’importe quel moment pour ne pas boucher le regard du modèle… Tout cela avec le hublot du caisson à quelques centimètres du visage et le flash qui explose à intervalles réguliers alors qu’il faut garder la prunelle fraîche et l’air intelligent (ou tout au moins éviter l’air bovin !).

L’Homme savait précisément ce qu’il voulait obtenir comme effet, ça nous a juste pris environ 12 à 15 minutes (d’immobilité pour moi) pour parvenir à ce résultat. Entre chaque coup de flash il vérifie la photo, précise ses réglages et je le surveille du coin de l’œil tout en reprenant la pause vite fait dès qu’il lève de nouveau l’objectif vers moi. Derrière lui, Julien observe la séance de loin, avec un sourire dans les yeux comme d’habitude. Il me dira en surface que ce n’est pas facile de poser et que je suis patiente (mais je lui donnerai tort à la fin d’une trop longue plongée de nuit le soir-même quand au bout de quatre-vingt-dix minutes de plongée, bleue de froid, j’attraperai littéralement le bras de l’Homme pour l’entraîner d’autorité vers la plage même si sa carte numérique n’est pas encore pleine !).

Et si vous observez mieux, vous verrez que malgré l’efficacité confirmée de la combi, la pose tête levée permet de laisser entrer un filet d’eau particulièrement vicieux à hauteur du cou !… La combinaison s’est remplie d’eau froide comme une outre en moins de deux minutes !…

Pfff… je vous le dis : modèle sous-marin, c’est pas un métier !…

Un jour j’ai publié mes écrits et mes photos, et enfin quelques photos de moi pour illustrer mon travail et ma façon de travailler. Et un soir on réalise qu’un blog fait partie d’un processus sans doute un peu narcissique, s’il n’est pas sciemment contrôlé. Je n’apprécie pas trop de voir mon visage en permanence sur ma bannière. Mais je reconnais qu’il est très gratifiant de pouvoir conserver ensuite un joli souvenir comme cette photo sous-marine artistique qui viendra embellir les pages de mon histoire…

Pour d’autres photos de choix sur ce séjour en Mer Rouge, je vous invite à consulter celles mises en ligne par l’Homme, sur son site perso.

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