plongée Marseille site les FromagesQuand le mistral s’apaise et que la Méditerranée vous tend les bras, il faut savoir céder et monter à bord d’un bateau pour vous offrir une petite plongée, de celles qui semblent inoffensives mais qui ont tant de charme. Ce jour-là l’Homme était armé d’un objectif 50 mm macro, ce qui me garantissait une session plus intéressante : poser pendant de longues minutes devant un objectif sous l’eau n’est pas le plus gratifiant pour un plongeur, surtout lorsque vous essayez de ne rien abimer et que vous préférez l’observation, voire l’exploration. Le 50 mm lui impose d’être à quelques centimètres du sujet, et dans 90 % des cas même mon masque est trop large pour être capté dans son champs de vision…

nudibranche flabelline Marseille

C’est d’abord un véritable rodéo qui me fera hausser un sourcil dubitatif dès que nous sortons de l’abri du petit port des Goudes : la houle vibrant sous l’effet du mistral fait swinguer le bateau et Julien, aux commandes, fait corps avec les éléments avec une délectation évidente. Le bateau se cabre sauvagement, s’incline, se redresse, s’élance de nouveau, tout cela dans un fracas de bouteilles s’entrechoquant et de gerbes d’eau mousseuse s’abattant sur le bateau heureusement vitré (et nous restons au sec). Aucun danger, mais presque spectaculaire…

Dès l’immersion dans cette petite baie au pied de l’île Maïre (à l’abri du vent), Bertrand du Centre de Loisirs des Goudes nous prévient : « longez la falaise et vous arriverez sur des blocs de roches énormes, presque carrés, et pleins de trous, c’est ce qui a donné son nom au site de plongée, Les Fromages« … Les Marseillais ont de l’humour…

Le mistral ayant soufflé tout l’été (euh pardon… seulement trois jours de suite), le choc thermique au moment de la mise à l’eau est… bon, je crois avoir rugit. Après tout, je suis une Lionne, une vraie, donc en cas de détresse je m’autorise quelques débordements (ça ne dure que quelques secondes). Disons que je n’en suis pas forcément consciente non plus, mais je crois avoir fait rire l’une des plongeuses à bord qui surveillait notre mise à l’eau. J’aurais préféré faire cela en toute intimité avec moi-même, mais un Le Guen qui plonge, ça attire forcément l’attention. Pas de chance…

Donc choc thermique, et je file rapidement sous la surface pour y suivre le 50 mm et son propriétaire qui affûte déjà ses réglages. L’eau s’infiltre sous la cagoule (ça va…), sous le menton (brrr…), un peu dans le dos (grrr…). L’ordinateur de plongée indiquera tout à l’heure 14,5° à quinze mètres sous la surface. Vous me permettrez donc de le signaler !

La visibilité n’est pas excellente, et après quelques jours de mistral, c’est normal. Nous longeons la fameuse paroi et dépassons des blocs accumulés en vrac sur le fond comme autant d’apéricubes géants (pour coller à la dénomination du site). Ils dégringolent en pente douce jusqu’à – 40 mètres mais nous n’avons pas l’intention aujourd’hui de descendre aussi bas. En réalité nous avons un but bien précis : trouver un chapon (ou rascasse) qui permettrait à l’Homme de faire un serré sur ses moustaches et surtout sur son œil. Le chapon étant un poisson très statique, ce devrait être réalisable ; encore faut-il dénicher la bête…

spirographe MarseilleChemin faisant pour atteindre la pointe de l’île où Bertrand nous a annoncé un tombant, nous scrutons alors chaque recoin entre les gros blocs recouverts de sédiments et surveillons les anfractuosités, le sable, les petites caches, tout ce qui constitue le refuge d’un poisson plutôt paresseux de nature. Mais chou blanc !

Par contre, pendant que l’Homme s’affaire autour d’un spirographe laiteux (ci-contre), je découvre, ô joie, un joli nudibranche traçant son chemin sur de petites éponges jaunes que je le soupçonne de dévorer au passage. Je l’observe un moment puis je le désigne à l’Homme pour qu’il puisse faire quelques photos. Mais l’Homme s’approche, plaque son masque ostensiblement son masque sur la petite (toute petite) bête et se retourne vers moi, le regard incrédule. Je me demande s’il ne m’a pas prise pour une demie-folle… Ce nudibranche doit mesurer un centimètre et demi de long sur 2 ou 3 mm de large, à peine. Un haussement d’épaules et l’Homme poursuit son chemin. Dépitée, je lui emboîte le palmage et abandonne mon joli trophée (mais si vous voulez voir à quoi ressemblait ce nudibranche en voici une photo prise par mon amie Hélène Caillaud, qui a une passion pour tout ce qui est (tout) petit sous l’eau…).

Quelques dix minutes plus tard, nous découvrons enfin notre terrain de jeu du jour : sous un éboulis de roches se trouve une jolie grotte qui nous ferait presque saliver comme de gros chats devant un bataillon de souris. Suffisamment large pour nous permettre d’entrer tous les deux et à genoux pour faciliter les contorsions nécessaires à un éclairage correct pour les photos, la grotte nous offre une voûte tapissée de coraux rouges éclatants. Et quand je parle de corail rouge, il s’agit du célèbre corail rouge de Méditerranée, celui qui fait la fortune de certains, et le veuvage de bien d’autres.

Je suis estomaquée par la beauté inattendue de cette vision !

Corail rouge de MéditerranéeC’est un enchevêtrement de délicates branches écarlates, que je qualifierais de velues tant les fleurs de corail qui les habillent me font penser à un doux pelage que je me garderai bien d’effleurer. Quand on la chance d’admirer pareil tableau, on respecte, comme devant un dessert fabuleux qu’on prendrait le temps d’admirer avant de consommer…

Sur le sol de la grotte c’est un tapis d’étoiles de mer rouges qui empêche notre progression tant nous veillons à ne rien détériorer. D’ailleurs, là, à deux mètres, voici une aérienne flabelline d’à peine trois centimètres de long, autre nudibranche célèbre de Méditerranée, aisément reconnaissable grâce à ses couleurs éclatantes et à sa houppelande qu’elle agite au gré du très léger courant qui alimente tout ce beau monde (photo en tête d’article)…

Quand l’Homme me fait signe qu’il n’a plus besoin d’éclairage d’appoint j’en profite pour explorer les parois de la grotte et je découvre deux autres nudibranches encore plus petits, d’à peine un centimètre de long. Je décide prudemment de ne pas déranger le photographe pour ne pas me ridiculiser davantage… D’ailleurs, au milieu d’un rassemblement de tuniciers à la robe de velours pourpre, un petit bouquet de clavelines translucides attirent mon attention et je cherche à comprendre comment ces organismes ressemblant à des tubes à essais de laboratoire peuvent s’alimenter.

Plus loin ce sont deux doris dalmatiens bien replets qui feront le bonheur de la séance macro dans quelques instants (un adulte et son juvénile). Ceux-là, on les rencontre aisément sur tous les sites : plus gros, plus identifiables grâce aux motifs léopard de leur robe, on ne peut pas les râter !

doris dalmatien Marseille

Et en fin de plongée, c’est un tryptérygion mâle qui nous retiendra quelques minutes : peu farouche, il oscille de sa tête violet sombre, son corps flammé d’orange plaqué sur sa roche d’adoption. Autour de lui c’est un véritable nid d’oursins violets, noirs ou verts céladon qui agite leurs piquants en espérant la proie…

C’est l’Homme qui va indiquer la fin de la plongée : il a juste oublié de déjeuner et se trouve frigorifié au bout de 55 minutes d’immersion. Je ne peux pas dire que je suis bien au chaud dans ma combinaison mais il me reste encore plus de 100 bars et j’aurais bien prolongé mon exploration de quelques minutes. Quoiqu’il en soit, nous faisons un léger palier accompagné d’un petit banc de sars à tête noire avant de réintégrer le bateau.

poisson apogon Marseille

Ce n’est pas une plongée inoubliable, mais une très jolie plongée d’après-midi paresseuse. Une plongée sans effort, agréable aux curieux qui aiment fouiner, fouiller, et observer. A faire lorsque vous aurez épuisé d’autres sites plus prestigieux ou que vous voudrez entrer dans une grotte confidentielle…

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