Voilà c’est fait ! Ma première initiation à la spéléologie, et on ne peut pas dire que je sois devenue une grande fan du monde des ténèbres…
Ca sent l’ail et la pierre mouillée. C’est dur sous les genoux, mauvais pour les coudes. Il fait froid mais nous transpirons. On ne peut voir parfois que les dix centimètres que nous avons sous le nez puisque l’étroiture nous empêche de relever la tête pour voir au-delà. Nous sommes des papillons de nuit attirés par la lumière des lampes de nos casques. L’Homme est en tête de ce boyau étroit de 40 cm de haut, les enfants passent plus facilement. Vous l’avez compris : aujourd’hui, c’est initiation spéléo !
Depuis le temps que j’en entendais parler, j’avais presque hâte d’essayer. Tout en sachant que je préfère nettement le confort à l’inconfort et que j’ai peut-être passé l’âge de pratiquer ce genre d’exercice. Mais l’idée de me colleter à de nouvelles sensations, l’envie de comprendre pourquoi l’Homme a produit ses plus belles réalisations sur une base de spéléologie et de plongée sous-marine, le désir de connaître moi aussi cette sensation du « très peu de personnes ont vu de leurs yeux ce que tu vois en ce moment », tout cela faisait que j’avais très envie de faire de la spéléo.
Vacances enfants = on se bouge. Vacances de la Toussaint = on met en pratique illico. L’Homme a passé 2 jours à chercher une petite grotte facile d’accès, qui demanderait un peu de rappel en descente pour nous entraîner tous les trois et qui serait surtout un souvenir inoubliable pour ses deux enfants qui découvrent. L’un de ses amis lui a recommandé une grotte faisable avec deux petits de 6 et 10 ans. Nous partons confiants, dans le Var, à 75 minutes en voiture de Marseille, proche du circuit de Castelet. Grand beau temps (à ne pas pratiquer par temps de pluie… les rivières souterraines peuvent enfler en quelques minutes et vous noyer), pique-nique avant l’effort, puis équipés comme des pros avec casques de protection et lampes de rigueur, combinaison étanche pour moi et jeans usés pour les enfants, nous nous engageons dans la grotte.
Dès les premiers vingt mètres, il faut avancer à genoux pour aller plus loin. Les enfants sont ravis. Mais très vite, l’eau apparaît : d’abord quelques flaques dans de petites cuvettes de calcaire recouvertes d’argile rouge. Puis un petit ruisseau. Et pour finir, une belle vasque qui remplira les bottes de l’Homme lorsqu’il nous cherchera un passage pour aller plus loin. Disons-le tout net : nous avons alors stoppé et entamé notre demi-tour parce que la hauteur des bottes des enfants ne leur permettait pas de poursuivre sans être trempés (ce qui est tout de même arrivé à la petite).
Des grottes, j’en ai visité de nombreuses en moins de deux ans, simplement en vivant avec l’Homme : c’est son monde, son terrain de jeu, son éco-système ! Il a développé une vision dans le noir qui est assez hallucinante pour qui n’a jamais passé 47 heures en exploration souterraine et subaquatique. Je le lui dis souvent : « tu es un malade !« . Bien sûr, je le dis en riant. Ce qu’il a accompli est admirable et il fallait une sacrée carcasse et quelques neurones pour être encore bien vivant aujourd’hui. Chapeau. Mais après avoir testé, je confirme : pour avoir aimé ce monde souterrain et avoir voulu découvrir toujours plus loin, c’est un « malade » !
Ici, rien à voir avec la grotte de Padirac, celle de Choranche ou d’autres encore. C’est toujours bien sûr le même monde humide et bruyant : mais si, le moindre souffle s’entend et se répercute sur les parois. Et on souffle !!!…
Très vite dans cette petite grotte du Ragail de Néoules (Var), nous nous retrouvons donc à genoux, en file indienne, puis carrément à plat-ventre. L’Homme est en tête bien sûr, sa fille le suit, puis le garçon me précède. Je ferme la marche instinctivement pour des raisons de sécurité. Il faut bien comprendre que si vous tombez en panne de lumière, ou si vous vous éloignez du groupe, vous êtes en danger.
Dans cette grotte, pas de fil d’Ariane : on progresse comme il l’a si souvent fait, en aveugle…
Les enfants sont enthousiastes, c’est l’Aventure ! Et puis on a le droit de se traîner par terre (il n’y a pas le choix) et peu importe si on salit ses vêtements : on est là pour ça ! Et puis il n’y a que nous ! Les « aïe », « ouille », « attention la tête », « passe de l’autre côté », « rampe sur tes coudes », « j’ai mouillé mon pantalon » et « grmfff… » sont bien à nous !
Dans cette grotte, pas de fil d’Ariane : l’Homme progresse comme il l’a si souvent fait, en aveugle. Cette grotte il ne la connait pas, il la découvre. Avec la responsabilité de deux petits lutins accrochés à ses basques et une femme qui se demande très vite si la spéléo c’est toujours aussi inconfortable.
Parce que ça l’est ! Ma combi rose pétard (je parle de la couleur…) est une combi de spéléo, donc normalement étanche. Je découvrirai en sortant que mon pantalon est tout de même trempé des genoux jusqu’aux pieds et aux coudes ainsi qu’aux poignets. A force de traîner dans l’eau… Mais globalement, elle me protège bien de l’humidité et surtout des petites aspérités. Je porte mes grosses bottes en caoutchouc assez hautes qui m’éviteront de noyer mes chaussettes et dont je me fiche qu’elles s’abiment ou non. Comme les autres, je porte un casque spéléo dont un néophyte pourrait penser qu’il s’agit d’un accessoire superflu. Que non !… Au cours de cette mini-exploration qui durera tout de même 2 heures 30, j’entendrai de nombreuses fois les casques des enfants racler sous la voûte et le mien a tapé également plusieurs fois contre les stalagtites en m’évitant de me faire transpercer le crâne. Port du casque vital. D’autant que sur votre casque trône le bien le plus précieux sous terre : la lumière. l’Homme est équipé d’une lampe qui pue, pardon d’une lampe à acéthylène. L’aîné, en digne fils de son père, idem. La petite et moi bénéficions d’une lampe électrique à LED, privilège de filles… Cette lampe à acéthylène a un fonctionnement particulier que je ne saurais décrire en détail mais disons qu’il faut insérer de l’eau dans l’acéthylène en poudre au fond d’un bidon métallique que vous gardez suspendu à votre hanche, ce mélange produit de la chaux vive qui permet d’allumer une petite flamme sur votre lampe frontale. L’image classique du spéléo d’antan. Outre l’odeur immonde et forte d’ail qui flotte constamment dans l’air humide, l’encombrement de cet équipement n’est pas fait pour vous simplifier la vie, et il faut souvent rallumer la flamme. Mais il paraît aussi que c’est la technique la plus fiable.
Nous progressons… Les enfants sont bavards, enthousiastes « je suis Papa et toi tu restes derrière moi ! » ordonne la petite à son frère du haut de son assurance de petite bonne femme dynamique. Et le frère suit… et je suis le frère. Au bout de 45 minutes, nous arrivons sur un passage encore plus étroit que l’Homme aura du mal à passer et devant l’effroi de l’enfant qui s’inquiète pour son père, il renonce sagement et nous faisons demi-tour. Non sans avoir fait passer la petite dans l’étroiture pour qu’elle sache qu’elle pouvait le faire… Sur ce demi-tour, nous découvrons un autre passage que nous avions négligé et qui s’enfonce davantage en profondeur. L’Homme part en explorateur pendant une minute puis revient pour nous signaler qu’on peut passer. Nous descendons et poursuivons notre avancée dans ces boyaux de roche humide, les pieds en avant ou la tête en avant (selon l’étroiture et ce qui la suit immédiatement), sur les genoux, sur les coudes, de face ou sur le côté. Un passage nous oblige à descendre en nous appuyant avec notre dos sur la paroi tout en progressant avec les pieds, accroupis sur la paroi d’en face. Bien sûr, l’Homme souligne sans se priver qu’il s’agit là d’une ballade de débutants et égrène quelques souvenirs épiques de nombreuses bouteilles de plongée à traîner, de haltes-sommeil roulé dans une couverture de survie, de côtes cassées,…
Ma plus grande inquiétude est d’endommager l’appareil photo que je tiens à l’abri de ma combinaison étanche, à l’intérieur de mon sweat-shirt, mais exposé aux coups lorsque je dois ramper. J’essaie donc, autant que possible, d’avancer un peu de profil. Merci pour les bleus aux hanches ! Mais je ferai ce jour-là de belles photos des enfants, même si par moments l’appareil s’embue et que les couleurs saturent. Seul regret, dans les passages les plus étroits que j’aimerais pourtant montrer au retour, je n’ai même pas la place de sortir l’appareil de mon giron sans risquer de le noyer ou de heurter l’objectif. Dommage !
L’Homme fait découvrir à ses petits le monde souterrain : les différences de roches, les cristaux, les stalagmites (qui montent…), les stalagtites (qui tombent…), etc… A moi, il montrera aussi les araignées noires de la taille d’un ongle de pouce : elles sont le signe évident de la sortie proche au grand air ! Bon à savoir.
Lorsque nous arrivons enfin à ce petit bassin où nous pouvons nous tenir debout, l’Homme en fait le tour, explore, réfléchit, puis décide que nous ne pourrons pas aller plus loin avec les enfants. En explorant, il emplit ses bottes d’eau, ça rafraichit les idées… C’est le signe du retour. Et celui des hésitations sur la voie à suivre : sommes-nous vraiment passés par là ?… Difficile de reconnaître son chemin quand on progresse dans le noir. Mais curieusement, même si je me suis appliquée fréquemment à me retourner au cours de ma progression pour « photographier » de mémoire le terrain en vue de ce retour, je comprendrai que c’est presque grâce à cette vision au ras du sol, à ces aspérités qui vous scient les côtes ou les cuisses, à ces stalagtites qui tentent de vous percer le casque, que vous reconnaissez votre chemin : les difficultés, on ne les oublie pas ! D’un autre côté, c’est aussi en ayant une vision aussi étroite du terrain qu’on peut se perdre : en ignorant une vision globale, plus élargie, lorsqu’on relève la tête au retour on n’a aucun souvenir d’être déjà passé par là, peu de réminiscences du paysage. Sans compter la durée de l’excursion : nous progresserons pendant 2 heures 30 dans cette grotte, mais dans le noir on perd toute notion du temps qui s’écoule et nous imaginerons avoir erré pendant 3 ou 4 heures…
Une belle expérience tout de même, les enfants étaient très heureux d’avoir fait leur première exploration souterraine. Moi, j’aimerais voir autre chose de plus grandiose : l’Homme me raconte souvent ses irruptions dans de vastes salles avec des lacs émeraude, au prix de douleurs et d’efforts incroyables. Ne croyez pas que les douleurs m’interpellent : je les évite autant que possible, mais un tel paysage doit être certainement très gratifiant. Non ?!
Les enfants étaient totalement heureux et excités d’avoir quelque chose de fantastique à raconter à leurs petits copains et nous en avons même créé un blog spécial pour eux.
Quant à nous… nous étions… morts !
Si les coups se font sentir immédiatement, les douleurs s’installent pendant le trajet du retour en voiture, puis elles se signalent au moment où nous descendons de voiture et pendant toute la semaine qui suit !!! Le soir-même nous boîtions en nous plaignant de nos genoux, en fulminant contre notre âge qui se fait sentir, en râlant contre les bleus qui s’étalent des bras jusqu’aux pieds ! Bien simple, je ressemblais à une Schtroumpfette ! Pendant les 48 heures qui ont suivi, nous avons ressenti une immense fatigue physique. Tout en étant tout de même heureux d’avoir pu faire connaître ça aux petits.
Envie d’en apprendre davantage sur mes promenades en France ? J’en parle moins souvent, mais je la connais bien, du Nord au Sud, et d’Est en Ouest. Voici quelques pistes à explorer :
- Mes articles sur la France
- Mes photos sur la France : 500px.com, Adobe, Getty Images, et FlickR
- Préparer votre voyage avec : office du tourisme de France
Blogueuse voyage depuis 2004, auteure, photographe, éditrice du magazine Repérages Voyages (en ligne, gratuit). Française, j’ai exploré 82 pays au fil des ans et vécu en différents endroits de notre belle planète (La Réunion, île Maurice, Suisse, Indonésie, Espagne). Très attachée au ton « journal de bord » plutôt qu’à une liste d’infos pratiques. Mon objectif ? Partager mes expériences de voyages avec ceux qui n’ont pas la possibilité de partir aussi souvent.
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