Nous sommes depuis hier soir dans le village de Wadi Lahami, à 150 km de la frontière du Soudan, aux portes du désert. Mais à 4:30 du matin, ce sont des rafales de vent qui me réveillent pour quelques minutes, le temps de froncer les sourcils face aux perspectives de la journée à venir… Trois heures plus tard, le nez collé à la fenêtre du bungalow, je scrute les nuages (en Egypte !!!) qui plombent le ciel, poussés par un vent récalcitrant, et qui s’accumulent au-dessus du lagon devant nous. Le petit déjeuner est morose, emmitouflée dans une polaire et un blouson fourré.
(poisson-papillon jaune de Mer Rouge)
Mais à 8:30 nous sommes à bord du zodiac que nous avons rejoint en traversant le platier dans une eau fraîche jusqu’aux genoux. La tempête de vent a obligé nos hôtes à changer le programme des plongées, et Ross (le responsable du village de Lahami) a suggéré d’explorer le récif de Daisy, protégé de la haute mer par un récif extérieur à quelques encablures. La mer n’est pas trop formée, nous sommes sur site en moins de 3 minutes : équipement, briefing détaillé par Ahmed qui va nous guider sous l’eau, et bascule arrière.
Un filet d’eau s’infiltre immédiatement le long de mon dos et… brrr. Mon estomac réclame une descente immédiate afin d’éviter la nausée de surface et c’est avec plaisir que je purge l’air de mon gilet pour descendre de 5 mètres le long d’un petit récif qui grimpe jusqu’à 2 mètres sous la surface. Pendant le passage des oreilles, j’ouvre déjà grand les yeux : c’est un petit plateau corallien que l’on peut contourner à sa guise, sur sa droite ou à gauche, pour en faire le tour tranquillement. Un amoncellement de coraux, durs et mous, tabulaires ou non, et au-dessus, au-dessous, tout autour, un foisonnement de faune exacerbée. Les non-plongeurs qui me lisent sont peut-être moins rompus aux noms d’espèces mais je ne peux m’empêcher d’en décliner ici certains, pour le plaisir, et pour les couleurs chatoyantes qu’ils évoquent à ceux qui ont déjà mis le nez sur un livre de faune après une plongée.
C’est un couple de poissons papillons jaune vif à tache brune sur l’oeil qui nous accueille dans son monde, abrité du léger courant par un corail tabulaire dont il a fait sa demeure et dont il tente de chasser les centaines d’intrus qui se précipitent alentours. Un mérou paon croise leur regard vigilant, vêtu de bleu sombre et de points clairs, puis un autre congénère, mérou mi-tacheté à la robe écarlate et pois jaunes fait quelques politesses à un priacanthe pourpre aux yeux énormes qui, à mon sens, lui donnent un air constamment ahuri.
Plus loin, les lèvres ourlées de bleu vif d’un bénitier enchâssé dans un corail patate se referment au passage de nos ombres qui le survolent. Juste à côté, c’est une acanthaster, grosse étoile de mer épineuse et dévoreuse de corail qui s’en donne à cœur joie jusqu’à ce qu’Ahmed l’aperçoive. Il emprunte mon couteau de plongée et l’empale délicatement pour la remonter en surface, sur le zodiac : ici on ne plaisante pas avec la santé du corail !
Pendant cette opération délicate qui pourrait aussi s’avérer douloureuse pour Ahmed (ne vous frottez pas à une acanthaster !), je surveille l’évolution d’un petit tétrodon masqué qui défend l’entrée de son territoire avec l’ardeur d’un adolescent en manque d’exercice ! Les pseudanthias oranges, pseudochromis violets et autres demoiselles vertes ont beau chercher à l’agacer, il ne cède pas un pouce de terrain. C’est tout un essaim qui volette en permanence autour des coraux d’une incroyable diversité, et je me concentre alors sur un véritable buisson d’alcyonnaires mauve, fushia et beige ou encore rose pâle pour y dénicher la crevette ou le nudibranche qui motive toutes les plongées sur un récif. Si je n’en verrai pas, Ahmed attire pourtant très vite mon attention pour me désigner avec le faisceau de sa lampe un minuscule poisson-scorpion dissimulé sous une boule de corail, à l’abri du courant. Il fait à peine 6 à 8 cm de long mais a déjà le profil rébarbatif de son espèce, hirsute et grimaçant, même si je le trouve adorable malgré tout, mais certains penseront qu’il s’agit bien là d’une lubie « de fille »…
En contournant le récif, nous tombons soudain nez à nez avec un gros banc de vivaneaux striés de bleu et de jaune vif, se laissant porter par le courant entre les deux parties du récif. Un banc de fusiliers leur dispute un peu le terrain mais les deux groupes cohabitent pacifiquement sans toutefois se mêler intimement.
Un jeune poisson-ange royal détourne alors mon attention et je le suis quelques minutes, jusqu’à un homologue paré des mêmes rayures orange, blanche et noire, les nageoires délicatement ourlées de bleu vif. Les deux se coursent quelques minutes puis abandonnent leur jeu pour vaquer à leur propre destin indépendant…
(un nuage d’anthias orange)
J’ai fait le tour du récif mais je tiens à retourner sur ce mur d’alcyonnaires multicolores, aux branches épaisses et richement garnies. Des petites girelles bleues me montrent le chemin et je surplombe coraux de feu aux branches soufrées ainsi qu’une anémone frémissant dans le courant. Quelques poissons perroquets s’effacent devant moi, broutant assidûment ce garde-manger grandeur nature, et des labres jaune et bleu s’égayent sur mon passage. Devant le buisson de coraux mous c’est une petite carangue esseulée qui fuit devant un couple de poissons chirurgiens bleu pétrole à queue jaune.
Une belle plongée d’une heure effectuée sur ce récif Daisy par 12 mètres de profondeur maximum, à l’abri des coups de boutoir de la houle qui blanchit la crête des vagues trop puissantes qui nous ont interdit la haute mer ce matin. Une immersion dont je sors encore frigorifiée, mais ravie. On me promet une plongée sur le récif des Fury Shoals demain, des récifs découverts récemment mais dont la légende est déjà en train de naître.
Blogueuse voyage depuis 2004, auteure, photographe, éditrice du magazine Repérages Voyages (en ligne, gratuit). Française, j’ai exploré 82 pays au fil des ans et vécu en différents endroits de notre belle planète (La Réunion, île Maurice, Suisse, Indonésie, Espagne). Très attachée au ton « journal de bord » plutôt qu’à une liste d’infos pratiques. Mon objectif ? Partager mes expériences de voyages avec ceux qui n’ont pas la possibilité de partir aussi souvent.
Nous sommes depuis hier soir dans le village de Wadi Lahami, à 150 km de la frontière du Soudan, aux portes du désert. Mais à 4:30 du matin, ce sont des rafales de vent qui me réveillent pour quelques minutes, le temps de froncer les sourcils face aux perspectives de la journée à venir… Trois heures plus tard, le nez collé à la fenêtre du bungalow, je scrute les nuages (en Egypte !!!) qui plombent le ciel, poussés par un vent récalcitrant, et qui s’accumulent au-dessus du lagon devant nous. Le petit déjeuner est morose, emmitouflée dans une polaire et un blouson fourré.
(poisson-papillon jaune de Mer Rouge)
Mais à 8:30 nous sommes à bord du zodiac que nous avons rejoint en traversant le platier dans une eau fraîche jusqu’aux genoux. La tempête de vent a obligé nos hôtes à changer le programme des plongées, et Ross (le responsable du village de Lahami) a suggéré d’explorer le récif de Daisy, protégé de la haute mer par un récif extérieur à quelques encablures. La mer n’est pas trop formée, nous sommes sur site en moins de 3 minutes : équipement, briefing détaillé par Ahmed qui va nous guider sous l’eau, et bascule arrière.
Un filet d’eau s’infiltre immédiatement le long de mon dos et… brrr. Mon estomac réclame une descente immédiate afin d’éviter la nausée de surface et c’est avec plaisir que je purge l’air de mon gilet pour descendre de 5 mètres le long d’un petit récif qui grimpe jusqu’à 2 mètres sous la surface. Pendant le passage des oreilles, j’ouvre déjà grand les yeux : c’est un petit plateau corallien que l’on peut contourner à sa guise, sur sa droite ou à gauche, pour en faire le tour tranquillement. Un amoncellement de coraux, durs et mous, tabulaires ou non, et au-dessus, au-dessous, tout autour, un foisonnement de faune exacerbée. Les non-plongeurs qui me lisent sont peut-être moins rompus aux noms d’espèces mais je ne peux m’empêcher d’en décliner ici certains, pour le plaisir, et pour les couleurs chatoyantes qu’ils évoquent à ceux qui ont déjà mis le nez sur un livre de faune après une plongée.
C’est un couple de poissons papillons jaune vif à tache brune sur l’oeil qui nous accueille dans son monde, abrité du léger courant par un corail tabulaire dont il a fait sa demeure et dont il tente de chasser les centaines d’intrus qui se précipitent alentours. Un mérou paon croise leur regard vigilant, vêtu de bleu sombre et de points clairs, puis un autre congénère, mérou mi-tacheté à la robe écarlate et pois jaunes fait quelques politesses à un priacanthe pourpre aux yeux énormes qui, à mon sens, lui donnent un air constamment ahuri.
Plus loin, les lèvres ourlées de bleu vif d’un bénitier enchâssé dans un corail patate se referment au passage de nos ombres qui le survolent. Juste à côté, c’est une acanthaster, grosse étoile de mer épineuse et dévoreuse de corail qui s’en donne à cœur joie jusqu’à ce qu’Ahmed l’aperçoive. Il emprunte mon couteau de plongée et l’empale délicatement pour la remonter en surface, sur le zodiac : ici on ne plaisante pas avec la santé du corail !
Pendant cette opération délicate qui pourrait aussi s’avérer douloureuse pour Ahmed (ne vous frottez pas à une acanthaster !), je surveille l’évolution d’un petit tétrodon masqué qui défend l’entrée de son territoire avec l’ardeur d’un adolescent en manque d’exercice ! Les pseudanthias oranges, pseudochromis violets et autres demoiselles vertes ont beau chercher à l’agacer, il ne cède pas un pouce de terrain. C’est tout un essaim qui volette en permanence autour des coraux d’une incroyable diversité, et je me concentre alors sur un véritable buisson d’alcyonnaires mauve, fushia et beige ou encore rose pâle pour y dénicher la crevette ou le nudibranche qui motive toutes les plongées sur un récif. Si je n’en verrai pas, Ahmed attire pourtant très vite mon attention pour me désigner avec le faisceau de sa lampe un minuscule poisson-scorpion dissimulé sous une boule de corail, à l’abri du courant. Il fait à peine 6 à 8 cm de long mais a déjà le profil rébarbatif de son espèce, hirsute et grimaçant, même si je le trouve adorable malgré tout, mais certains penseront qu’il s’agit bien là d’une lubie « de fille »…
En contournant le récif, nous tombons soudain nez à nez avec un gros banc de vivaneaux striés de bleu et de jaune vif, se laissant porter par le courant entre les deux parties du récif. Un banc de fusiliers leur dispute un peu le terrain mais les deux groupes cohabitent pacifiquement sans toutefois se mêler intimement.
Un jeune poisson-ange royal détourne alors mon attention et je le suis quelques minutes, jusqu’à un homologue paré des mêmes rayures orange, blanche et noire, les nageoires délicatement ourlées de bleu vif. Les deux se coursent quelques minutes puis abandonnent leur jeu pour vaquer à leur propre destin indépendant…
(un nuage d’anthias orange)
J’ai fait le tour du récif mais je tiens à retourner sur ce mur d’alcyonnaires multicolores, aux branches épaisses et richement garnies. Des petites girelles bleues me montrent le chemin et je surplombe coraux de feu aux branches soufrées ainsi qu’une anémone frémissant dans le courant. Quelques poissons perroquets s’effacent devant moi, broutant assidûment ce garde-manger grandeur nature, et des labres jaune et bleu s’égayent sur mon passage. Devant le buisson de coraux mous c’est une petite carangue esseulée qui fuit devant un couple de poissons chirurgiens bleu pétrole à queue jaune.
Une belle plongée d’une heure effectuée sur ce récif Daisy par 12 mètres de profondeur maximum, à l’abri des coups de boutoir de la houle qui blanchit la crête des vagues trop puissantes qui nous ont interdit la haute mer ce matin. Une immersion dont je sors encore frigorifiée, mais ravie. On me promet une plongée sur le récif des Fury Shoals demain, des récifs découverts récemment mais dont la légende est déjà en train de naître.
Blogueuse voyage depuis 2004, auteure, photographe, éditrice du magazine Repérages Voyages (en ligne, gratuit). Française, j’ai exploré 82 pays au fil des ans et vécu en différents endroits de notre belle planète (La Réunion, île Maurice, Suisse, Indonésie, Espagne). Très attachée au ton « journal de bord » plutôt qu’à une liste d’infos pratiques. Mon objectif ? Partager mes expériences de voyages avec ceux qui n’ont pas la possibilité de partir aussi souvent.
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