Voici un animal quasi légendaire qui a fait palmer des milliers de plongeurs, sans jamais daigner se montrer. Or ici en Egypte, sur la région de Marsa Shagra, une zone protégée a été créée pour lui permettre de se nourrir, d’évoluer en toute quiétude, même si des approches sont possibles mais réglementées. Ce matin, nous avons eu de la chance, et je peux désormais cocher le dugong sur la liste des espèces que je souhaitais croiser un jour sous l’eau.
(le dugong de Marsa Shagra)
Julien recommande de partir tôt pour avoir les meilleures chances de l’apercevoir, mais en cette période, le centre accueille peu de plongeurs et il nous propose un départ à 8:00. Aujourd’hui comme hier, nous serons accompagnés par Rami, le responsable marketing des trois villages du Red Sea Diving Safari, et son épouse Shantal, fluette Americaine d’origine mexicaine, au sourire éclatant. Equipement, traversée du platier sur cinquante mètres pour rejoindre le ponton puis embarquement sur le zodiac ; nous avons aux commandes Rais Hakim, le chef des skippers, qui négocie avec subtilité les creux et bosses de cette mer qui se mérite : près de deux mètres par moments, vent contraire, embruns,… le coupe-vent n’est pas inutile et nous apprécions le savoir-faire du capitaine. Moins de trente minutes plus tard, nous sommes sur site, délimité par trois bouées qui interdisent l’entrée de la zone maritime aux embarcations afin de ne pas troubler les animaux et surtout de ne pas les blesser lorsqu’ils remontent en surface.
Aidé par notre capitaine, la mise à l’eau est rapide ; au signal de Julien immersion en bascule arrière et petite surprise puisque l’eau nous semble plus chaude que la veille. Sans doute est-ce du au fait que nous avons eu le temps d’avoir un peu froid sur le zodiac…
Nous descendons rapidement à cinq mètres sous la surface et nous nous déployons tous les cinq sur une droite en avançant vers la plage au-dessus de l’herbier que nous devinons. Julien remonte en surface régulièrement pour vérifier avec l’aide du capitaine qui guette sur le zodiac l’apparition du museau de l’animal qui doit, toutes les 6 à 10 minutes remonter prendre une inspiration. C’est Francis qui aperçoit le premier des nageurs en apnée tournoyant en surface au-dessus d’une zone précise, et nous mettons cap sur ces « appâts » malgré eux.
En chemin nous croisons une première tortue, broutant les herbes sur le fond de sable, mais nous ne ferons une halte qu’autour de la seconde, d’une taille avoisinant le mètre (ou un peu plus). La dame (?) doit cohabiter avec des voisins envahissants : quatre rémoras d’une cinquantaine de centimètres alourdissent son arrière-train. Scotchés sur sa carapace, ils semblent se laisser traîner sans broncher tandis qu’elle fait l’indifférente. Son œil noir me surveille à peine tandis que je m’approche assez près pour que l’Homme puisse faire quelques photos dans une eau qui n’est pas encore d’une transparence absolue même si la visibilité est meilleure qu’hier. Néanmoins sur un fond de sable et avec une tortue qui arrache des touffes d’herbes, les particules se soulèvent forcément…
Nous repartons à la recherche de celui qui concentre toute notre attention, notre objectif du jour : le dugong. Et soudain, le voici ! C’est d’abord un nuage de particules qui nous interpelle avant même de l’apercevoir. Nous nous approchons sans hâte et quand il se décale sur la droite, vers nous, je le distingue enfin : une grosse masse de chair grisâtre, le groin fouillant le sable avec application !
Mais est-ce un groin ?!… En vérité, je ne saurais dire, et je ne suis pas biologiste marin. Vu de près, le dugong ressemble plutôt à un éléphant de mer se déplaçant sur le sable par reptations, et remontant en surface à l’aide de sa queue qui lui sert de gouvernail. D’ailleurs, je me suis laissée dire que l’origine de la queue élégante des sirènes viendrait de celle du dugong qui aurait, en apparaissant et disparaissant régulièrement en surface, alimenté les fantasmes de quelques marins innocents au cours des siècles passés. Si l’animal est loin d’avoir le profil d’une sirène fantasmatique, je trouve l’histoire plutôt poétique.
La population des dugongs est peu connue, on estime qu ils sont de 2 a 3 000 a coloniser la Mer Rouge et uniquement cette region du monde. La couche de peau semble grasse et épaisse, et son petit œil rond surveille ceux qui l’approchent mais sans inquiétude puisque, à aucun moment, il ne délaissera sa tache essentielle qui consiste à remuer le sable pour arracher les touffes d’herbes indispensable à son alimentation. Il est lui aussi affublé de voisins encombrants puisque je compte jusqu’à dix rémoras ventousés sur son corps dodu.
Nous allons passer une bonne demie-heure en sa compagnie, l’observant remonter régulièrement en surface avec un légèreté soudain surprenante, puis piquant de nouveau sur le sable sur lequel il se déplace sans hâte. Placide, l’animal ne fuit pas, tout juste se détourne-t-il parfois lorsqu’un plongeur insistant lui colle d’un peu trop près un appareil photo sous le nez. Mais le guide qui vous accompagne saura très vite vous rappeler à l’ordre : on ne touche pas au dugong, on ne le caresse pas, on ne le perturbe pas. Une excellente initiative qui, je l’ai observé ce matin, est plutôt respectée.
Après avoir posé un moment en compagnie de l’animal pour les besoins du reportage, j’ai fait un petit tour d’horizon et j’ai noté la présence de plusieurs coquillages, des cônes essentiellement, mais aussi celle d’un petit arothron à peine timide, et d’un poisson-coffre à la robe piquetée de bleu et de jaune, fort élégant. Plus loin de jeunes calmars croisent un mètre sous la surface et un banc de fusilliers danse entre les rayons du soleil. Et lorsque je rejoindrai le zodiac au palmage en surface, c’est un aéropage de poissons-volants qui m’accompagnera sur une cinquantaine de mètres !
A noter aussi que ce matin j’ai eu moins de problèmes de matériel : j’ai échangé mon masque contre un autre à la jupe noire, moins esthétique, mais plus adapté à la forme de mon visage. Désormais j’ai l’air d’un commando sous l’eau ! Je m’habitue à cette nouvelle combinaison épaisse, j’avais mieux dormi cette nuit et la plongée s’est bien passée. Sauf qu’il faudra que je prenne un kilo de plomb en plus demain parce qu’aujourd’hui, délestée d’un gros phare qui s’avérait inutile dans moins de dix mètres d’eau, il m’a été impossible de terminer la plongée au fond…
Demain matin nous irons à la découverte du site d’Elphinstone. Et non, cela ne signifie pas « la pierre de l’éléphant », mais je vous le raconterai demain…
Blogueuse voyage depuis 2004, auteure, photographe, éditrice du magazine Repérages Voyages (en ligne, gratuit). Française, j’ai exploré 82 pays au fil des ans et vécu en différents endroits de notre belle planète (La Réunion, île Maurice, Suisse, Indonésie, Espagne). Très attachée au ton « journal de bord » plutôt qu’à une liste d’infos pratiques. Mon objectif ? Partager mes expériences de voyages avec ceux qui n’ont pas la possibilité de partir aussi souvent.
Voici un animal quasi légendaire qui a fait palmer des milliers de plongeurs, sans jamais daigner se montrer. Or ici en Egypte, sur la région de Marsa Shagra, une zone protégée a été créée pour lui permettre de se nourrir, d’évoluer en toute quiétude, même si des approches sont possibles mais réglementées. Ce matin, nous avons eu de la chance, et je peux désormais cocher le dugong sur la liste des espèces que je souhaitais croiser un jour sous l’eau.
(le dugong de Marsa Shagra)
Julien recommande de partir tôt pour avoir les meilleures chances de l’apercevoir, mais en cette période, le centre accueille peu de plongeurs et il nous propose un départ à 8:00. Aujourd’hui comme hier, nous serons accompagnés par Rami, le responsable marketing des trois villages du Red Sea Diving Safari, et son épouse Shantal, fluette Americaine d’origine mexicaine, au sourire éclatant. Equipement, traversée du platier sur cinquante mètres pour rejoindre le ponton puis embarquement sur le zodiac ; nous avons aux commandes Rais Hakim, le chef des skippers, qui négocie avec subtilité les creux et bosses de cette mer qui se mérite : près de deux mètres par moments, vent contraire, embruns,… le coupe-vent n’est pas inutile et nous apprécions le savoir-faire du capitaine. Moins de trente minutes plus tard, nous sommes sur site, délimité par trois bouées qui interdisent l’entrée de la zone maritime aux embarcations afin de ne pas troubler les animaux et surtout de ne pas les blesser lorsqu’ils remontent en surface.
Aidé par notre capitaine, la mise à l’eau est rapide ; au signal de Julien immersion en bascule arrière et petite surprise puisque l’eau nous semble plus chaude que la veille. Sans doute est-ce du au fait que nous avons eu le temps d’avoir un peu froid sur le zodiac…
Nous descendons rapidement à cinq mètres sous la surface et nous nous déployons tous les cinq sur une droite en avançant vers la plage au-dessus de l’herbier que nous devinons. Julien remonte en surface régulièrement pour vérifier avec l’aide du capitaine qui guette sur le zodiac l’apparition du museau de l’animal qui doit, toutes les 6 à 10 minutes remonter prendre une inspiration. C’est Francis qui aperçoit le premier des nageurs en apnée tournoyant en surface au-dessus d’une zone précise, et nous mettons cap sur ces « appâts » malgré eux.
En chemin nous croisons une première tortue, broutant les herbes sur le fond de sable, mais nous ne ferons une halte qu’autour de la seconde, d’une taille avoisinant le mètre (ou un peu plus). La dame (?) doit cohabiter avec des voisins envahissants : quatre rémoras d’une cinquantaine de centimètres alourdissent son arrière-train. Scotchés sur sa carapace, ils semblent se laisser traîner sans broncher tandis qu’elle fait l’indifférente. Son œil noir me surveille à peine tandis que je m’approche assez près pour que l’Homme puisse faire quelques photos dans une eau qui n’est pas encore d’une transparence absolue même si la visibilité est meilleure qu’hier. Néanmoins sur un fond de sable et avec une tortue qui arrache des touffes d’herbes, les particules se soulèvent forcément…
Nous repartons à la recherche de celui qui concentre toute notre attention, notre objectif du jour : le dugong. Et soudain, le voici ! C’est d’abord un nuage de particules qui nous interpelle avant même de l’apercevoir. Nous nous approchons sans hâte et quand il se décale sur la droite, vers nous, je le distingue enfin : une grosse masse de chair grisâtre, le groin fouillant le sable avec application !
Mais est-ce un groin ?!… En vérité, je ne saurais dire, et je ne suis pas biologiste marin. Vu de près, le dugong ressemble plutôt à un éléphant de mer se déplaçant sur le sable par reptations, et remontant en surface à l’aide de sa queue qui lui sert de gouvernail. D’ailleurs, je me suis laissée dire que l’origine de la queue élégante des sirènes viendrait de celle du dugong qui aurait, en apparaissant et disparaissant régulièrement en surface, alimenté les fantasmes de quelques marins innocents au cours des siècles passés. Si l’animal est loin d’avoir le profil d’une sirène fantasmatique, je trouve l’histoire plutôt poétique.
La population des dugongs est peu connue, on estime qu ils sont de 2 a 3 000 a coloniser la Mer Rouge et uniquement cette region du monde. La couche de peau semble grasse et épaisse, et son petit œil rond surveille ceux qui l’approchent mais sans inquiétude puisque, à aucun moment, il ne délaissera sa tache essentielle qui consiste à remuer le sable pour arracher les touffes d’herbes indispensable à son alimentation. Il est lui aussi affublé de voisins encombrants puisque je compte jusqu’à dix rémoras ventousés sur son corps dodu.
Nous allons passer une bonne demie-heure en sa compagnie, l’observant remonter régulièrement en surface avec un légèreté soudain surprenante, puis piquant de nouveau sur le sable sur lequel il se déplace sans hâte. Placide, l’animal ne fuit pas, tout juste se détourne-t-il parfois lorsqu’un plongeur insistant lui colle d’un peu trop près un appareil photo sous le nez. Mais le guide qui vous accompagne saura très vite vous rappeler à l’ordre : on ne touche pas au dugong, on ne le caresse pas, on ne le perturbe pas. Une excellente initiative qui, je l’ai observé ce matin, est plutôt respectée.
Après avoir posé un moment en compagnie de l’animal pour les besoins du reportage, j’ai fait un petit tour d’horizon et j’ai noté la présence de plusieurs coquillages, des cônes essentiellement, mais aussi celle d’un petit arothron à peine timide, et d’un poisson-coffre à la robe piquetée de bleu et de jaune, fort élégant. Plus loin de jeunes calmars croisent un mètre sous la surface et un banc de fusilliers danse entre les rayons du soleil. Et lorsque je rejoindrai le zodiac au palmage en surface, c’est un aéropage de poissons-volants qui m’accompagnera sur une cinquantaine de mètres !
A noter aussi que ce matin j’ai eu moins de problèmes de matériel : j’ai échangé mon masque contre un autre à la jupe noire, moins esthétique, mais plus adapté à la forme de mon visage. Désormais j’ai l’air d’un commando sous l’eau ! Je m’habitue à cette nouvelle combinaison épaisse, j’avais mieux dormi cette nuit et la plongée s’est bien passée. Sauf qu’il faudra que je prenne un kilo de plomb en plus demain parce qu’aujourd’hui, délestée d’un gros phare qui s’avérait inutile dans moins de dix mètres d’eau, il m’a été impossible de terminer la plongée au fond…
Demain matin nous irons à la découverte du site d’Elphinstone. Et non, cela ne signifie pas « la pierre de l’éléphant », mais je vous le raconterai demain…
Blogueuse voyage depuis 2004, auteure, photographe, éditrice du magazine Repérages Voyages (en ligne, gratuit). Française, j’ai exploré 82 pays au fil des ans et vécu en différents endroits de notre belle planète (La Réunion, île Maurice, Suisse, Indonésie, Espagne). Très attachée au ton « journal de bord » plutôt qu’à une liste d’infos pratiques. Mon objectif ? Partager mes expériences de voyages avec ceux qui n’ont pas la possibilité de partir aussi souvent.
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