Irlande du Nord, château Dunluce

Ruines séculaires ou bâtisses entretenues, les paysages sont ponctués par la silhouette des châteaux en Irlande…

Quand on pense « châteaux » on associe immédiatement l’image d’une bâtisse majestueuse aux méandres de la Loire ou aux chimères de l’Espagne. L’histoire de France étant intimement imbriquée avec celles de l’Espagne et de l’Angleterre, il est naturel de trouver sur les terres d’Irlande les traces de demeures et forteresses ayant servi les complots ou déjoué les alliances, et où les plus puissants ne le restaient pas forcément bien longtemps.

C’est ainsi que j’ai abordé les édifices dont, il faut le dire, ne restent souvent que des ruines, à peine quelques pans de murs sur des pitons rocheux, souvent situés face à la fureur des flots.

Avant de partir j’en avais listé quelques-uns, pour être certaine de ne pas passer à côté, entre paysages tumultueux et landes sèches.

C’est en cherchant le premier d’entre eux, sur la côte d’Antrim en Irlande du Nord, que je découvrais par hasard celui de Dunseverick, à mi-chemin entre le pont de corde de Carrick-a-Rede et la Chaussée des Géants.

Je me suis garée, pensant le découvrir derrière le parapet, mais en cherchant mieux j’ai observé les deux pans de mur verticaux se faisant face sur un pic rocheux face à la mer (voir ci-dessous)… J’avais confondu les vieilles pierres avec la roche naturelle ! Il était temps de passer au suivant.

Irlande du Nord, château Dunseverick

Après une longue visite à la Chaussée des Géants, j’ai pris le chemin de Londonderry, ville fortifiée dont il reste des remparts en excellent état mais dans laquelle il est très difficile de pénétrer en voiture, pour la même raison !

Sur la route, et au détour d’un autre virage sur une voie rapide, j’aperçois les ruines plus réputées du château de Dunluce. Personne derrière moi, je braque rapidement et me gare d’une façon non réglementaire sur un espace qui n’y est pas destiné (ne le répétez pas, mais c’était le meilleur point de vue pour prendre la photo !).

Le château de Dunluce (photo en tête de ce article) était propriété de la famille MacDonnell aux XVI et XVIIème siècle, un clan qui « produisit » des générations de comtes d’Antrim qui vécurent dans le manoir style Renaissance à l’intérieur des remparts, sur un promontoire granitique face à la mer.

En 1639, une partie du château s’écroule et disparaît dans les flots ! Aujourd’hui on peut toujours voir les remparts, visiter l’intérieur et descendre jusqu’à une petite grotte dissimulée à flanc de falaise.

Quelques canons extraits d’une épave espagnole célèbre qui a sombré à quelques miles de la côte sont exposés dans l’enceinte des remparts. Comptez une petite heure de visite.

Irlande, château Donegal

Un autre château intéressant est celui de Donegal, dans la ville et le comté du même nom, à moins de cinquante kilomètres des somptueuses falaises de Slieve League.

Bâti au bord de la rivière Eske (qui le protège sur deux de ses flancs) par la famille O’Donnell (à ne pas confondre avec la précédente) vers 1474, il fut l’un des sites clés de l’histoire irlandaise jusqu’en 1607 lorsque les Anglais éradiquèrent les chefs de comtés : Rory O’Donnell, dernier comte du Donegal, incendie sa forteresse plutôt que de la livrer aux ennemis et fuit vers la France avec d’autres chefs de clans.

L’Angleterre en sort victorieuse, les protestants écossais et anglais s’installent en nombre, et l’Irlande fut divisée pour quelques siècles…

Mais on suppose que le château et ses fondations pourraient être construits sur les bases d’un ancien fort Viking datant du IXème et Xème siècle. Dans mon imagination ce château résonne alors de cris et de libations, de musique et de batailles chèrement gagnées…

En 1610 Sir Brooke reçut le château en récompense de services rendus à la Couronne. Il fit reconstruire le manoir en 1623 en ajoutant une aile de style Jacques 1er d’Angleterre ; elle comporte trois étages qui sont aujourd’hui restaurés et que l’on peut visiter, à son gré, une plaquette de présentation de l’édifice en main (et en français).

Pour l’anecdote je vous recommande l’escalier de pierre de la tourelle avec ses marches inégales et bancales pour éviter que l’assaillant ne grimpe trop vite. D’autre part l’escalier monte dans le sens inverse des aiguilles d’une montre pour permettre aux O’Donnell (droitiers) de garder l’avantage, épée au poing…

Autre pièce intéressante, ne serait-ce que pour le sourire, c’est la « garde-robe » (en français dans le vocabulaire de l’époque) qui n’était autre que les toilettes : un conduit d’évacuation aboutit directement à la rivière, mais il est incliné pour éviter qu’un archer ennemi ne touche… au but. Une meurtrière longue comme le bras permet d’admirer les méandres de la rivière et une partie de la ville au-delà des remparts du château.

Néanmoins les vêtements étaient bel et bien suspendus ici, sur des portes-manteaux ; les vapeurs d’urine (ammoniaque) étaient supposées servir de… désinfectant.

Irlande, château Donegal

La salle des banquets (ci-dessus) a été remeublée avec des meubles décorés des armes et blasons visibles sur le manteau de la cheminée connu pour être le plus grand d’Irlande. À côté des blasons de Sir Brooke et de sa femme on reconnaît la fleur de chardon, emblème de Jacques VI d’Écosse qui succéda à Elizabeth Ière sur le trône d’Angleterre.

J’ai passé un long moment dans ce château, à l’abri du bruit et des nuisances bien qu’il soit situé en plein centre-ville. Et je n’ai pas voulu en visiter d’autre, pour conserver le souvenir de l’atmosphère sereine et presque recueillie qui règne ici.

Même si j’ai fait une légère entorse à cette volonté avec ma visite à Kylemore Abbey qui tient plus du château que d’une abbaye. Mais c’est une autre histoire…

Irlande, château Donegal

Les châteaux sont à l’Irlande ce que les nôtres sont à la France, un dernier témoignage d’une époque révolue, où résonne encore le claquement sec des armures qui s’entrechoquent et celui des bris de fers de lance sur les remparts mis à mal par des guerriers fougueux.

On parle moins des femmes d’Irlande, de leur influence au sein des comtés ou dans les alcôves, et j’ai eu du mal à en discerner l’ombre hésitante au détour d’une fenêtre à meneau ou le frôlement d’un ourlet de jupe sur le sol de pierres polies par les siècles.

Mais je suis convaincue qu’à l’image des reines de caractère qui ont gouverné l’Angleterre, les Irlandaises ont eu leur heure de gloire dans chaque clan, dans chaque famille.

D’ailleurs l’une d’entre elles est Président de la République d’Irlande…

Envie d’en apprendre davantage sur mon voyage en république d’Irlande et en Irlande du Nord ? Voici quelques pistes à explorer :

Cet article a été publié une première fois en juin 2008 sur mon blog de voyages Un Monde Ailleurs (2004-2014), blog qui n’est plus en ligne à ce jour. Les articles re-publiés ici sont tous rassemblés sous le mot-clé « Un Monde Ailleurs ». J’ai ajouté davantage de photos à ces articles en les re-publiant mais malheureusement il a été impossible de réintégrer les commentaires liés à ces articles, seul le nombre de commentaires est resté indiqué.

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