Deux semaines de tournages en boîte !

Il est 21:16 en ce dimanche soir et nous avons relâche depuis 48 heures, en attendant le début de la seconde semaine de tournage, avec un autre réalisateur et une autre équipe technique. Nous sommes à Gruissan, à une dizaine de kilomètres de Narbonne, sur la côte du Roussillon. Un petit hôtel Best Western, chaîne suffisamment confortable pour un couple fatigué en recherche de calme et de tranquillité, deux bonnes nuits de repos, un temps gris mais heureusement sec après une semaine de pluie et la douceur d’un petit 22° dans la journée, en bord de Méditerranée. La femme de ménage n’a pas eu l’autorisation d’entrer œuvrer depuis deux jours ! Nous voulions la paix !!!…

Nous avons fait notre petit marché hier matin au village de Gruissan et nous avons eu le plaisir de pique-niquer sur notre petite terrasse-jardin, devant la lagune. Ce soir, nous avons poussé jusqu’aux fameux chalets de Gruissan, ceux du film 37,2° le Matin, et nous y avons dégusté un beau plateau d’huîtres toutes fraîches. Cet Homme dévore littéralement !

Nous sommes arrivés vendredi soir, après un périple de cinq jours qui nous a menés de Lyon à Saint-Nectaire, puis retour vers Lyon pour ensuite redescendre dans les gorges de l’Ardèche pour deux jours. Sept cent quatre-vingt kilomètres en cinq jours au volant d’un 4 x 4 de location que l’Homme a eu le plaisir de tester sur des chemins caillouteux à la pente raide, à ma grande trouille, je l’avoue ! Il est fou mais il maîtrise la machine, pas de doute !

Nous ne garderons pas un souvenir inoubliable de cette virée en Auvergne : honnêtement, c’est sinistré comme région ! Nous sommes « hors saison », évidemment, et tous les commerces sont fermés. Les villes sont sans grand intérêt architectural ou culturel, les habitants sont gentils mais quasi absents des rues (où se cachent-ils ?!), nous pensions découvrir de bons petits restaurants mais nous avons eu la déception de mal manger dans tous les endroits qui nous ont reçus. Pourtant, précédemment au cours d’un autre tournage dans l’année, nous avions fait bombance.

Saviez-vous que Saint-Nectaire, située au Sud-Ouest de Lyon, ne compte en fait que 500 habitants ?!… J’imaginais une grande ville, mais non, ce n’est qu’un gros bourg qui s’étend du nord au sud sur le flanc d’un ancien volcan et qu’une départementale traverse, en lacets. Ancienne ville d’eau, les thermes ont fermé l’année dernière pour cause de mauvaise gestion financière. Depuis, le casino fait ce qu’il peut pour retenir les quelques touristes épars mais la ville sent le cimetière des éléphants…

A Saint-Nectaire nous avons dormi dans un hôtel Mercure, le seul hôtel qui affichait plus de 2* : croyez-le si vous le voulez, mais j’ai eu froid toute la nuit !!!… Bon d’accord, j’avoue que nous avions passé la journée à tourner des extérieurs sous la pluie et que mon pantalon, mes chaussettes et même ma parka et les manches de mon sweat-shirt étaient à tordre ! J’ai vidé l’eau de mes baskets en arrivant à l’hôtel. Mais ils ne chauffent cet établissement qu’à 19° et les couloirs étaient plus chauds que les chambres. Ahurissant ! Au restaurant, nous avons croisé un improbable groupe de Japonaises en goguette… Je ne sais si elles venaient d’enfourner ce qu’on appelle ici une truffade, hybride de raclette et de tartiflette, au Saint-Nectaire fondu bien sûr. L’Homme a fait précéder cela d’un foie gras de canard bien sympathique mais je me suis contentée (pensais-je…) d’une assiette auvergnate en entrée. Et j’ai vu arriver une immense assiette de salade verte, couverte de larges tranches de jambon cru… J’ai donc fait suivre d’un aligot, cette délicate mousseline de pommes de terre noyée de fromage fondu et parfumée à l’ail… L’Homme cette fois a fait le mauvais choix : une cuisse de canard confite qui avait oublié de dorer et qui était d’une tristesse sans nom, déposée simplement sur de trop rares tranches de pommes de terre mal sautées.

Ensuite, au lit ! J’ai étendu tous les vêtements mouillés dans la chambre pour les faire sécher, mais en vain : le lendemain tout était encore mouillé. Et la pluie tombait toujours…

L’Homme a plongé à quelques kilomètres de là dans le Lac Pavin, un ancien cratère volcanique dont l’eau est aussi cristalline que la Volvic. Il devait interviewer le « président » du club de plongée de Clermont-Ferrand qui avait, fièrement, fait le déplacement et qui était tout confus d’avance à l’idée de plonger avec l’Homme. Ils ont plongé dans cette eau à 10°, sous une pluie battante, pendant que j’attendais debout, à surveiller les grosses bulles qui remontaient en surface du lac au cas où mon plongeur d’Homme aurait un pépin sous l’eau, besoin de changer la cassette DVD de la caméra sous-marine ou simplement une panne de lumière.

Vous comprenez maintenant pourquoi j’étais aussi trempée qu’une serpillière !

Le lendemain, tournages dans les marais salins, un espace incroyable, en lisière de Saint-Nectaire : quand j’ai vu le terrain, de loin, j’ai décidé de rester prudemment dans la voiture et j’ai passé les coups de fils nécessaires pour réserver les hôtels des nuits suivantes ! Bien m’en a pris : le pantalon de mon conjoint s’est trouvé tout crotté, en moins de quelques minutes. Je n’ai emporté, bêtement, que deux pantalons pour les 4 semaines de tournage et l’un des deux étaient toujours mouillés !

Ensuite nous avons tourné à l’intérieur d’une fabrique de camées, statuettes de toutes sortes et petits cadres sculptés moulés grâce à la calcification de l’eau qui rigole sur des moules en plastique. Un procédé original, et unique au monde. De vous à moi, l’artisanat qui en ressort fait office de souvenirs pour mémères, de vrais nids à poussières que l’on suspend dans l’entrée sur un mur, à côté du thermomètre géant qui est supposé indiqué la pression barométrique et vous prévenir de l’ouragan qui, un jour, poindra !

Le midi, nous remontions vers Lyon pour interviewer le directeur régional de la Compagnie Nationale du Rhône, la puissante C.N.R., qui contrôle tous les barrages et le débit du fleuve du même nom. Autant dire qu’il s’agit d’un sujet à polémique, bien évidemment : entre environnement et industrie, on tente de préserver les « lônes » (= les bras morts du Rhône) et d’entretenir ses forêts naturelles en protégeant les oiseaux qui y nichent, mais on favorise aussi le développement des barrages hydrauliques énormes et la centrale nucléaire de Pierrelatte, quelques kilomètres plus bas. Cela m’a permis d’admirer, aux jumelles prêtées par un biologiste du coin, un couple de héron gris qui faisait le pied de grue (!), à l’abri des humains. Et j’ai appris que la C.N.R. a effectué des forages de plus de 1 000 mètres de fond dans le lit du Rhône, ce qui signifie que ce fleuve était à l’origine un véritable canyon gigantesque…

Ensuite, direction l’Ardèche. Et mon Homme s’éveille… L’Ardèche, c’est son terrain de jeu !

Avant d’arriver sur site, à Vallon Pont d’Arc, il a tenu à me montrer deux des sources dans lesquelles il a plongé il y a une vingtaine d’années, faisant à nouveau ce qu’on appelle « une première », c’est-à-dire une première exploration pour remonter le cours de la source et tenter de découvrir d’où elle provient. Ces deux sources se situent à Bourg Saint-Andéol, au pied d’un magnifique lavoir romain très bien restauré (un peu trop bien peut-être d’ailleurs…) : deux cavités en forme de vasque, une eau de cristal bleu et la bouche d’entrée de la galerie. L’Homme m’expliquera qu’il faut, pour pénétrer dans la galerie, enlever ses bouteilles de plongée, les passer devant soi sans lâcher son détendeur pour autant, s’introduire ensuite en se tortillant pour faire passer le corps sanglé dans la combinaison étanche, puis recapeler un peu plus loin (c’est-à-dire remettre ses bouteilles sur le dos). Après quelques centaines de mètres de galerie, un siphon plonge à la verticale jusqu’à 97 mètres. Il a fait cela avec le mélange d’air de l’époque, acte hautement improbable alors et que tous les amateurs éclairés se sont hâtés de mettre en doute tant l’exploit était inédit. Mais ils ont du s’incliner lorsqu’il a récidivé quelques jours plus tard, dans la seconde source, en descendant à 84 mètres de profondeur et à plus d’un kilomètre de l’entrée de la galerie. Quand je vous dis que cet Homme est fou !

Bref, l’Ardèche, il en a exploré quasiment tous les recoins, toutes les sources, les grottes, les méandres. Jusqu’à découvrir dans une galerie noyée au fond d’une grotte sèche qu’il avait d’abord fallu escalader pour porter les bouteilles à dos d’homme une petite bestiole totalement inconnue jusqu’alors : le spheromides raymondi, petit crustacé cavernicole contemporain des dinosaures, c’est-à-dire une bestiole qui a 65 millions d’années ! On n’en retrouve de lointains cousins que dans les grands fonds océaniques au-delà de 10 000 mètres de profondeur, il a traversé sans dommage toutes les glaciations et on ne le trouve en eau douce que dans cette grotte en Ardèche. Encore un joli coup médiatique dans les années 1990…

En Ardèche donc, l’Homme se réveille, me montre « ses coins », ses aires de jeux, et j’apprends que « là », il a monté sa tente, « là » il faisait cuire ses saucisses au barbecue, et « là » il croisait de sculpturales Hollandaises aux seins nus puisqu’elles appartenaient à un club naturiste du coin et qu’il passait devant en canoë !… Je me doute qu’il est passé plusieurs fois…

Un petit hôtel nous héberge : pas trop de choix en ce qui concerne l’hôtellerie de toutes façons. L’accueil est sympathique, le civet de sanglier aux cêpes fondant mais encore une fois on ne chauffe pas les chambres dans ce bled !!! Et j’apprécie d’avoir ce soir-là ce qu’on appelle à La Réunion une couverture pays d’un bon mètre quatre-ving-sept et pas encore fatigué de me servir de bouillotte ! La chambre est désuète mais le lit est géant, de la buée sur les carreaux indique à quel point il fait humide à l’intérieur et froid à l’extérieur, il n’y a pas de savon et pas de shampooing dans la salle de bains et il me faudra descendre à l’accueil le soir-même pour me connecter sur leur ligne d’autorisation des cartes bancaires pour avoir accès à mes e-mails… Un peu folklo, mais sympa. Le second soir, fatigués, nous nous contenterons d’un pique-nique jambon / terrine de sanglier au lit, dûment accompagné de cornichons et d’un pain aux lardons. Pas très diététique mais un peu d’intimité (et de la rapidité !) après une journée de travail en compagnie de l’équipe de tournage…

Les gorges de l’Ardèche sont superbes, de véritables canyons de falaises calcaires qui surplombent la rivière au courant parfois impétueux. Pour l’un de ses plateaux, l’Homme descendra le cours de la rivière, et nous le filmerons depuis l’autre barque ; dans un autre, il expliquera la formation des « marmites », petites cavités creusées dans les roches de berges par des galets tournoyant sous l’effet des courants. Puis il décrira la composition des roches, des galets de rivière, du sable… Il m’a montré des fossiles d’huîtres sur les roches, mais oui, et j’ai trouvé un magnifique fossile de coquillage de forme conique, à la spirale admirablement conservée. Ce qui prouve bien que la mer était là il y a quelques millions d’années. Ca peut sembler un peu inintéressant à certains, mais quand on photographie son Homme sanglé dans une belle chemise blanche, sélectionnée par mes soins, pour envoyer plus tard aux webmasters de France 3 de chacune des régions qui diffusent l’émission, on écoute presque religieusement, et finalement on apprend beaucoup !

Depuis la semaine dernière, ma fonction a un peu évolué sur ces tournages : je suis désormais aussi la maquilleuse de ma « star » maison. Il ne s’aime pas, surveille constamment sa mèche qui fiche le camp inévitablement devant la caméra, se plaint de ses rides, de ses yeux, de son nez, de… Bref, il ne s’aime pas. Avant de partir la semaine dernière, j’ai donc fait l’achat d’une crème pour le visage (pour homme !) et d’un petit élixir pour les yeux et je le tartine avant les tournages. Il n’apprécie pas outre mesure ce traitement mais il accepte que ce soit un mal nécessaire (ou au moins un placebo !). J’ai même réussi à le badigeonner de Terracotta, cette poudre libre de Guerlain dont les pigments réagissent au contact de la peau, afin de lui donner un teint hâlé. Et finalement, je ne suis pas peu fière ! Il est tout beau ! Et il s’accepte un peu mieux…

Pour terminer, nous avons eu cette fois une bonne équipe technique, mais des muets !… Le cameraman était un jeune réalisateur en herbe et donc avide du beau plan, de la belle image et de l’enchaînement qui convient. Le « sondier » (ingénieur du son) maîtrisait ses outils et fixait une bonne fois pour toutes les micros sur l’Homme sans plus ronchonner sur les polaires qui craquent et les chemises qui font du bruit. Quant à l’électro, il s’est exécuté dans le silence, rapidement, juste une fois. Le reste du temps, il était là, à l’écoute des besoins en cassettes ou en batterie. Très efficaces, mais absolument muets ! Ils n’ouvraient la bouche qu’aux repas, sauf les deux derniers jours où ils commençaient à poser des questions complémentaires à l’Homme sur les roches, la préhistoire, les baleines, les dauphins,… Cet homme est comme le dit l’un de ses réalisateurs « un puits de science »…

Voilà… 22:20, et je vais m’arrêter là pour le récit de cette semaine puisqu’il nous faut demain nous lever à 7:00 pour aller retrouver à Port-Leucate un troisième réalisateur et une nouvelle équipe technique pour une troisième semaine de tournage. Cette semaine, au programme : Sales le Château et le marais flottant de Virgile, l’étang de Thau, et les gorges du Tarn. Encore des kilomètres au compteur…

(octobre 2004)


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