medium_Saint-Pierre.jpgLorsqu’on travaille avec une équipe de professionnels de la plongée sous-marine, il faut savoir se montrer à la hauteur en toutes circonstances. J’ai été engagée en décembre 2004 pour suivre les tournages de l’émission en tant qu’éclairagiste sous-marin, j’étais très heureuse, mais j’avais prévenu : « je n’ai que 250 plongées loisir inscrites sur mon carnet de plongée, j’ai un niveau II même si des pros m’accordent un niveau III, je ne suis jamais descendue au-delà de – 45 mètres, je fais de la photo sous-marine et j’ai servi d’éclairagiste pour un professionnel de la photo sous-marine ! »

Et malgré tous les efforts et toute la bonne volonté du monde, ce n’est pas toujours facile…

Après une semaine de travail intensif à Paris pour préparer le départ vers la Martinique afin d’y tourner le 2nd épisode de cette 3ème saison, une nuit blanche la veille du départ pour tout boucler, un vol de 9 heures sans dormir et un léger décalage horaire de 6 heures, nous atterrissons aux Antilles en début de soirée et nous roulerons encore deux bonnes heures avant d’atteindre notre hôtel au Carbet, proche de Saint-Pierre.

Il est 23:00 et évidemment, nos cinq gaillards ont faim ! En bons citadins, nous voici déambulant à pieds dans le village, allant de déception en éclats de rire à la recherche d’un improbable restaurant qui accepterait de nous faire oublier le maigre repas pris dans l’avion. Nous sommes en Martinique, nous rêvons de colombo de poulet et d’acras de morue… nous dînerons (avec bonheur !) d’une part de pizza qu’une baraque à frites a eu la gentillesse de nous servir au moment de sa fermeture…

Retour à l’hôtel vers 1:00 du matin, préparation du matériel de plongée et de l’appareil-photo pour le lendemain, et au lit. Mais… impossible de dormir ! Une nouvelle nuit blanche qui s’égrène au fil des réflexions sur le travail accompli au cours de la semaine et sur le retard à rattraper en rentrant… Un lever du jour au chant des oiseaux, un petit déjeuner hâtivement englouti, direction le bateau.

medium_Martinique.jpgEt là… première surprise : le bateau de plongée est en fait une barque traditionnelle de pêcheur, avec ses planches en bois en guise de sièges et son fond large pour y caser les caisses de matériel. Typique, beaucoup de charme. Mais… ce n’est pas tout à fait l’embarcation idéale pour y transporter le matériel de prises de vue et une équipe de tournage. Petit contre-temps lorsque le réalisateur explique au responsable du centre de plongée que nous ne pourrons pas emmener tout notre matériel de prises de vue et de son à la nage vers la barque qui danse sur les vagues, à 50 mètres de la plage… Il faut rallier un ponton, à deux kilomètres de là. Notre mise à l’eau est retardée d’autant.

Quand enfin nous avons enregistré la séquence interview de Michel Metery, l’homme qui a découvert la première épave dans la baie de Saint-Pierre, la matinée est presque terminée et nous nous dirigeons au large vers notre première plongée. Nous n’avons que cinq jours de tournage prévus sur place, séquences sous-marines et extérieures inclues. Il faut faire vite, ne pas perdre de temps.

medium_MA-matos.2.jpgJe me sens fatiguée physiquement, je commence à avoir faim, je n’ai pas fermé l’oeil depuis 48 heures, et je suis toujours un peu nerveuse parce que je débute dans ce métier d’éclairagiste sous-marin et malgré la gentillesse du cadreur sous-marin que j’assiste sous l’eau, je crains déjà de lui faire rater LA séquence inoubliable ! (ci-contre je porte la lourde valise contenant les éclairages et qui ne doit pas être en contact avec le sable un seul instant !). Aux Bahamas, un mois auparavant, j’étais sous la direction d’un autre cameraman de talent, Didier Noirot, gigantesque gaillard à la forte personnalité qui a eu le « privilège » de me former sur le terrain. Deux grands professionnels, deux caractères différents et deux façons de travailler sous l’eau ; je sais que je vais devoir m’adapter immédiatement à une autre méthode de travail, et à un matériel différent, mais je n’ai pas de problème avec cela.

medium_Albert-Falco.jpgEn vérifiant l’étanchéité de mes batteries d’éclairage (arnachement encombrant qui me plombe de 7 kilos supplémentaires… ce que je découvrirai trop tard), je comprends que le grand Albert Falco et son compère, Michel Metery, vont nous accompagner sous l’eau. Falco, mon grand-père en parlait déjà avec admiration : il était marin de métier. Et l’animateur et le cadreur sont comme moi à cet instant : flattés de pouvoir plonger avec lui et respectueux de cet homme de légende. Tout plongeur rêve de passer un jour la surface avec une légende de la plongée.

Je soulève avec effort ma bouteille de plongée (une lourde 15 l alors que je n’utilise habituellement que des 12 l), le moniteur (qui ne sait rien du poids de mon matériel d’éclairage) insiste pour que je mette un kilo de plus à ma taille alors qu’avec une bouteille acier je ne porte normalement aucun plomb, j’enjambe avec difficulté cette curieuse barque aux flancs décidément trop hauts et trop curves et je passe sous la surface. Il s’agit d’une plongée dite de réadaptation, pas trop d’efforts après un long voyage, d’autant que nous n’avons bien sûr pas respecté les 24 heures de rigueur entre un vol et une plongée. Pas le temps. René est déjà à l’eau, réglant sa caméra protégée par le caisson, l’Homme et nos deux anciens de la Calypso se mettent à l’eau. Un signe de surface, René s’enfonce et je le suis.

Par miracle, ce matin mes oreilles passent sans difficulté et je sonde à ses côtés. Nous nous stabilisons vers 15 mètres, René lève l’objectif et fait signe à l’Homme : il faut filmer l’animateur dans sa descente dans le bleu. L’éclairage n’est pas nécessaire, le soleil inonde la surface et offre une luminosité suffisante. Francis et ses hôtes passent en trombe à nos côtés et nous nous retournons pour continuer à les filmer, en les suivant.

Vingt mètres… trente mètres… trente-cinq mètres… mes oreilles se mettent à bourdonner, ma vue se trouble légèrement… je suis toute proche de René, à le toucher, tout va bien… quarante mètres… les battements de mon coeur s’accélèrent et je sais qu’il s’agit d’un second signe… les autres devant moi se sont stabilisés devant un petit tombant couvert d’éponges et de gorgones filaires. Je sens, plus que je ne vois, René qui se positionne et je sais qu’il va avoir besoin de mon éclairage à cette profondeur afin de faire ressortir les couleurs éclatantes de cette flore sous-marine. Pourtant, je me sens couler davantage… Je m’oblige à expirer profondément et je gonfle mon gilet stabilisateur afin de stopper cette descente infernale. Je vois René qui me cherche, je m’agace de cet inconvénient que je suis en train de créer et je palme activement pour remonter à sa hauteur, juste à temps pour allumer mes 2 lampes de 500 watts. Le bourdonnement dans mes oreilles a cessé, mais à un léger vertige je sais que je ne suis pas encore sortie d’affaire. Je suis légèrement narcosée, cette fameuse ivresse des profondeurs que l’on ressent tous un jour ou l’autre. Il faudra près de trois minutes pour que mon organisme encaisse cette descente trop rapide pour moi et pour que je réussisse à gonfler suffisamment mon gilet (beaucoup plus que nécessaire !) pour me stabiliser et cesser de palmer comme une malade pour rester stable un mètre au-dessus de l’objectif de René. Je déteste les bouteilles en acier, trop lourdes pour moi. Et j’aurais dû être ferme et refuser la ceinture de plombs. Le reste de la plongée se passe sans encombres, j’évolue normalement, en toute conscience et j’apprécie même cette première séance de travail avec René. Voir évoluer Albert Falco et Michel Metery avec Francis est un bonheur, et un honneur. Ces deux messieurs remontent en surface avant nous pendant que René tourne quelques séquences supplémentaires de faune et une démonstration de l’Homme qui plonge sa main dans le sable volcanique, résidus de cette spectaculaire éruption de la Montagne Pelée un siècle auparavant.

Nous sommes encore à quarante mètres lorsque René fait signe qu’on peut remonter. Il a suffisamment de rushs pour cette plongée (les rushs ce sont ces inombrables petites séquences filmées parmi lesquelles le réalisateur fera son choix pour le montage final de l’épisode). Nous entamons notre remontée, dans les règles de l’art cette fois. On ne badine pas avec la remontée. Mais au palier, René aperçoit un poisson qui l’intéresse et il nous fait signe de ne pas l’attendre tout en s’éloignant de quelques mètres. Nous le surveillons d’un oeil pendant que nous gardons l’autre sur notre ordinateur de plongée. Au palier je lève les yeux vers la surface, je vois danser la barque sur les flots et… mon vertige me reprend. Mes oreilles se remettent à bourdonner, je me sens aux limites du malaise et je subis des nausées violentes. Epuisée, vidée, je regrette cette nuit blanche passée à compter les heures !

René fait signe à l’Homme de le rejoindre, je fais signe que tout va bien de mon côté et que je peux remonter seule, ces messieurs s’éloignent un peu et je remonte vers la barque lentement. En surface ils ont mis une échelle sur le flanc de la barque, indispensable accessoire ! Mais je suis vidée, essoufflée, et il faudra l’assistance de Michel Metery pour m’aider à sortir de l’eau avec tout mon matériel d’éclairage et réintégrer la profondeur de cette barque. medium_Falco.jpgA bord, j’ai le souffle coupé, je fais signe en souriant que tout va bien, mais l’expérience de Falco va faire miracle : après 37 ans passés sur la Calypso du commandant Cousteau et des centaines de plongeurs rencontrés, mon malaise ne lui est pas étranger. Il m’ôte mes palmes en silence et avec efficacité, m’aide à m’asseoir et m’enlève ma bouteille. Pendant que je reprends mon souffle, il m’arrose la tête avec une bouteille d’eau minérale et m’oblige à boire : « il faut se réhydrater tout de suite, ça va passer ! ». Et je bois. Et ça passe, en effet…

Moralité : si vous manquez d’expérience, ne vous hasardez pas à plonger sur 45 mètres en descendant d’avion ! Vérifiez votre lestage en surface et ne vous laissez pas imposer des kilos supplémentaires si vous êtes habitué à votre matériel. Et si vous êtes fatigué(e) en arrivant sur votre lieu de vacances, ne vous jetez pas à l’eau, prenez le temps de vivre !

L’animateur et le cadreur ont décidé en remontant que je ne replongerais plus de la journée. Punie ! Mais c’était plus prudent. Même si j’aurais pu, sans aucun problème, faire 2 heures plus tard la 3ème plongée de la journée dans 20 mètres de profondeur. D’un autre côté… j’ai eu le temps de sympathiser à bord avec Falco et lorsqu’il s’est aperçu pour la seconde plongée que l’une de ses palmes était inutilisable, j’ai eu le plaisir de lui proposer les miennes ! Vous en connaissez beaucoup vous des plongeurs qui ont prêté leurs palmes à Falco ?!…

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