Si vous plongez à l’île Maurice n’oubliez pas d’explorer les fonds sous-marins autour des îles du Nord pour dénicher les thons, raies et requins que vous n’aurez pas vus ailleurs…
Traverser une forêt dense puis le village de Poudre d’Or me laisse le temps d’imaginer une plongée particulièrement riche dans le Nord de l’île Maurice.
Il est déjà 08:00, le soleil fait oublier le vent frais venu de l’Est et il nous faut moins de trente minutes pour rejoindre le centre de plongée Cap Divers dirigé par Jean-Michel Langlois. Après les plongées de l’Est et sa houle d’anti-cyclone mon ami a décidé de m’emmener vers les îles du Nord ce matin.
Peu de visiteurs étrangers en arrivant sur l’île savent que Maurice comprend en fait plusieurs îles et îlots, dont Rodrigues, située plus à l’Est encore. Et au Nord, un chapelet d’îles inhabitées : le Rocher célèbre pour sa Fosse aux Requins, l’île Plate qui inspira Le Clezio, l’île Ronde, l’îlot Gabriel, et celle qui nous intéresse aujourd’hui, l’île Coin de Mire nommée ainsi parce que son profil ressemble à la pièce de bois qui calait les canons avant de viser, au temps où Bernardin de Saint-Pierre racontait l’île de France, qui deviendra Maurice plus tard.
Jean-Michel fait rapidement le point avec son skipper et ses moniteurs. Le lagon, immense, est calme, quelques nuages moutonnent dans le ciel et une légère brise me fait oublier l’écume qui frise là-bas, au-delà du récif fermant le lagon.
Les moniteurs échangent un sourire, nous ne sommes que quatre plongeurs à embarquer ce matin. Quatre plongeurs pour trois moniteurs. Plonger en petit comité, j’adore…
Sitôt dit, sitôt fait, nous voici tous embarqués, plaisantant sous le soleil, admirant la petite baie à l’abri du vent. Je retrouve les couleurs éclatantes et la lumière pure de l’île Maurice, celles qui font les cartes postales et le bonheur des catalogues de voyagistes.
Nous partons vers le Coin de Mire, pour une plongée que je n’aurais encore jamais faite m’assure Jean-Michel. Pourtant les îles du Nord, je les connais bien, ayant visité la Fosse aux Requins plusieurs fois, ayant exploré les abords de l’île Ronde et son mur vertical avec ses poissons anges semi-circulaires que j’ai retrouvés plus tard aux Seychelles, puis à Bali.
J’ai rendu visite également plusieurs fois à l’épave du Djabeda, celle qui se dresse fièrement sur sa quille plantée dans le sable par trente mètres de fond, souvent balayée par un courant sévère qui m’a parfois empêchée d’en faire le tour…
Je me demande déjà quel sera le profil de la plongée quand nous passons la barrière de corail, quand l’océan se met à enfler et que le silence se fait progressivement sur le bateau, au gré des coups de boutoir de la mer qui est devenue bleu d’encre, avec des vagues qui soulèvent le bateau jusqu’à un mètre cinquante, puis deux mètres de haut !…
Depuis quelques jours, c’est ainsi partout sur la côte Est et donc également dans le Nord semble-t-il. Le skipper souhaitant nous rassurer nous crie sans quitter la mer des yeux que cela ira mieux en approchant de l’île, et j’en doute un peu même si d’expérience je sais qu’il faut faire confiance d’abord aux professionnels et ensuite aux locaux. Or, notre skipper du jour, Bernard, cumule les deux critères.
Nous sommes à mi-chemin entre les deux îles. Les plongeurs se sourient, un peu crâneurs, tout en s’agrippant un peu mieux aux rebords du bateau. Aucun d’entre nous n’admettrait qu’il est impressionné tandis que les moniteurs rient et crient pour saluer nos retombées dans de grandes gerbes d’écume soyeuse. Et puis il y a deux femmes à bord, il s’agit de garder contenance…
Jusqu’à ce que, lors d’un nouvel assaut du bateau surfant sur une crête comme une crêpe au fond d’une poêle, Jean-Michel ouvre de grands yeux devant la témérité du skipper, arrondisse la bouche sur un « oh » à peine retenu, et stabilise d’une main le petit matériel positionné à ses côtés sur le banc !…
Le temps suspend son vol pendant une, puis deux secondes, et enfin le bateau s’affaisse au creux de la vague, Bernard jouant à saute-mouton sur une nouvelle mutine venant le défier de nouveau… Éclats de rire, soulagement, excitation, adrénaline,… Après cette petite ascension nous savons qu’il ne peut plus rien nous arriver !
D’ailleurs cinq minutes plus tard nous entrons dans l’ombre de l’île Coin de Mire et les eaux se calment un peu, comme annoncé par nos amis mauriciens.
À bord l’ambiance est animée, chacun y va de sa petite plaisanterie et nous vérifions que nos bouteilles sont toujours bien arrimées au centre du bateau. Quand le bateau ralentit nous écoutons le briefing établi par Kenny sur un ton calme et relax, rassurant.
Christophe me passe le liquide vaisselle dilué pour désembuer mon masque, il vérifie que tout le monde est équipé correctement. Chaque regard de l’équipe de Jean-Michel scrute les gilets, les combinaisons, indique une fermeture éclair à descendre sur des chaussons, désigne un gant abandonné au fond du bateau, et chacun retrouve ses réflexes dans une bonhommie que n’exclut pas le sérieux.
Compte à rebours, bascule arrière, une légère secousse sous la différence de température (quand on voyage à bord en combi de 5mm sous le soleil…), rétablissement, ajustement du masque, passage d’oreilles sans difficultés, tour d’horizon pour s’approprier le paysage…
Jean-Michel trois mètres plus bas s’affaire aux réglages de son appareil photo. Pendant mon séjour il a endossé pour moi avec le sourire la charge de photographe sous-marin et s’en acquitte avec une bonne volonté dont je lui suis reconnaissante.
Derrière lui Christophe est déjà en position d’attente, stabilisé, comptant ses ouailles et surveillant les descentes dans le bleu. Sa plongeuse du jour au prénom mélodieux le rejoint, fine libellule au sourire constant. Un échanges de signes… tout va bien… et il nous invite à le suivre.
Tandis que Christophe fouille du regard une patate de corail sur un fond de quinze mètres, je cherche Jean-Michel et l’aperçois un peu plus loin, à l’entrée d’une haute faille, plaie ouverte dans le flanc subaquatique de Coin de Mire. Ravie, je le rejoins et m’engouffre à sa suite, espérant trouver un passage qui nous permettrait de pénétrer dans les entrailles de l’île, là où les secrets se dissimulent, où les trésors s’enfouissent.
Néanmoins la faille haute de quinze à vingt mètres ne s’étend que sur une trentaine de mètres, de quoi passer quelques minutes attentives à scruter la paroi pour y dénicher la crevette translucide et les nudibranches gourmands qui s’y agrippent, au hasard des bouquets de gorgones filtrant un léger courant qui ne perturbe en rien notre progression.
Habituée à ce type de site, je devine que Jean-Michel va en profiter pour prendre quelques clichés. Mais l’animal s’exécute si vite que j’ai à peine le temps de prendre la pose ; je l’entends râler contre son flash qui ne se déclenche pas suffisamment fort, ou bien contre son autofocus qui fait un caprice, puis il me fait signe qu’il laisse tomber. Pourtant le résultat n’est pas si mauvais, non ?…
En sortant de la faille nous retrouvons Christophe qui offre à Zuleika un joli ballet : il a déniché ce que je prends d’abord pour un gros poulpe qui semble avoir envie de lui chiper son masque.
Après vérification le soir-même dans mon livre sur la faune sous-marine, je confirme qu’il s’agit bel et bien d’une pieuvre dont les plus beaux spécimens peuvent atteindre les trois mètres.
Nous observons l’animal jouer quelques instants, nullement impressionné par notre présence, avant qu’il ne s’esquive souplement, glissant entre les mains de Christophe pour aller se poser sur une roche, en attente. Christophe s’approche, la pieuvre recule, attend, nouvelle approche de Christophe, c’est tout juste si je ne les entends pas rire ces deux-là !…
C’est elle qui se lassera la première, sans avoir jamais lâché une once d’encre en signe de frayeur ou d’intimidation : dans une ultime ondulation de ses longs bras tentaculaires, elle salue l’assemblée d’un geste gracieux et s’éloigne vers d’autres buts.
Nous reprenons notre exploration…
Nez au sol nous comptons les étoiles de mer bleu lavande et les coquillages : autour de ces îles moins explorées que la côte mauricienne, vous trouverez un grand nombre de cônes, porcelaines et lambis, pour la plupart bien vivants.
Attention à ne pas attraper les cônes par leurs extrémités, vous n’êtes pas sans savoir que certains sont dangereux… Et même au paradis le venin peut être mortel, c’est bien connu.
Sur notre chemin nous nous interpellons mutuellement, comme si nous étions chacun notre tour soumis à des convulsions tant nous voulons attirer l’attention de nos compagnons : ici un banc d’une centaine de barracudas croisant à six mètres au-dessus de nos têtes, là un autre de deux cent carangues bleues. Ailleurs c’est un nuage de demoiselles vertes qui s’éparpillent au-dessus d’une patate de corail riche en éponges orangées et en petits spirobranches, ces sapins de Noël multicolores dont les plus nombreux sont bleu et jaune.
Quelques mètres plus loin je déniche une toute petite murène perlée, si mignonne qu’on aurait envie d’ignorer ses jolies petites dents pour la caresser d’un doigt. Je vais pourtant m’abstenir.
Nous longeons une belle paroi verticale au-dessus de laquelle se brisent les flots en un nuage mousseux qui nous fait envier notre position au ras du sable, à moins de vingt mètres de profondeur.
Quand soudain, un bras se tend vers le grand bleu : là, à une dizaine de mètres de nous, un gros thon à dents de chien d’environ 2 mètres de long se tient à la verticale, gueule béante ! Ce n’est pas la première fois que je croise des thons (des vrais…) dans les eaux mauriciennes, mais c’est la première fois que j’en vois un en station de nettoyage, quelques labres œuvrant activement autour de ses ouïes et entre ses dents !
Nous restons interloqués par ce tableau inattendu, n’osant presque plus respirer pour ne pas signaler notre présence trop prématurément, comme si l’animal avait pu l’ignorer…
Il se soumet à notre observation quelques secondes puis disparaît dans le grand bleu comme propulsé par une torpille !
Nous sommes tellement heureux que nous attendons une petite minute que le miracle se reproduise, scrutant le bleu en espérant être le premier (ou la première) à découvrir la raie aigle, le dauphin ou le requin qui croisent là fréquemment, nous le savons. Mais nous ne verrons rien d’autre qu’un barracuda solitaire dédaigneux qui frémira à peine lors de notre approche.
C’est alors que nous retrouvons Kenny et ses deux plongeurs ; nous sommes arrivés à la bouée d’ancrage des bateaux et il est temps de remonter au palier. Une dernière vérification de notre ordinateur pour vérifier que nous n’avons pas de palier à faire après 53 minutes de plongée, la confirmation que l’eau ici est à 24° (et la combi 5mm suffisante pour moi), puis nous remontons tranquillement.
Jean-Michel s’apprête à ranger son appareil photo dans sa poche de gilet lorsqu’il pointe le doigt vers le haut : entre la coque du bateau qui nous attend et nous, trois beaux « rainbow runners » (coureurs arc-en-ciel) sont stationnés là et nous guettent d’un œil curieux (photo ci-dessus). J’apprendrai plus tard qu’on les surnomme carangue saumon ou saumon des mers à Maurice, selon que vous vivez sur la côte Est ou la côte Ouest.
Queue jaune et effilée, profil de barracuda mais avec des flancs rayés bleu et jaune, ils font partie de la famille des carangues et peuvent atteindre 1,25 mètres à l’âge adulte. Ceux-là n’en sont pas loin, et je me demande si les Mauriciens les accommodent en cari, ou non…
J’ai malheureusement oublié de poser la question sur le bateau tant nous avions de choses à nous raconter, nous interpelant les uns les autres avec des : « as-tu vu le thon ? et la mantis ? et le nudibranche que je t’ai montré ?…« .
Assurément cette plongée au Coin de Mire est un succès ! Nous sommes heureux comme des enfants, et Bernard nous tend rapidement le sachet surprise qui fait le bonheur d’un e »ntre deux plongées » : parce que dans trente minutes, nous redescendons ! Juste après avoir englouti biscuits, chocolats et boissons sucrées.
La plongée à Maurice ?… Le bonheur !… Demandez à Jean-Michel et à ses amis…
Envie d’en apprendre davantage sur ma vie et mes nombreux voyages sur l’île Maurice ? Voici quelques pistes à explorer :
Cet article a été publié une première fois en juillet 2008 sur mon blog de voyages Un Monde Ailleurs (2004-2014), blog qui n’est plus en ligne à ce jour. Les articles re-publiés ici sont tous rassemblés sous le mot-clé « Un Monde Ailleurs ». J’ai ajouté davantage de photos à ces articles en les re-publiant mais malheureusement il a été impossible de réintégrer les commentaires liés à ces articles, seul le nombre de commentaires est resté indiqué.
Rédiger et illustrer un site web ou un blog représente des heures, des années de travail. Prélever sur Internet sans autorisation préalable des photos ou des textes (tout ou partie) est une violation des droits d’auteur. Des outils permettent de dénicher facilement les « emprunteurs » et de les poursuivre (dans le pire des cas), ce sont d’ailleurs souvent les lecteurs qui nous alertent. Si vous souhaitez utiliser un extrait d’article ou une photo n’hésitez pas à demander depuis la page Contact sur ce site. Merci pour votre compréhension.
Blogueuse voyage depuis 2004, auteure, photographe, éditrice du magazine Repérages Voyages (en ligne, gratuit). Française, j’ai exploré 82 pays au fil des ans et vécu en différents endroits de notre belle planète (La Réunion, île Maurice, Suisse, Indonésie, Espagne). Très attachée au ton « journal de bord » plutôt qu’à une liste d’infos pratiques. Mon objectif ? Partager mes expériences de voyages avec ceux qui n’ont pas la possibilité de partir aussi souvent.
Si vous plongez à l’île Maurice n’oubliez pas d’explorer les fonds sous-marins autour des îles du Nord pour dénicher les thons, raies et requins que vous n’aurez pas vus ailleurs…
Traverser une forêt dense puis le village de Poudre d’Or me laisse le temps d’imaginer une plongée particulièrement riche dans le Nord de l’île Maurice.
Il est déjà 08:00, le soleil fait oublier le vent frais venu de l’Est et il nous faut moins de trente minutes pour rejoindre le centre de plongée Cap Divers dirigé par Jean-Michel Langlois. Après les plongées de l’Est et sa houle d’anti-cyclone mon ami a décidé de m’emmener vers les îles du Nord ce matin.
Peu de visiteurs étrangers en arrivant sur l’île savent que Maurice comprend en fait plusieurs îles et îlots, dont Rodrigues, située plus à l’Est encore. Et au Nord, un chapelet d’îles inhabitées : le Rocher célèbre pour sa Fosse aux Requins, l’île Plate qui inspira Le Clezio, l’île Ronde, l’îlot Gabriel, et celle qui nous intéresse aujourd’hui, l’île Coin de Mire nommée ainsi parce que son profil ressemble à la pièce de bois qui calait les canons avant de viser, au temps où Bernardin de Saint-Pierre racontait l’île de France, qui deviendra Maurice plus tard.
Jean-Michel fait rapidement le point avec son skipper et ses moniteurs. Le lagon, immense, est calme, quelques nuages moutonnent dans le ciel et une légère brise me fait oublier l’écume qui frise là-bas, au-delà du récif fermant le lagon.
Les moniteurs échangent un sourire, nous ne sommes que quatre plongeurs à embarquer ce matin. Quatre plongeurs pour trois moniteurs. Plonger en petit comité, j’adore…
Sitôt dit, sitôt fait, nous voici tous embarqués, plaisantant sous le soleil, admirant la petite baie à l’abri du vent. Je retrouve les couleurs éclatantes et la lumière pure de l’île Maurice, celles qui font les cartes postales et le bonheur des catalogues de voyagistes.
Nous partons vers le Coin de Mire, pour une plongée que je n’aurais encore jamais faite m’assure Jean-Michel. Pourtant les îles du Nord, je les connais bien, ayant visité la Fosse aux Requins plusieurs fois, ayant exploré les abords de l’île Ronde et son mur vertical avec ses poissons anges semi-circulaires que j’ai retrouvés plus tard aux Seychelles, puis à Bali.
J’ai rendu visite également plusieurs fois à l’épave du Djabeda, celle qui se dresse fièrement sur sa quille plantée dans le sable par trente mètres de fond, souvent balayée par un courant sévère qui m’a parfois empêchée d’en faire le tour…
Je me demande déjà quel sera le profil de la plongée quand nous passons la barrière de corail, quand l’océan se met à enfler et que le silence se fait progressivement sur le bateau, au gré des coups de boutoir de la mer qui est devenue bleu d’encre, avec des vagues qui soulèvent le bateau jusqu’à un mètre cinquante, puis deux mètres de haut !…
Depuis quelques jours, c’est ainsi partout sur la côte Est et donc également dans le Nord semble-t-il. Le skipper souhaitant nous rassurer nous crie sans quitter la mer des yeux que cela ira mieux en approchant de l’île, et j’en doute un peu même si d’expérience je sais qu’il faut faire confiance d’abord aux professionnels et ensuite aux locaux. Or, notre skipper du jour, Bernard, cumule les deux critères.
Nous sommes à mi-chemin entre les deux îles. Les plongeurs se sourient, un peu crâneurs, tout en s’agrippant un peu mieux aux rebords du bateau. Aucun d’entre nous n’admettrait qu’il est impressionné tandis que les moniteurs rient et crient pour saluer nos retombées dans de grandes gerbes d’écume soyeuse. Et puis il y a deux femmes à bord, il s’agit de garder contenance…
Jusqu’à ce que, lors d’un nouvel assaut du bateau surfant sur une crête comme une crêpe au fond d’une poêle, Jean-Michel ouvre de grands yeux devant la témérité du skipper, arrondisse la bouche sur un « oh » à peine retenu, et stabilise d’une main le petit matériel positionné à ses côtés sur le banc !…
Le temps suspend son vol pendant une, puis deux secondes, et enfin le bateau s’affaisse au creux de la vague, Bernard jouant à saute-mouton sur une nouvelle mutine venant le défier de nouveau… Éclats de rire, soulagement, excitation, adrénaline,… Après cette petite ascension nous savons qu’il ne peut plus rien nous arriver !
D’ailleurs cinq minutes plus tard nous entrons dans l’ombre de l’île Coin de Mire et les eaux se calment un peu, comme annoncé par nos amis mauriciens.
À bord l’ambiance est animée, chacun y va de sa petite plaisanterie et nous vérifions que nos bouteilles sont toujours bien arrimées au centre du bateau. Quand le bateau ralentit nous écoutons le briefing établi par Kenny sur un ton calme et relax, rassurant.
Christophe me passe le liquide vaisselle dilué pour désembuer mon masque, il vérifie que tout le monde est équipé correctement. Chaque regard de l’équipe de Jean-Michel scrute les gilets, les combinaisons, indique une fermeture éclair à descendre sur des chaussons, désigne un gant abandonné au fond du bateau, et chacun retrouve ses réflexes dans une bonhommie que n’exclut pas le sérieux.
Compte à rebours, bascule arrière, une légère secousse sous la différence de température (quand on voyage à bord en combi de 5mm sous le soleil…), rétablissement, ajustement du masque, passage d’oreilles sans difficultés, tour d’horizon pour s’approprier le paysage…
Jean-Michel trois mètres plus bas s’affaire aux réglages de son appareil photo. Pendant mon séjour il a endossé pour moi avec le sourire la charge de photographe sous-marin et s’en acquitte avec une bonne volonté dont je lui suis reconnaissante.
Derrière lui Christophe est déjà en position d’attente, stabilisé, comptant ses ouailles et surveillant les descentes dans le bleu. Sa plongeuse du jour au prénom mélodieux le rejoint, fine libellule au sourire constant. Un échanges de signes… tout va bien… et il nous invite à le suivre.
Tandis que Christophe fouille du regard une patate de corail sur un fond de quinze mètres, je cherche Jean-Michel et l’aperçois un peu plus loin, à l’entrée d’une haute faille, plaie ouverte dans le flanc subaquatique de Coin de Mire. Ravie, je le rejoins et m’engouffre à sa suite, espérant trouver un passage qui nous permettrait de pénétrer dans les entrailles de l’île, là où les secrets se dissimulent, où les trésors s’enfouissent.
Néanmoins la faille haute de quinze à vingt mètres ne s’étend que sur une trentaine de mètres, de quoi passer quelques minutes attentives à scruter la paroi pour y dénicher la crevette translucide et les nudibranches gourmands qui s’y agrippent, au hasard des bouquets de gorgones filtrant un léger courant qui ne perturbe en rien notre progression.
Habituée à ce type de site, je devine que Jean-Michel va en profiter pour prendre quelques clichés. Mais l’animal s’exécute si vite que j’ai à peine le temps de prendre la pose ; je l’entends râler contre son flash qui ne se déclenche pas suffisamment fort, ou bien contre son autofocus qui fait un caprice, puis il me fait signe qu’il laisse tomber. Pourtant le résultat n’est pas si mauvais, non ?…
En sortant de la faille nous retrouvons Christophe qui offre à Zuleika un joli ballet : il a déniché ce que je prends d’abord pour un gros poulpe qui semble avoir envie de lui chiper son masque.
Après vérification le soir-même dans mon livre sur la faune sous-marine, je confirme qu’il s’agit bel et bien d’une pieuvre dont les plus beaux spécimens peuvent atteindre les trois mètres.
Nous observons l’animal jouer quelques instants, nullement impressionné par notre présence, avant qu’il ne s’esquive souplement, glissant entre les mains de Christophe pour aller se poser sur une roche, en attente. Christophe s’approche, la pieuvre recule, attend, nouvelle approche de Christophe, c’est tout juste si je ne les entends pas rire ces deux-là !…
C’est elle qui se lassera la première, sans avoir jamais lâché une once d’encre en signe de frayeur ou d’intimidation : dans une ultime ondulation de ses longs bras tentaculaires, elle salue l’assemblée d’un geste gracieux et s’éloigne vers d’autres buts.
Nous reprenons notre exploration…
Nez au sol nous comptons les étoiles de mer bleu lavande et les coquillages : autour de ces îles moins explorées que la côte mauricienne, vous trouverez un grand nombre de cônes, porcelaines et lambis, pour la plupart bien vivants.
Attention à ne pas attraper les cônes par leurs extrémités, vous n’êtes pas sans savoir que certains sont dangereux… Et même au paradis le venin peut être mortel, c’est bien connu.
Sur notre chemin nous nous interpellons mutuellement, comme si nous étions chacun notre tour soumis à des convulsions tant nous voulons attirer l’attention de nos compagnons : ici un banc d’une centaine de barracudas croisant à six mètres au-dessus de nos têtes, là un autre de deux cent carangues bleues. Ailleurs c’est un nuage de demoiselles vertes qui s’éparpillent au-dessus d’une patate de corail riche en éponges orangées et en petits spirobranches, ces sapins de Noël multicolores dont les plus nombreux sont bleu et jaune.
Quelques mètres plus loin je déniche une toute petite murène perlée, si mignonne qu’on aurait envie d’ignorer ses jolies petites dents pour la caresser d’un doigt. Je vais pourtant m’abstenir.
Nous longeons une belle paroi verticale au-dessus de laquelle se brisent les flots en un nuage mousseux qui nous fait envier notre position au ras du sable, à moins de vingt mètres de profondeur.
Quand soudain, un bras se tend vers le grand bleu : là, à une dizaine de mètres de nous, un gros thon à dents de chien d’environ 2 mètres de long se tient à la verticale, gueule béante ! Ce n’est pas la première fois que je croise des thons (des vrais…) dans les eaux mauriciennes, mais c’est la première fois que j’en vois un en station de nettoyage, quelques labres œuvrant activement autour de ses ouïes et entre ses dents !
Nous restons interloqués par ce tableau inattendu, n’osant presque plus respirer pour ne pas signaler notre présence trop prématurément, comme si l’animal avait pu l’ignorer…
Il se soumet à notre observation quelques secondes puis disparaît dans le grand bleu comme propulsé par une torpille !
Nous sommes tellement heureux que nous attendons une petite minute que le miracle se reproduise, scrutant le bleu en espérant être le premier (ou la première) à découvrir la raie aigle, le dauphin ou le requin qui croisent là fréquemment, nous le savons. Mais nous ne verrons rien d’autre qu’un barracuda solitaire dédaigneux qui frémira à peine lors de notre approche.
C’est alors que nous retrouvons Kenny et ses deux plongeurs ; nous sommes arrivés à la bouée d’ancrage des bateaux et il est temps de remonter au palier. Une dernière vérification de notre ordinateur pour vérifier que nous n’avons pas de palier à faire après 53 minutes de plongée, la confirmation que l’eau ici est à 24° (et la combi 5mm suffisante pour moi), puis nous remontons tranquillement.
Jean-Michel s’apprête à ranger son appareil photo dans sa poche de gilet lorsqu’il pointe le doigt vers le haut : entre la coque du bateau qui nous attend et nous, trois beaux « rainbow runners » (coureurs arc-en-ciel) sont stationnés là et nous guettent d’un œil curieux (photo ci-dessus). J’apprendrai plus tard qu’on les surnomme carangue saumon ou saumon des mers à Maurice, selon que vous vivez sur la côte Est ou la côte Ouest.
Queue jaune et effilée, profil de barracuda mais avec des flancs rayés bleu et jaune, ils font partie de la famille des carangues et peuvent atteindre 1,25 mètres à l’âge adulte. Ceux-là n’en sont pas loin, et je me demande si les Mauriciens les accommodent en cari, ou non…
J’ai malheureusement oublié de poser la question sur le bateau tant nous avions de choses à nous raconter, nous interpelant les uns les autres avec des : « as-tu vu le thon ? et la mantis ? et le nudibranche que je t’ai montré ?…« .
Assurément cette plongée au Coin de Mire est un succès ! Nous sommes heureux comme des enfants, et Bernard nous tend rapidement le sachet surprise qui fait le bonheur d’un e »ntre deux plongées » : parce que dans trente minutes, nous redescendons ! Juste après avoir englouti biscuits, chocolats et boissons sucrées.
La plongée à Maurice ?… Le bonheur !… Demandez à Jean-Michel et à ses amis…
Envie d’en apprendre davantage sur ma vie et mes nombreux voyages sur l’île Maurice ? Voici quelques pistes à explorer :
Blogueuse voyage depuis 2004, auteure, photographe, éditrice du magazine Repérages Voyages (en ligne, gratuit). Française, j’ai exploré 82 pays au fil des ans et vécu en différents endroits de notre belle planète (La Réunion, île Maurice, Suisse, Indonésie, Espagne). Très attachée au ton « journal de bord » plutôt qu’à une liste d’infos pratiques. Mon objectif ? Partager mes expériences de voyages avec ceux qui n’ont pas la possibilité de partir aussi souvent.
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