Quand vous partirez à votre tour aux Seychelles pensez à aborder les îles par la mer pour en conserver le plus beau des souvenirs…
Je suis à nouveau sur l’une des îles des Seychelles. Ouvrir les yeux un beau matin en songeant « je suis au paradis » peut arriver à chacun d’entre vous lors d’une escale exotique ou non, dans les bras de votre amoureux ou en solitaire.
Mais ouvrir les persiennes en écoutant les merles chanter devant votre fenêtre, prendre une douche à ciel ouvert ou un bain jacuzzi en observant le bal des lézards qui se grillent au soleil sur la pierre chaude, passer par la plage pour rejoindre le restaurant et siroter un jus de mangue en sachant que trente minutes plus tard vous partez pour une belle journée de navigation entre les îles avant de revenir passer la soirée à terre, c’est un luxe inavouable. Que je vais tout de même vous raconter…
Dans un archipel, même si vous disposez d’un petit budget, il faut absolument profiter de la mer et les options sont multiples : apprendre à naviguer à la voile, utiliser les bateaux postaux qui relient les îles au monde extérieur, partir en croisière plongée même pour un jour ou deux, pratiquer la pêche en mer, suivre des excursions organisées.
Ou louer un bateau à la demie-journée, ou à la journée. Pour cette dernière option il est souvent possible (et conseillé) de partager la location avec un à quatre couples (selon la taille du bateau) afin de faire baisser le montant de la facture pour chacun. Et à vous la liberté !
Autant que possible, j’ai toujours essayé d’aborder les îles par la mer, même si j’y arrive souvent par un vol international. Une fois sur place, après un jour ou deux d’exploration, si l’option se présente, j’embarque pour voir les îles depuis l’extérieur, pour y pénétrer par la voie qu’ont emprunté certains de mes ancêtres navigateurs, et les premiers explorateurs.
Aux Seychelles il y a quinze jours, et puisque je n’avais encore fait par deux fois que la traversée en ferry entre l’île de Praslin et celle de La Digue, j’ai profité du souhait d’un couple français de partager la location d’un bateau pour la journée et partir en mini croisière à travers les îles et îlots situés entre ces deux dernières. A priori cela pourrait sembler superflu ; en réalité c’est une nécessité !
À 08:30, lestée d’un petit déjeuner diététique mais pas seulement (tant pis pour la crêpe moelleuse fourrée d’une confiture de fruits exotiques), j’embarque donc à bord du Temptation mis à disposition par le centre nautique de l’hôtel Constance Lemuria sur l’île de Praslin. Parfaitement entretenu, d’une propreté absolue, l’engin dispose de moteurs puissants (2 x 250 Cv) et se trouve piloté par un gaillard costaud au sourire dévorant.
Notre skipper du jour, hésitant entre l’adolescence et le statut d’adulte, nous montre immédiatement la cabine avec lit double, kitchenette, salon, toilettes et salle de douche. Ainsi que la glacière allègrement approvisionnée.
Le temps d’écouter les règles de sécurité et nous levons l’ancre tandis que les premiers vacanciers s’approprient les chaises longues de l’anse Kerlan sous un épais nuage qui jette alors une lumière presque « dramatique » sur le lagon.
Museau au vent, le regard fixé loin sur l’horizon à la recherche de ce que je ne distingue pas encore, j’en oublie vite les recommandations d’usage et il faut me rappeler à l’ordre pour que j’étale consciencieusement de l’écran solaire sur mes membres d’Occidentale fraîchement débarquée dans l’océan Indien.
Les lunettes de soleil sont bien en place (un réflexe chez moi) mais la casquette est impossible : le vent fouette les visages, assèche les lèvres et interdit toute coiffure ordonnée.
Les moteurs lancés à fond, je suis heureuse : le soleil encore rasant lance des lames d’argent sur la surface d’un bleu sombre sous laquelle je me promenais hier après-midi. Mes compagnons du jour sont charmants et notre équipe seychelloise fait chanter leur accent.
Nous longeons rapidement la plage secrète d’anse Georgette puis celle plus connue d’anse Lazio, deux des joyaux les plus étincelants des Seychelles (lisez mon article sur les plages des Seychelles à Praslin).
Et nous mettons le cap plus au Nord, pour rejoindre la haute mer.
L’oeil sur le sondeur notre capitaine surveille les déplacements de bancs de poissons ; notre programme inclut deux heures de pêche en mer et même si ce n’est pas mon loisir de prédilection, loin de là, je suis curieuse de voir comment cela se déroule.
Et quarante-cinq minutes plus tard, tandis que nous chantonnons sur des ballades de Scorpions (totalement exotique sous le ciel des Seychelles !), notre skipper tend le doigt vers un point sur la gauche.
Sur l’écran du radar les points se font plus nombreux et le capitaine oriente le bateau dans la bonne direction, guidé également par le survol des sternes blanches qui ont l’air d’avoir trouvé de quoi composer leur petit déjeuner : elles rasent la surface en cercles étroits, plongent un quart de seconde puis reprennent leur vol sans qu’on ait pu distinguer si elles ont vraiment disparu totalement sous l’eau ou non !
Devant nous, l’épaisse silhouette verte de l’île Aride rappelle qu’elle est la plus au Nord des îles granitiques de l’archipel, située à 16km au Nord de Praslin. Elle abrite aussi, et la présence des oiseaux en mer me le confirme, la plus grande colonie d’oiseaux marins du monde avec pas moins de dix espèces d’oiseaux marins qui y ont élu leur lieu de reproduction.
C’est dire si l’île est protégée : avec 70 hectares de superficie, elle est classée en réserve naturelle depuis 1967 et sert de refuge aux pailles-en-queue à bec jaune, sternes fuligineuses, phaëtons à queue rouge, noddis, puffins et sternes à collier. Cinq espèces d’oiseaux endémiques de terre sont revenus y vivre depuis le classement en réserve.
Il n’existe aucune possibilité d’hébergement sur l’île d’Aride (qui dispose d’une végétation touffue, contrairement à ce que son nom laisse supposer). Néanmoins les visiteurs sont accueillis trois jours par semaine pour des promenades guidées pendant lesquelles on vous désigne les espèces de plantes endémiques les plus rares des Seychelles, tel le bois citron (gardenia).
Mais pour l’instant mes compagnons s’activent à l’arrière du bateau et les lignes sont déjà à l’eau : en moins de quelques secondes un moulinet grince des dents et le fil de nylon se dévide. La première prise est en vue !
Le skipper vient à la rescousse du pêcheur amateur et lui indique le bon geste, la bonne tactique. Simplement curieuse parmi des impatients, je surprends des regards excités, des sourires alléchés. Nous attendons le verdict : est-ce une grosse prise ?…
Non, visiblement le skipper sourit tranquillement. Trop tranquillement pour qu’il s’agisse d’un thon ou d’un espadon. Me voici secrètement rassurée, la plongeuse que je suis aurait eu du mal à se réjouir d’une telle prise. Je préfère croiser ces seigneurs des mers sous l’eau, en parfaite santé.
Tours de moulinet, tendre le fil, laisser partir le poisson, le ramener de quelques tours de manivelle, laisser filer, relever, puis soulever le trophée : une belle bonite de près de trois kilos s’agite frénétiquement au bout de l’hameçon fiché dans sa gueule.
Notre Français arbore un large sourire simplement heureux et confesse ne pas espérer de grosse prise : pêcher lui suffit, aucun besoin de record, c’est juste pour le plaisir pour les deux heures à venir.
Il pose bien volontiers pour la photo souvenir puis la bonite rejoint une énorme glacière qui doit abriter parfois de bien plus gros poissons.
À peine le couvercle refermé, c’est un autre candidat pêcheur qui relève sa ligne, puis le troisième !
En moins d’une heure ce sont cinq belles bonites d’un poids supérieur à deux kilos qui vont faire glacière commune avant que nos pêcheurs amateurs ne se déclarent ravis et repus. Ces prises suffisent à mes compagnons, et nous pouvons reprendre la mer.
Le capitaine met alors cap à l’Est et nous laissons filer l’île Curieuse sur notre droite tandis que Praslin se voile déjà d’une légère brume de chaleur.
Curieuse est située à moins de 15 minutes en bateau depuis Praslin. Facilement accessible elle n’offre pourtant aucun hébergement et les visites s’organisent avec des réceptifs (demandez à la réception de votre hôtel qui s’en chargera pour vous).
Curieuse, autrefois appelée l’Île Rouge (en raison de la couleur de sa terre) a été rebaptisée du nom de l’un des vaisseaux de l’explorateur français Marion Dufresne qui découvrit les îles satellites de Praslin en 1768. Après avoir recueilli une colonie de lépreux en 1870, elle est devenue à son tour réserve naturelle et abrite des colonies de tortues carets qui viennent y pondre dans des nids ancestraux et de tortues hawksbill qui en ont fait un centre de reproduction important.
L’île Curieuse est aussi la deuxième île après Praslin où pousse naturellement le palmier porteur du coco de mer plus connu sous le nom de coco fesse. Irez-vous vous aussi visiter la célèbre Vallée de Mai ?).
Quelques minutes plus tard nous longeons les îles de Petite Soeur puis Grande Soeur, situées à 6km au Nord de l’île de La Digue. Nous n’y ferons aucune halte puisque chaque passager doit en ce cas verser un droit d’accès de 25€ pour fouler le sol intact de ces plages de rêve ou pour prendre un bain dans les lagons. Une façon de limiter le nombre de visiteurs.
Cependant longer la côte permet d’en apprécier le paysage et de se repaître d’une ligne d’horizon hésitant entre bleu et vert, lardée d’un sable doré à souhait.
Aucun hébergement n’est prévu sur ces deux îles qui appartiennent pourtant au propriétaire de l’hôtel Château de Feuilles à Praslin. Mais en échange de cette taxe d’accès, vous pourrez suivre quelques sentiers de promenade sur l’île Grande Soeur qui a la forme du chiffre 8 et qui offre une superbe plage dans sa partie la plus étroite.
Petite Soeur est séparée de sa jumelle par un profond canal d’eau bleue. Les plongées (en bouteille ou simplement en palmes, masque et tuba) sont réputées très riches autour de ces îles soeurs.
L’une des plages désertes de l’île Petite Soeur, Seychelles.
Mais notre promenade en mer nous mène jusqu’à l’île Cocos, îlot rocheux situé à quelques centaines de mètres au large de l’île Félicité.
Ce sont des soupirs d’émerveillement qui nous échappent devant le lagon turquoise puis des exclamations d’impatience lorsque le bateau ralentit jusqu’à nous permettre de nous mettre à l’eau en palmes, masque et tuba puisqu’une tortue s’approche spontanément de notre skipper qui vient de se mettre à l’eau !
L’île Cocos est classée site du parc marin national et se trouve être le meilleur endroit pour faire du snorkeling à proximité de La Digue. De fait, des bancs de lutjans se disputent le territoire avec des carangues bleues, et les coraux de diverses espèces abritent des nuées de demoiselles, dominos, poissons papillons et poissons anges.
Un requin se défile sous nos palmes pour prendre la poudre d’escampette avant que mes compagnons n’aient eu le temps de réaliser la chance qu’ils ont d’en avoir aperçu un, tandis qu’une deuxième tortue s’approche avec curiosité.
Si vous souhaitez vous retrouver dans une piscine naturelle, passez donc en immersion sous l’arche formée entre deux roches qui se superposent, peu de plongeurs s’y aventurent et pourtant la houle y est presque inexistante… Un havre de paix pour les amoureux en mal d’isolement !
Île Cocos à proximité des îles La Digue et Félicité, Seychelles.
Au bout d’une heure nous remontons sur le bateau resté à proximité, le capitaine ayant suivi du regard nos errances labyrinthiques. Pourtant avant de remonter à bord nous passons encore quelques minutes en compagnie de la deuxième tortue qui décidément se trouve bien en notre compagnie. L’un d’entre nous se fait happer la main pour l’avoir laissée traîner à proximité de la tête de l’animal !
Dans un parc marin et sous surveillance étroite d’une barque à moteur qui veille au respect des lieux, je doute qu’elle soit nourrie artificiellement. Aucun dommage pour le nageur imprudent, mais un pincement sévère tout de même !
En remontant à bord nous avons le sourire béat des bienheureux, et le ginger ale bien frais qui nous est offert n’est pas de refus.
Nous nous installons de nouveau sur des serviettes épaisses à l’avant du bateau tandis qu’il prend le chemin – avec une allure de croisière – des plages discrètes de La Digue.
Si l’anse Source d’Argent est la plage la plus photographiée du monde (regardez bien les magazines féminins qui vont présenter les nouvelles collections de maillots de bain dans quelques semaines), rares sont ceux qui approchent de certaines plages inaccessibles depuis la terre. Et nous découvrons ainsi les bijoux exceptionnels d’anse Caïman avant de stopper dans la sublime baie d’anse Cocos.
Comment décrire un tel environnement ?…
Île La Digue, deux vues différentes de la plage secrète de l’anse Cocos, Seychelles.
Mes compagnons se jettent à l’eau, inévitablement attirés par la turquoise laiteuse du lagon qui frôle les 29°, sans aucune intention de rejoindre le long ruban de plage déserte qui nous tend pourtant les bras. Je prends trois, quatre photos, puis je réalise qu’il est tout bonnement impossible de rendre compte en image d’une telle beauté.
Paysage trop vaste, ambiance particulière,… Parfois les photos « ne rendent rien »… Il faut l’accepter, même si c’est souvent frustrant pour un photographe !
Quand mes nouveaux amis remontent à bord nous partageons notre émerveillement. Elle murmure « c’est trop beau…« , et son époux surenchérit « incroyable... ». Comme moi, ils ont les yeux trop petits pour absorber tant de beauté.
Comme moi, ils sont conscients de la rareté du moment et du privilège que nous avons à partager cet instant. Une communion dans la beauté, de l’art naturel à l’état pur, qui n’a pas de prix.
Allongée à plat ventre sur le pont avant du bateau, bercée mollement par une houle quasi inexistante, je profite tout en étant profondément consciente de l’immense chance que j’ai d’avoir passé quelques instants de vie dans un tel cadre enchanteur.
Cette vue, ces couleurs, ce moment de paix et d’harmonie, je ne les oublierai pas.
Envie d’en apprendre davantage sur mes voyages aux Seychelles ? Voici quelques pistes à explorer :
Cet article a été publié une première fois en mars 2009 sur mon blog de voyages Un Monde Ailleurs (2004-2014), blog qui n’est plus en ligne à ce jour. Les articles re-publiés ici sont tous rassemblés sous le mot-clé « Un Monde Ailleurs ». J’ai ajouté davantage de photos à ces articles en les re-publiant mais malheureusement il a été impossible de réintégrer les commentaires liés à ces articles, seul le nombre de commentaires est resté indiqué.
Rédiger et illustrer un site web ou un blog représente des heures, des années de travail. Prélever sur Internet sans autorisation préalable des photos ou des textes (tout ou partie) est une violation des droits d’auteur. Des outils permettent de dénicher facilement les « emprunteurs » et de les poursuivre (dans le pire des cas), ce sont d’ailleurs souvent les lecteurs qui nous alertent. Si vous souhaitez utiliser un extrait d’article ou une photo n’hésitez pas à demander depuis la page Contact sur ce site. Merci pour votre compréhension.
Blogueuse voyage depuis 2004, auteure, photographe, éditrice du magazine Repérages Voyages (en ligne, gratuit). Française, j’ai exploré 82 pays au fil des ans et vécu en différents endroits de notre belle planète (La Réunion, île Maurice, Suisse, Indonésie, Espagne). Très attachée au ton « journal de bord » plutôt qu’à une liste d’infos pratiques. Mon objectif ? Partager mes expériences de voyages avec ceux qui n’ont pas la possibilité de partir aussi souvent.
Quand vous partirez à votre tour aux Seychelles pensez à aborder les îles par la mer pour en conserver le plus beau des souvenirs…
Je suis à nouveau sur l’une des îles des Seychelles. Ouvrir les yeux un beau matin en songeant « je suis au paradis » peut arriver à chacun d’entre vous lors d’une escale exotique ou non, dans les bras de votre amoureux ou en solitaire.
Mais ouvrir les persiennes en écoutant les merles chanter devant votre fenêtre, prendre une douche à ciel ouvert ou un bain jacuzzi en observant le bal des lézards qui se grillent au soleil sur la pierre chaude, passer par la plage pour rejoindre le restaurant et siroter un jus de mangue en sachant que trente minutes plus tard vous partez pour une belle journée de navigation entre les îles avant de revenir passer la soirée à terre, c’est un luxe inavouable. Que je vais tout de même vous raconter…
Dans un archipel, même si vous disposez d’un petit budget, il faut absolument profiter de la mer et les options sont multiples : apprendre à naviguer à la voile, utiliser les bateaux postaux qui relient les îles au monde extérieur, partir en croisière plongée même pour un jour ou deux, pratiquer la pêche en mer, suivre des excursions organisées.
Ou louer un bateau à la demie-journée, ou à la journée. Pour cette dernière option il est souvent possible (et conseillé) de partager la location avec un à quatre couples (selon la taille du bateau) afin de faire baisser le montant de la facture pour chacun. Et à vous la liberté !
Autant que possible, j’ai toujours essayé d’aborder les îles par la mer, même si j’y arrive souvent par un vol international. Une fois sur place, après un jour ou deux d’exploration, si l’option se présente, j’embarque pour voir les îles depuis l’extérieur, pour y pénétrer par la voie qu’ont emprunté certains de mes ancêtres navigateurs, et les premiers explorateurs.
Aux Seychelles il y a quinze jours, et puisque je n’avais encore fait par deux fois que la traversée en ferry entre l’île de Praslin et celle de La Digue, j’ai profité du souhait d’un couple français de partager la location d’un bateau pour la journée et partir en mini croisière à travers les îles et îlots situés entre ces deux dernières. A priori cela pourrait sembler superflu ; en réalité c’est une nécessité !
À 08:30, lestée d’un petit déjeuner diététique mais pas seulement (tant pis pour la crêpe moelleuse fourrée d’une confiture de fruits exotiques), j’embarque donc à bord du Temptation mis à disposition par le centre nautique de l’hôtel Constance Lemuria sur l’île de Praslin. Parfaitement entretenu, d’une propreté absolue, l’engin dispose de moteurs puissants (2 x 250 Cv) et se trouve piloté par un gaillard costaud au sourire dévorant.
Notre skipper du jour, hésitant entre l’adolescence et le statut d’adulte, nous montre immédiatement la cabine avec lit double, kitchenette, salon, toilettes et salle de douche. Ainsi que la glacière allègrement approvisionnée.
Le temps d’écouter les règles de sécurité et nous levons l’ancre tandis que les premiers vacanciers s’approprient les chaises longues de l’anse Kerlan sous un épais nuage qui jette alors une lumière presque « dramatique » sur le lagon.
Museau au vent, le regard fixé loin sur l’horizon à la recherche de ce que je ne distingue pas encore, j’en oublie vite les recommandations d’usage et il faut me rappeler à l’ordre pour que j’étale consciencieusement de l’écran solaire sur mes membres d’Occidentale fraîchement débarquée dans l’océan Indien.
Les lunettes de soleil sont bien en place (un réflexe chez moi) mais la casquette est impossible : le vent fouette les visages, assèche les lèvres et interdit toute coiffure ordonnée.
Les moteurs lancés à fond, je suis heureuse : le soleil encore rasant lance des lames d’argent sur la surface d’un bleu sombre sous laquelle je me promenais hier après-midi. Mes compagnons du jour sont charmants et notre équipe seychelloise fait chanter leur accent.
Nous longeons rapidement la plage secrète d’anse Georgette puis celle plus connue d’anse Lazio, deux des joyaux les plus étincelants des Seychelles (lisez mon article sur les plages des Seychelles à Praslin).
Et nous mettons le cap plus au Nord, pour rejoindre la haute mer.
L’oeil sur le sondeur notre capitaine surveille les déplacements de bancs de poissons ; notre programme inclut deux heures de pêche en mer et même si ce n’est pas mon loisir de prédilection, loin de là, je suis curieuse de voir comment cela se déroule.
Et quarante-cinq minutes plus tard, tandis que nous chantonnons sur des ballades de Scorpions (totalement exotique sous le ciel des Seychelles !), notre skipper tend le doigt vers un point sur la gauche.
Sur l’écran du radar les points se font plus nombreux et le capitaine oriente le bateau dans la bonne direction, guidé également par le survol des sternes blanches qui ont l’air d’avoir trouvé de quoi composer leur petit déjeuner : elles rasent la surface en cercles étroits, plongent un quart de seconde puis reprennent leur vol sans qu’on ait pu distinguer si elles ont vraiment disparu totalement sous l’eau ou non !
Devant nous, l’épaisse silhouette verte de l’île Aride rappelle qu’elle est la plus au Nord des îles granitiques de l’archipel, située à 16km au Nord de Praslin. Elle abrite aussi, et la présence des oiseaux en mer me le confirme, la plus grande colonie d’oiseaux marins du monde avec pas moins de dix espèces d’oiseaux marins qui y ont élu leur lieu de reproduction.
C’est dire si l’île est protégée : avec 70 hectares de superficie, elle est classée en réserve naturelle depuis 1967 et sert de refuge aux pailles-en-queue à bec jaune, sternes fuligineuses, phaëtons à queue rouge, noddis, puffins et sternes à collier. Cinq espèces d’oiseaux endémiques de terre sont revenus y vivre depuis le classement en réserve.
Il n’existe aucune possibilité d’hébergement sur l’île d’Aride (qui dispose d’une végétation touffue, contrairement à ce que son nom laisse supposer). Néanmoins les visiteurs sont accueillis trois jours par semaine pour des promenades guidées pendant lesquelles on vous désigne les espèces de plantes endémiques les plus rares des Seychelles, tel le bois citron (gardenia).
Mais pour l’instant mes compagnons s’activent à l’arrière du bateau et les lignes sont déjà à l’eau : en moins de quelques secondes un moulinet grince des dents et le fil de nylon se dévide. La première prise est en vue !
Le skipper vient à la rescousse du pêcheur amateur et lui indique le bon geste, la bonne tactique. Simplement curieuse parmi des impatients, je surprends des regards excités, des sourires alléchés. Nous attendons le verdict : est-ce une grosse prise ?…
Non, visiblement le skipper sourit tranquillement. Trop tranquillement pour qu’il s’agisse d’un thon ou d’un espadon. Me voici secrètement rassurée, la plongeuse que je suis aurait eu du mal à se réjouir d’une telle prise. Je préfère croiser ces seigneurs des mers sous l’eau, en parfaite santé.
Tours de moulinet, tendre le fil, laisser partir le poisson, le ramener de quelques tours de manivelle, laisser filer, relever, puis soulever le trophée : une belle bonite de près de trois kilos s’agite frénétiquement au bout de l’hameçon fiché dans sa gueule.
Notre Français arbore un large sourire simplement heureux et confesse ne pas espérer de grosse prise : pêcher lui suffit, aucun besoin de record, c’est juste pour le plaisir pour les deux heures à venir.
Il pose bien volontiers pour la photo souvenir puis la bonite rejoint une énorme glacière qui doit abriter parfois de bien plus gros poissons.
À peine le couvercle refermé, c’est un autre candidat pêcheur qui relève sa ligne, puis le troisième !
En moins d’une heure ce sont cinq belles bonites d’un poids supérieur à deux kilos qui vont faire glacière commune avant que nos pêcheurs amateurs ne se déclarent ravis et repus. Ces prises suffisent à mes compagnons, et nous pouvons reprendre la mer.
Le capitaine met alors cap à l’Est et nous laissons filer l’île Curieuse sur notre droite tandis que Praslin se voile déjà d’une légère brume de chaleur.
Curieuse est située à moins de 15 minutes en bateau depuis Praslin. Facilement accessible elle n’offre pourtant aucun hébergement et les visites s’organisent avec des réceptifs (demandez à la réception de votre hôtel qui s’en chargera pour vous).
Curieuse, autrefois appelée l’Île Rouge (en raison de la couleur de sa terre) a été rebaptisée du nom de l’un des vaisseaux de l’explorateur français Marion Dufresne qui découvrit les îles satellites de Praslin en 1768. Après avoir recueilli une colonie de lépreux en 1870, elle est devenue à son tour réserve naturelle et abrite des colonies de tortues carets qui viennent y pondre dans des nids ancestraux et de tortues hawksbill qui en ont fait un centre de reproduction important.
L’île Curieuse est aussi la deuxième île après Praslin où pousse naturellement le palmier porteur du coco de mer plus connu sous le nom de coco fesse. Irez-vous vous aussi visiter la célèbre Vallée de Mai ?).
Quelques minutes plus tard nous longeons les îles de Petite Soeur puis Grande Soeur, situées à 6km au Nord de l’île de La Digue. Nous n’y ferons aucune halte puisque chaque passager doit en ce cas verser un droit d’accès de 25€ pour fouler le sol intact de ces plages de rêve ou pour prendre un bain dans les lagons. Une façon de limiter le nombre de visiteurs.
Cependant longer la côte permet d’en apprécier le paysage et de se repaître d’une ligne d’horizon hésitant entre bleu et vert, lardée d’un sable doré à souhait.
Aucun hébergement n’est prévu sur ces deux îles qui appartiennent pourtant au propriétaire de l’hôtel Château de Feuilles à Praslin. Mais en échange de cette taxe d’accès, vous pourrez suivre quelques sentiers de promenade sur l’île Grande Soeur qui a la forme du chiffre 8 et qui offre une superbe plage dans sa partie la plus étroite.
Petite Soeur est séparée de sa jumelle par un profond canal d’eau bleue. Les plongées (en bouteille ou simplement en palmes, masque et tuba) sont réputées très riches autour de ces îles soeurs.
L’une des plages désertes de l’île Petite Soeur, Seychelles.
Mais notre promenade en mer nous mène jusqu’à l’île Cocos, îlot rocheux situé à quelques centaines de mètres au large de l’île Félicité.
Ce sont des soupirs d’émerveillement qui nous échappent devant le lagon turquoise puis des exclamations d’impatience lorsque le bateau ralentit jusqu’à nous permettre de nous mettre à l’eau en palmes, masque et tuba puisqu’une tortue s’approche spontanément de notre skipper qui vient de se mettre à l’eau !
L’île Cocos est classée site du parc marin national et se trouve être le meilleur endroit pour faire du snorkeling à proximité de La Digue. De fait, des bancs de lutjans se disputent le territoire avec des carangues bleues, et les coraux de diverses espèces abritent des nuées de demoiselles, dominos, poissons papillons et poissons anges.
Un requin se défile sous nos palmes pour prendre la poudre d’escampette avant que mes compagnons n’aient eu le temps de réaliser la chance qu’ils ont d’en avoir aperçu un, tandis qu’une deuxième tortue s’approche avec curiosité.
Si vous souhaitez vous retrouver dans une piscine naturelle, passez donc en immersion sous l’arche formée entre deux roches qui se superposent, peu de plongeurs s’y aventurent et pourtant la houle y est presque inexistante… Un havre de paix pour les amoureux en mal d’isolement !
Île Cocos à proximité des îles La Digue et Félicité, Seychelles.
Au bout d’une heure nous remontons sur le bateau resté à proximité, le capitaine ayant suivi du regard nos errances labyrinthiques. Pourtant avant de remonter à bord nous passons encore quelques minutes en compagnie de la deuxième tortue qui décidément se trouve bien en notre compagnie. L’un d’entre nous se fait happer la main pour l’avoir laissée traîner à proximité de la tête de l’animal !
Dans un parc marin et sous surveillance étroite d’une barque à moteur qui veille au respect des lieux, je doute qu’elle soit nourrie artificiellement. Aucun dommage pour le nageur imprudent, mais un pincement sévère tout de même !
En remontant à bord nous avons le sourire béat des bienheureux, et le ginger ale bien frais qui nous est offert n’est pas de refus.
Nous nous installons de nouveau sur des serviettes épaisses à l’avant du bateau tandis qu’il prend le chemin – avec une allure de croisière – des plages discrètes de La Digue.
Si l’anse Source d’Argent est la plage la plus photographiée du monde (regardez bien les magazines féminins qui vont présenter les nouvelles collections de maillots de bain dans quelques semaines), rares sont ceux qui approchent de certaines plages inaccessibles depuis la terre. Et nous découvrons ainsi les bijoux exceptionnels d’anse Caïman avant de stopper dans la sublime baie d’anse Cocos.
Comment décrire un tel environnement ?…
Île La Digue, deux vues différentes de la plage secrète de l’anse Cocos, Seychelles.
Mes compagnons se jettent à l’eau, inévitablement attirés par la turquoise laiteuse du lagon qui frôle les 29°, sans aucune intention de rejoindre le long ruban de plage déserte qui nous tend pourtant les bras. Je prends trois, quatre photos, puis je réalise qu’il est tout bonnement impossible de rendre compte en image d’une telle beauté.
Paysage trop vaste, ambiance particulière,… Parfois les photos « ne rendent rien »… Il faut l’accepter, même si c’est souvent frustrant pour un photographe !
Quand mes nouveaux amis remontent à bord nous partageons notre émerveillement. Elle murmure « c’est trop beau…« , et son époux surenchérit « incroyable... ». Comme moi, ils ont les yeux trop petits pour absorber tant de beauté.
Comme moi, ils sont conscients de la rareté du moment et du privilège que nous avons à partager cet instant. Une communion dans la beauté, de l’art naturel à l’état pur, qui n’a pas de prix.
Allongée à plat ventre sur le pont avant du bateau, bercée mollement par une houle quasi inexistante, je profite tout en étant profondément consciente de l’immense chance que j’ai d’avoir passé quelques instants de vie dans un tel cadre enchanteur.
Cette vue, ces couleurs, ce moment de paix et d’harmonie, je ne les oublierai pas.
Envie d’en apprendre davantage sur mes voyages aux Seychelles ? Voici quelques pistes à explorer :
Blogueuse voyage depuis 2004, auteure, photographe, éditrice du magazine Repérages Voyages (en ligne, gratuit). Française, j’ai exploré 82 pays au fil des ans et vécu en différents endroits de notre belle planète (La Réunion, île Maurice, Suisse, Indonésie, Espagne). Très attachée au ton « journal de bord » plutôt qu’à une liste d’infos pratiques. Mon objectif ? Partager mes expériences de voyages avec ceux qui n’ont pas la possibilité de partir aussi souvent.
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