Nous sommes le 23 juin, il est 6:30 du matin et nous venons d’arriver au petit aéroport de Tongatapu, l’île principale du royaume des Tonga. Dans un pays où les avions ont une tortue peinte sur le museau, c’est un tout petit aéroport, mal équipé mais chaleureux qui va nous garder en otages pour quelques petites heures. Les passagers en attente sont pour la plupart des Tongiens en visite, et mis à part notre groupe deux ou trois touristes à la peau blanche traînent leur ennui sur les rares sièges vaquants.
Un employé nous annonce que notre vol de 7:30 pour l’archipel des Ha’Apai vient d’être annulé. Stéphane, notre régisseur, se bat pour nous faire embarquer sur le vol suivant à 8:45. Notre planning de tournage en dépend, nous avons deux plongées prévues cet après-midi et ne pouvons pas les manquer (il ne nous reste plus beaucoup de jours de tournage).
Je cherche un siège et constate que plusieurs personnes dorment à même le sol, sur un paréo étendu. Je trouve alors un pan de mur libre, sors mon paréo et m’asseoie par terre. Désoeuvrée j’observe la foule autour de moi : les Tongiens sont hilares, les « occidentaux » ont la mine renfrognée (sauf nous et je le tiens à le souligner !!!). Je sors alors mon PC et m’affaire à transférer quelques photos depuis mes cartes numériques pour les archiver. Quelques minutes passent et je croise les doigts pour que ma batterie HS ne me lâche pas au beau milieu d’un transfert de carte…
Quand soudain je sursaute : une jeune femme d’environ trente ans, longiligne au visage hâve, se précipite sur moi et place son visage à environ 10 cm du mien de telle sorte que, acculée au mur derrière moi je ne peux même pas lui échapper. Elle s’exprime de façon hachée mais je comprends qu’elle est paniquée parce que les employés ne trouvent pas trace de son billet qu’elle a réservé par voie électronique et qu’on lui demande de montrer une pièce écrite. Elle prétend l’avoir sur sa clé USB et demande à utiliser mon PC pour la leur montrer. Entre-temps, mes photos ont eu le temps de se transférer (tant pis pour les deux dernières cartes…) et, compréhensive devant la panique de cette Néo-Zélandaise, j’accepte bien volontiers tout en précisant que ma batterie est faible et qu’il va falloir faire vite. Elle m’entraîne alors vers un bureau vide et, mon PC dans les mains, je commence à me demander s’il ne s’agit pas d’un traquenard puisqu’elle ressort à la vitesse de l’éclair pour me planter là !
Mais non ! Elle revient dix secondes plus tard, accompagnée d’un agent de l’aéroport un peu interloquée qui me regarde avec des yeux ronds. Je lui souris, rassurante, puis je pose mon PC sur le bureau et je tends la main vers la jeune femme pour réclamer sa clé USB. La luronne repousse ma main et se penche sur le côté gauche de mon PC en forçant, à l’aveugle, pour trouver l’espace de connexion. Pas de chance… je lui montre le côté droit, et elle change de main nerveusement.
Sa clé ne s’affiche pas tout de suite sur mon écran, et elle s’impatiente avec ma souris en cliquant de droite et de gauche. Mentalement je l’entends pester contre ces ordinateurs étrangers… Encore un peu compatissante devant sa panique à l’idée de rater son avion, je propose de reprendre la main pour ouvrir le « poste de travail » et elle me cède mon clavier à regret. Je double-clique, ouvre le dossier puis accède à sa clé USB qui s’ouvre dans une nouvelle fenêtre. Elle reprend possession de mon ordinateur d’une main autoritaire et je commence à froncer les sourcils…
Au même moment, mon avertisseur de batterie se met à clignoter : la batterie s’essouffle et j’annonce qu’il n’y a plus que cinq minutes d’autonomie pour trouver ce fameux document. Elle peste, clique dans tous les sens, insulte mon clavier dont les touches ne sont pas disposées à l’anglaise (ben non !) ou sont à demi effacées (eh oui !), ouvre un fichier, puis un autre, en vain.
L’agent essaie de la calmer et lui signale qu’il y aura un autre vol en début d’après-midi et qu’elle peut acheter un billet. Elle éructe littéralement ! Pas question qu’elle paie un autre billet alors qu’elle a bel et bien une réservation, qu’elle a déjà payé. L’agent peu habitué semble-t-il à de telles manifestations de rage cherche mon soutien et je lui suggère alors d’appeler son agence à Auckland pour avoir un n° de dossier qui confirmerait la réservation. Mais non, elle refuse et s’obstine à chercher sur sa clé USB un document qu’elle ne trouve toujours pas…
L’homme lui confirme que malheureusement, si elle ne peut pas prouver par un n° de billet ou une réservation écrite qu’elle a déjà payé un billet, il ne peut pas la considérer comme un passager et elle explose alors en me prenant à partie : « non mais vous entendez ça !… Comment peut-il me dire une chose pareille ?!!!… Ils n’ont déjà tellement rien à offrir dans ce fichu pays qu’ils devraient déjà nous remercier de nous poser chez eux !!!« …
Le temps suspend son vol…
Je suis tellement sciée par sa tirade, tellement écoeurée par son manque de savoir-vivre et sa vision du monde que je reste interdite quelques secondes et je croise le regard de cet employé qui parle anglais aussi bien qu’elle et qui visiblement ne sait quelle réaction avoir. Alors je me penche sur le bureau, retire la clé USB de mon PC et la tend à l’autre excitée et je referme mon PC d’un geste vif avant de sortir du bureau. Batterie ou pas batterie, qu’elle aille chercher un autre complice de son incorrection ailleurs !
Elle est revenue s’excuser dix minutes plus tard auprès de moi, m’expliquant que finalement l’agent avait trouvé une solution et que tout allait bien pour elle. J’ai répliqué que ce n’était pas à moi qu’elle devait présenter des excuses. Je n’ai pas l’esprit revanchard, mais croyez-moi j’aurais préféré qu’elle reste plantée là 24 heures de plus !
Conclusion : ne vous fiez jamais à un billet électronique ! Lisez bien les toutes petites lignes des conditions d’achat sur Internet : toutes les compagnies aériennes déclarent que vous devez être en capacité de montrer un document imprimé qui prouve l’achat de votre billet électronique. Justement, en cas de contestation, ou bien en cas de perte de votre téléphone, ordinateur, etc… ou si vous n’aviez soudain plus de batterie !
Blogueuse voyage depuis 2004, auteure, photographe, éditrice du magazine Repérages Voyages (en ligne, gratuit). Française, j’ai exploré 82 pays au fil des ans et vécu en différents endroits de notre belle planète (La Réunion, île Maurice, Suisse, Indonésie, Espagne). Très attachée au ton « journal de bord » plutôt qu’à une liste d’infos pratiques. Mon objectif ? Partager mes expériences de voyages avec ceux qui n’ont pas la possibilité de partir aussi souvent.
Nous sommes le 23 juin, il est 6:30 du matin et nous venons d’arriver au petit aéroport de Tongatapu, l’île principale du royaume des Tonga. Dans un pays où les avions ont une tortue peinte sur le museau, c’est un tout petit aéroport, mal équipé mais chaleureux qui va nous garder en otages pour quelques petites heures. Les passagers en attente sont pour la plupart des Tongiens en visite, et mis à part notre groupe deux ou trois touristes à la peau blanche traînent leur ennui sur les rares sièges vaquants.
Un employé nous annonce que notre vol de 7:30 pour l’archipel des Ha’Apai vient d’être annulé. Stéphane, notre régisseur, se bat pour nous faire embarquer sur le vol suivant à 8:45. Notre planning de tournage en dépend, nous avons deux plongées prévues cet après-midi et ne pouvons pas les manquer (il ne nous reste plus beaucoup de jours de tournage).
Je cherche un siège et constate que plusieurs personnes dorment à même le sol, sur un paréo étendu. Je trouve alors un pan de mur libre, sors mon paréo et m’asseoie par terre. Désoeuvrée j’observe la foule autour de moi : les Tongiens sont hilares, les « occidentaux » ont la mine renfrognée (sauf nous et je le tiens à le souligner !!!). Je sors alors mon PC et m’affaire à transférer quelques photos depuis mes cartes numériques pour les archiver. Quelques minutes passent et je croise les doigts pour que ma batterie HS ne me lâche pas au beau milieu d’un transfert de carte…
Quand soudain je sursaute : une jeune femme d’environ trente ans, longiligne au visage hâve, se précipite sur moi et place son visage à environ 10 cm du mien de telle sorte que, acculée au mur derrière moi je ne peux même pas lui échapper. Elle s’exprime de façon hachée mais je comprends qu’elle est paniquée parce que les employés ne trouvent pas trace de son billet qu’elle a réservé par voie électronique et qu’on lui demande de montrer une pièce écrite. Elle prétend l’avoir sur sa clé USB et demande à utiliser mon PC pour la leur montrer. Entre-temps, mes photos ont eu le temps de se transférer (tant pis pour les deux dernières cartes…) et, compréhensive devant la panique de cette Néo-Zélandaise, j’accepte bien volontiers tout en précisant que ma batterie est faible et qu’il va falloir faire vite. Elle m’entraîne alors vers un bureau vide et, mon PC dans les mains, je commence à me demander s’il ne s’agit pas d’un traquenard puisqu’elle ressort à la vitesse de l’éclair pour me planter là !
Mais non ! Elle revient dix secondes plus tard, accompagnée d’un agent de l’aéroport un peu interloquée qui me regarde avec des yeux ronds. Je lui souris, rassurante, puis je pose mon PC sur le bureau et je tends la main vers la jeune femme pour réclamer sa clé USB. La luronne repousse ma main et se penche sur le côté gauche de mon PC en forçant, à l’aveugle, pour trouver l’espace de connexion. Pas de chance… je lui montre le côté droit, et elle change de main nerveusement.
Sa clé ne s’affiche pas tout de suite sur mon écran, et elle s’impatiente avec ma souris en cliquant de droite et de gauche. Mentalement je l’entends pester contre ces ordinateurs étrangers… Encore un peu compatissante devant sa panique à l’idée de rater son avion, je propose de reprendre la main pour ouvrir le « poste de travail » et elle me cède mon clavier à regret. Je double-clique, ouvre le dossier puis accède à sa clé USB qui s’ouvre dans une nouvelle fenêtre. Elle reprend possession de mon ordinateur d’une main autoritaire et je commence à froncer les sourcils…
Au même moment, mon avertisseur de batterie se met à clignoter : la batterie s’essouffle et j’annonce qu’il n’y a plus que cinq minutes d’autonomie pour trouver ce fameux document. Elle peste, clique dans tous les sens, insulte mon clavier dont les touches ne sont pas disposées à l’anglaise (ben non !) ou sont à demi effacées (eh oui !), ouvre un fichier, puis un autre, en vain.
L’agent essaie de la calmer et lui signale qu’il y aura un autre vol en début d’après-midi et qu’elle peut acheter un billet. Elle éructe littéralement ! Pas question qu’elle paie un autre billet alors qu’elle a bel et bien une réservation, qu’elle a déjà payé. L’agent peu habitué semble-t-il à de telles manifestations de rage cherche mon soutien et je lui suggère alors d’appeler son agence à Auckland pour avoir un n° de dossier qui confirmerait la réservation. Mais non, elle refuse et s’obstine à chercher sur sa clé USB un document qu’elle ne trouve toujours pas…
L’homme lui confirme que malheureusement, si elle ne peut pas prouver par un n° de billet ou une réservation écrite qu’elle a déjà payé un billet, il ne peut pas la considérer comme un passager et elle explose alors en me prenant à partie : « non mais vous entendez ça !… Comment peut-il me dire une chose pareille ?!!!… Ils n’ont déjà tellement rien à offrir dans ce fichu pays qu’ils devraient déjà nous remercier de nous poser chez eux !!!« …
Le temps suspend son vol…
Je suis tellement sciée par sa tirade, tellement écoeurée par son manque de savoir-vivre et sa vision du monde que je reste interdite quelques secondes et je croise le regard de cet employé qui parle anglais aussi bien qu’elle et qui visiblement ne sait quelle réaction avoir. Alors je me penche sur le bureau, retire la clé USB de mon PC et la tend à l’autre excitée et je referme mon PC d’un geste vif avant de sortir du bureau. Batterie ou pas batterie, qu’elle aille chercher un autre complice de son incorrection ailleurs !
Elle est revenue s’excuser dix minutes plus tard auprès de moi, m’expliquant que finalement l’agent avait trouvé une solution et que tout allait bien pour elle. J’ai répliqué que ce n’était pas à moi qu’elle devait présenter des excuses. Je n’ai pas l’esprit revanchard, mais croyez-moi j’aurais préféré qu’elle reste plantée là 24 heures de plus !
Conclusion : ne vous fiez jamais à un billet électronique ! Lisez bien les toutes petites lignes des conditions d’achat sur Internet : toutes les compagnies aériennes déclarent que vous devez être en capacité de montrer un document imprimé qui prouve l’achat de votre billet électronique. Justement, en cas de contestation, ou bien en cas de perte de votre téléphone, ordinateur, etc… ou si vous n’aviez soudain plus de batterie !
Blogueuse voyage depuis 2004, auteure, photographe, éditrice du magazine Repérages Voyages (en ligne, gratuit). Française, j’ai exploré 82 pays au fil des ans et vécu en différents endroits de notre belle planète (La Réunion, île Maurice, Suisse, Indonésie, Espagne). Très attachée au ton « journal de bord » plutôt qu’à une liste d’infos pratiques. Mon objectif ? Partager mes expériences de voyages avec ceux qui n’ont pas la possibilité de partir aussi souvent.
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