Avez-vous déjà expérimenté le passage d’un poste-frontière rudimentaire en Afrique australe ? Entre le Botswana et la Namibie ?
Rien de dangereux, rien d’extraordinaire non plus. Juste une expérience supplémentaire sur le chemin de l’apprentissage de cette partie du monde.
Ceux qui ne voyagent qu’en Europe ne connaissent plus les affres des passages aux frontières puisqu’ils y ont été supprimés (sauf si vous entrez ou sortez de Suisse). Ceux qui ne voyagent qu’en avion ignorent sans doute le charme – et les tracasseries – de devoir montrer patte blanche à des agents, fonctionnaires ou représentants de l’armée. Et lorsque vous voyagez dans des contrées peu explorées, dans des conditions particulières, comme par exemple par la route entre le Botswana et la Namibie,…
J’accompagnais alors une équipe de tournage de films mi-documentaires mi-magazines et j’étais chargée du contenu du blog consacré à cette production, ce qui signifie photographier, rédiger, et publier. Quand vous regardez un film documentaire sur votre écran de télévision vous êtes loin de vous imaginer la réalité de ceux qui ont participé à sa réalisation sur le terrain.
Si de gros moyens financiers sont attribués à de grandes émissions comme celles de Nicolas Hulot ou certaines séquences pour Thalassa, la plupart du temps les chaînes de télévision ne disposent que d’un budget réduit et les producteurs font ce qu’ils peuvent avec des économies de bout de chandelles. Ainsi si vous faites partie d’une équipe de tournage qui se bat pour que son film soit diffusé un jour, vous dormirez à la belle étoile pendant plusieurs jours entassés à 12 sur le pont d’un bateau en mer de Java ou vous passerez des heures à respirer la poussière en voiture dans le désert de Namibie. Loin de moi l’idée de me plaindre, ce furent de bons moments et parfois aussi de fantastiques souvenirs de complicité avec certains sur le terrain.
Ce jour-là donc nous roulions depuis des heures vers la Namibie. Au petit matin quand le chauffeur nous avait annoncé en riant : « il n’y a pas l’air conditionné« , nous avions souri et l’avions rassuré : « pas de problème, on ouvrira les fenêtres cela nous fera du bien !« . Les adeptes de la plongée sous-marine comprendront : les plongeurs n’aiment pas la climatisation qui bouche parfois les sinus et rendent donc toute plongée impossible. Oui, on plonge aussi en Namibie !
Mais c’était sans compter notre environnement immédiat : en plein mois de décembre, une sécheresse torride sur tout le secteur, depuis des mois !
Pourtant ce jour-là les nuages s’amoncellent et forment une ligne menaçante sur l’horizon en couvrant le paysage d’une lumière de fin du monde. Le soir-même nous vivrons une situation à la fois rocambolesque et très émouvante : monter un campement avec l’aide des Bushmen (ethnie San) sous des rafales de vent et une pluie intense façon tornade, pour le plus grand plaisir de nos hôtes persuadés que nous étions alors des représentants de bon augure.
C’était sans compter notre environnement immédiat : en plein mois de décembre, une sécheresse torride sur tout le secteur, depuis des mois !
Donc après quatre heures de route dans une voiture aux suspensions chaotiques et toutes vitres baissées sur une route mi-terre mi-sable, nous étions couverts d’une fine pellicule de poussière. De celle qui colle aux lèvres et fait crisser les dents sous le sourire.
Enfin nous freinons devant une double clôture de fils de fer barbelé : le poste-frontière de Dobe, entre le Botswana et la Namibie. Derrière nous, le delta de l’Okavango et ses éléphants sauvages. Devant nous, le désert de Kalahari et ses chasseurs de fauves avec arcs rudimentaires et flèches empoisonnées.
La dernière fois que j’avais vu des barbelés servir de frontière c’était entre l’Allemagne de l’Ouest et l’ancienne R.D.A. sur ma route vers la Finlande !
De l’autre côté des barbelés, une petite maison de parpaings peints de jaune pâle, proprette : le poste frontière namibien, avec ses gardes peu souriants. Sur notre gauche, un minuscule cube de bois bleu de ciel en harmonie avec la couleur de fond du drapeau botswanais. Des fonctionnaires débonnaires, des sourires francs.
Habituellement le régisseur se charge des formalités et confisque parfois tous nos passeports dès le début du tournage pour pouvoir gérer l’équipe en bloc plus rapidement. Là, nous devons nous présenter chacun avec notre passeport à la main. L’occasion de nous entasser aussi dans cette petite maisonnette en bois qui ne comporte qu’une pièce et demie : les douaniers sont hilares, un peu égarés par ce soudain afflux de visiteurs blancs. Nos passeports les intriguent, le nombre de nos visas aussi. Tous, nous voyageons beaucoup, aux quatre coins du monde. Ils se repassent nos passeports de mains en mains, et je constate que le joli coco-fesse qui orne le visa seychellois sur le mien retient toute leur attention quand je les entends rire en se donnant des coups de coude.
Ils sont tellement amicaux que le réalisateur obtient sans mal l’autorisation d’improviser une petite séquence qui figure dans le film. Elle sera tournée en trois minutes, le temps que les douaniers se lassent et s’interrogent finalement sur le bien-fondé de leur autorisation sans doute un peu trop rapidement accordée…
D’un commun accord mais sans l’exprimer nous remontons tous bien vite dans nos 3 véhicules et la première clôture de fils barbelés s’ouvre pour nous permettre de traverser un étroit no man’s land qui fait office de frontière entre les deux clôtures. La route de terre du Botswana se referme derrière nous, celle bitumée de la Namibie trace le chemin vers le Kalahari.
Route en Namibie, vue depuis un petit avion privé.
Je suis tout de suite frappée par la différence de morphologie de ces douaniers par rapport à leurs confrères quinze mètres en arrière : autant les Botswanais ont le visage rond et sont costauds, trapus, autant les Namibiens sont longs et secs, visages taillés à la serpe, pommettes hautes, armes sur le flanc ou en main, et peu souriants. Morpho-psychologie ou différence d’ethnie ?… Sans doute un peu des deux.
Les Namibiens nous retiendront davantage, une bonne heure. Finie la classe dissipée. Très vite nous comprenons que sourire éveille la suspicion et en tant que seule femme de l’équipe je me fais toute petite pour moins attirer l’attention : une blonde dans le Kalahari !… Avec une dizaine de bonshommes. Hum…
Notre matériel fait l’objet d’une longue observation (pauvre ingénieur du son…), nos autorisations de filmer en territoire namibien sont méticuleusement épluchées, nos visas également. Jusqu’au numéro du moteur de chaque véhicule qui sera comparé avec les papiers de chaque voiture !
Bien sûr impossible de filmer quoique ce soit ni de faire une quelconque photo.
Ce n’est qu’après avoir glissé quelques discrets billets que nous pourrons reprendre la route de la poussière, vers les Bushmen avec lesquels nous vivrons pendant une semaine magique, en plein dénuement. Mais c’est une autre histoire…
Autrefois sous protectorat de l’Afrique du Sud la Namibie est un état indépendant depuis mars 1990. Le voyageur adulte indépendant peut se présenter à l’un des 4 postes frontières séparant le Botswana de la Namibie, à condition de ne pas y arriver à la dernière minute (ils ferment tous vers 18h). Si vous venez en tant que touriste en provenance d’Europe un simple passeport valide au moins six mois après votre date de sortie du territoire est suffisant. Si vous venez y travailler (ce qui était le cas pour moi en 2006) vous devez présenter un visa particulier obtenu avant votre départ.
Envie d’en apprendre davantage sur mon voyage au Botswana ? Voici quelques pistes à explorer :
Cet article a été publié une première fois en juillet 2011 sur mon blog de voyages Un Monde Ailleurs (2004-2014), blog qui n’est plus en ligne à ce jour. Les articles re-publiés ici sont tous rassemblés sous le mot-clé « Un Monde Ailleurs ». J’ai ajouté davantage de photos à ces articles en les re-publiant mais malheureusement il a été impossible de réintégrer les commentaires liés à ces articles, seul le nombre de commentaires est resté indiqué.
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Blogueuse voyage depuis 2004, auteure, photographe, éditrice du magazine Repérages Voyages (en ligne, gratuit). Française, j’ai exploré 82 pays au fil des ans et vécu en différents endroits de notre belle planète (La Réunion, île Maurice, Suisse, Indonésie, Espagne). Très attachée au ton « journal de bord » plutôt qu’à une liste d’infos pratiques. Mon objectif ? Partager mes expériences de voyages avec ceux qui n’ont pas la possibilité de partir aussi souvent.
Avez-vous déjà expérimenté le passage d’un poste-frontière rudimentaire en Afrique australe ? Entre le Botswana et la Namibie ?
Rien de dangereux, rien d’extraordinaire non plus. Juste une expérience supplémentaire sur le chemin de l’apprentissage de cette partie du monde.
Ceux qui ne voyagent qu’en Europe ne connaissent plus les affres des passages aux frontières puisqu’ils y ont été supprimés (sauf si vous entrez ou sortez de Suisse). Ceux qui ne voyagent qu’en avion ignorent sans doute le charme – et les tracasseries – de devoir montrer patte blanche à des agents, fonctionnaires ou représentants de l’armée. Et lorsque vous voyagez dans des contrées peu explorées, dans des conditions particulières, comme par exemple par la route entre le Botswana et la Namibie,…
J’accompagnais alors une équipe de tournage de films mi-documentaires mi-magazines et j’étais chargée du contenu du blog consacré à cette production, ce qui signifie photographier, rédiger, et publier. Quand vous regardez un film documentaire sur votre écran de télévision vous êtes loin de vous imaginer la réalité de ceux qui ont participé à sa réalisation sur le terrain.
Si de gros moyens financiers sont attribués à de grandes émissions comme celles de Nicolas Hulot ou certaines séquences pour Thalassa, la plupart du temps les chaînes de télévision ne disposent que d’un budget réduit et les producteurs font ce qu’ils peuvent avec des économies de bout de chandelles. Ainsi si vous faites partie d’une équipe de tournage qui se bat pour que son film soit diffusé un jour, vous dormirez à la belle étoile pendant plusieurs jours entassés à 12 sur le pont d’un bateau en mer de Java ou vous passerez des heures à respirer la poussière en voiture dans le désert de Namibie. Loin de moi l’idée de me plaindre, ce furent de bons moments et parfois aussi de fantastiques souvenirs de complicité avec certains sur le terrain.
Ce jour-là donc nous roulions depuis des heures vers la Namibie. Au petit matin quand le chauffeur nous avait annoncé en riant : « il n’y a pas l’air conditionné« , nous avions souri et l’avions rassuré : « pas de problème, on ouvrira les fenêtres cela nous fera du bien !« . Les adeptes de la plongée sous-marine comprendront : les plongeurs n’aiment pas la climatisation qui bouche parfois les sinus et rendent donc toute plongée impossible. Oui, on plonge aussi en Namibie !
Mais c’était sans compter notre environnement immédiat : en plein mois de décembre, une sécheresse torride sur tout le secteur, depuis des mois !
Pourtant ce jour-là les nuages s’amoncellent et forment une ligne menaçante sur l’horizon en couvrant le paysage d’une lumière de fin du monde. Le soir-même nous vivrons une situation à la fois rocambolesque et très émouvante : monter un campement avec l’aide des Bushmen (ethnie San) sous des rafales de vent et une pluie intense façon tornade, pour le plus grand plaisir de nos hôtes persuadés que nous étions alors des représentants de bon augure.
C’était sans compter notre environnement immédiat : en plein mois de décembre, une sécheresse torride sur tout le secteur, depuis des mois !
Donc après quatre heures de route dans une voiture aux suspensions chaotiques et toutes vitres baissées sur une route mi-terre mi-sable, nous étions couverts d’une fine pellicule de poussière. De celle qui colle aux lèvres et fait crisser les dents sous le sourire.
Enfin nous freinons devant une double clôture de fils de fer barbelé : le poste-frontière de Dobe, entre le Botswana et la Namibie. Derrière nous, le delta de l’Okavango et ses éléphants sauvages. Devant nous, le désert de Kalahari et ses chasseurs de fauves avec arcs rudimentaires et flèches empoisonnées.
La dernière fois que j’avais vu des barbelés servir de frontière c’était entre l’Allemagne de l’Ouest et l’ancienne R.D.A. sur ma route vers la Finlande !
De l’autre côté des barbelés, une petite maison de parpaings peints de jaune pâle, proprette : le poste frontière namibien, avec ses gardes peu souriants. Sur notre gauche, un minuscule cube de bois bleu de ciel en harmonie avec la couleur de fond du drapeau botswanais. Des fonctionnaires débonnaires, des sourires francs.
Habituellement le régisseur se charge des formalités et confisque parfois tous nos passeports dès le début du tournage pour pouvoir gérer l’équipe en bloc plus rapidement. Là, nous devons nous présenter chacun avec notre passeport à la main. L’occasion de nous entasser aussi dans cette petite maisonnette en bois qui ne comporte qu’une pièce et demie : les douaniers sont hilares, un peu égarés par ce soudain afflux de visiteurs blancs. Nos passeports les intriguent, le nombre de nos visas aussi. Tous, nous voyageons beaucoup, aux quatre coins du monde. Ils se repassent nos passeports de mains en mains, et je constate que le joli coco-fesse qui orne le visa seychellois sur le mien retient toute leur attention quand je les entends rire en se donnant des coups de coude.
Ils sont tellement amicaux que le réalisateur obtient sans mal l’autorisation d’improviser une petite séquence qui figure dans le film. Elle sera tournée en trois minutes, le temps que les douaniers se lassent et s’interrogent finalement sur le bien-fondé de leur autorisation sans doute un peu trop rapidement accordée…
D’un commun accord mais sans l’exprimer nous remontons tous bien vite dans nos 3 véhicules et la première clôture de fils barbelés s’ouvre pour nous permettre de traverser un étroit no man’s land qui fait office de frontière entre les deux clôtures. La route de terre du Botswana se referme derrière nous, celle bitumée de la Namibie trace le chemin vers le Kalahari.
Route en Namibie, vue depuis un petit avion privé.
Je suis tout de suite frappée par la différence de morphologie de ces douaniers par rapport à leurs confrères quinze mètres en arrière : autant les Botswanais ont le visage rond et sont costauds, trapus, autant les Namibiens sont longs et secs, visages taillés à la serpe, pommettes hautes, armes sur le flanc ou en main, et peu souriants. Morpho-psychologie ou différence d’ethnie ?… Sans doute un peu des deux.
Les Namibiens nous retiendront davantage, une bonne heure. Finie la classe dissipée. Très vite nous comprenons que sourire éveille la suspicion et en tant que seule femme de l’équipe je me fais toute petite pour moins attirer l’attention : une blonde dans le Kalahari !… Avec une dizaine de bonshommes. Hum…
Notre matériel fait l’objet d’une longue observation (pauvre ingénieur du son…), nos autorisations de filmer en territoire namibien sont méticuleusement épluchées, nos visas également. Jusqu’au numéro du moteur de chaque véhicule qui sera comparé avec les papiers de chaque voiture !
Bien sûr impossible de filmer quoique ce soit ni de faire une quelconque photo.
Ce n’est qu’après avoir glissé quelques discrets billets que nous pourrons reprendre la route de la poussière, vers les Bushmen avec lesquels nous vivrons pendant une semaine magique, en plein dénuement. Mais c’est une autre histoire…
Envie d’en apprendre davantage sur mon voyage au Botswana ? Voici quelques pistes à explorer :
Blogueuse voyage depuis 2004, auteure, photographe, éditrice du magazine Repérages Voyages (en ligne, gratuit). Française, j’ai exploré 82 pays au fil des ans et vécu en différents endroits de notre belle planète (La Réunion, île Maurice, Suisse, Indonésie, Espagne). Très attachée au ton « journal de bord » plutôt qu’à une liste d’infos pratiques. Mon objectif ? Partager mes expériences de voyages avec ceux qui n’ont pas la possibilité de partir aussi souvent.
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