Au cours d’un voyage il faut parfois simplement prendre le temps, s’asseoir et profiter du moment présent, jusqu’à s’enivrer de cette sérénité qui soudain vous enveloppe.
Hier, 18h50, dans le monde à mi-chemin entre New York et Tokyo.
Le chauffeur coupe le moteur du 4×4 et sans un mot montre le paysage devant nous, d’un geste ample. Hypnotisée par tant de beauté je descends de voiture et fais quelques pas pour embrasser l’horizon trop vaste, trop beau. Lentement le disque d’or du soleil descend vers les dunes. Je suis dans le désert d’Abu Dhabi.
L’émirat d’Abu Dhabi est situé sur la péninsule arabe entre le sultanat d’Oman et l’Arabie Saoudite, il héberge Dubai enclavé sur son territoire, l’autre émirat célèbre pour ses fastes et son côté bling-bling. Mais ici sur les 67 340 km2 d’Abu Dhabi qui comprend aussi 200 îles (le saviez-vous ?), point de strass et de paillettes : ici on se concentre sur la nature, et donc sur le désert.
Je foule le sable et rejoins l’arête d’une dune, cicatrice poudreuse d’un désert qui ne cesse de se transformer au gré des heures. Depuis ce matin les collines de sable ont évolué sur 50cm de hauteur, au gré du vent léger de l’été.
Il a fait 52° cet après-midi, et tandis que le soleil meurt à l’horizon la chaleur restituée par le sable monte inexorablement vers nos visages rosis par la lumière qui s’éteint lentement.
Du regard je fouille les creux et les bosses de sable, comme autant de caresses sur les courbes en pleins et déliés d’un paysage chaque jour renouvelé. Je cherche les oryx et les lapins qui cavalent plus bas, sur le lit de cet ancien wali. Il y a quelques millions d’années la mer recouvrait la totalité du territoire, et plus bas le sel remonte encore en surface tandis que l’eau de mer filtre encore à quelques dix mètres de profondeur.
J’ai connu la brousse du Kalahari en Namibie, la blancheur du sable du Qatar, la rudesse de celui du Sud de l’Égypte, et d’autres encore. Mais jamais je n’avais vu autant de couleurs dans un désert qu’ici, à Abu Dhabi.
En plongeant la main dans le talc du sable d’or qui glisse entre mes doigts comme un voile de poussière dans les derniers rayons du soleil, j’admire les traînées rouge qui ornent les dunes à la faveur d’un oxyde de fer rôti par l’astre solaire dans la journée. Comme un sang séché sur lequel les roues du 4×4 rebondissent durement au détour d’une dune.
Ici et là des touffes de buissons qui font le bonheur des dromadaires qui s’en nourrissent pendant leurs transhumances dans le désert. Les Bédouins se font rares à Abu Dhabi, le sol riche en pétrole fournit désormais suffisamment de prétextes à la sédentarisation. Les dromadaires ont changé de vocation, ils transportent les touristes qui découvrent lentement cette nouvelle destination, et ils sont acteurs principaux de courses qui n’ont rien plus rien d’hippiques.
J’écoute le silence total, source de méditation, d’introspection. Aucun chant d’oiseau, pas le moindre souffle de vent. Je suis assise en tailleur sur le sable et je regrette déjà de n’avoir pas le temps de passer quelques nuits sous tente dans le désert.
La prochaine fois, sans doute.
Blogueuse voyage depuis 2004, auteure, photographe, éditrice du magazine Repérages Voyages (en ligne, gratuit). Française, j’ai exploré 82 pays au fil des ans et vécu en différents endroits de notre belle planète (La Réunion, île Maurice, Suisse, Indonésie, Espagne). Très attachée au ton « journal de bord » plutôt qu’à une liste d’infos pratiques. Mon objectif ? Partager mes expériences de voyages avec ceux qui n’ont pas la possibilité de partir aussi souvent.
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