En séjour à l’hôtel Halaveli Resort je vais enfin pouvoir me réconcilier avec la plongée sous-marine en explorant le site de Fish Head aux Maldives.
Fish Head, réputé pour être l’un des 10 meilleurs sites de plongée au monde. Je me méfie toujours un peu des classements très subjectifs, mais une telle appellation ne peut être totalement surfaite. Quand j’en ai parlé autour de moi la veille au soir, tous avaient la même expression ébahie sur le visage : « ah oui, Fish Head, vous verrez !…« .
Il fallait donc que je plonge là, sur cet atoll effondré dont le thila (récif en plateau en maldivien) tombe à 40 ou 50 mètres de profondeur, offrant profusion de faune sous-marine avec des paysages variés.
J’embarque à 09h sur le bateau original et confortable du TGI Diving géré par Alexis Vincent, et Santana, mon divemaster (portrait en fin d’article), me présente le brief de la plongée : possibilité de courant, possibilité de requins gris, raies, barracudas,… Mon imagination s’emballe déjà.
Il faut 45 minutes au bateau de bois maldivien pour se rendre tranquillement sur le site. Oubliant pour un temps la beauté de la traversée au milieu des îlots, je m’allonge sur un banc et m’offre une grasse matinée.
Trois minutes plus tard (ah non, quarante !), Santana me propose d’enfiler combinaison et palmes, nous voici arrivés.
Avec le soutien attentif des membres de l’équipage aux petits soins, je suis prête en deux minutes, on me tend mon masque dont les vitres ont été dûment frottées avec une goutte de shampooing pour bébé (ça ne pique pas les yeux on vous dit !) puis rincé avant que j’aie eu le temps de m’en occuper, gilet prêt à enfiler, bouteille ouverte. J’ai l’impression d’être un bébé moi-même, mais ce n’est pas si désagréable de n’avoir à faire que des vérifications sur votre équipement.
Le bateau est amené pile au-dessus du site avec les indications données par Santana au skipper, puis Arie (la monitrice japonaise) et son élève apprenti PADI sautent à l’eau. C’est à notre tour, Santana d’abord, puis j’ajuste mon masque et je le rejoins avec impatience.
Dès la mise à l’eau, et malgré l’envolée de bulles habituelles, je perçois une agitation autour de moi. En remontant en surface brièvement pour faire signe à Santana que tout va bien, je glisse de nouveau la tête sous l’eau et je souris intérieurement : ah, ça grouille là-dessous !…
Échange de signes usuels, immersion, descente dans le bleu.
Deuxième impression : visibilité médiocre, nous sommes encore en surface et je vois difficilement l’ombre d’une tache dix mètres plus bas qui doit correspondre au thila dont m’a parlé Santana, récif que nous explorerons en fin de plongée pour anticiper le palier. Tant pis, il faudra faire avec.
C’est ainsi aux Maldives, la visibilité est assez imprévisible d’un jour à l’autre et parfois même d’une demie journée à l’autre. C’est toute l’expérience des dive masters locaux qui fait la différence, ils savent sur quels sites il faut descendre l’après-midi lorsque la visibilité du matin n’a pas été satisfaisante. Mais on voulait me faire connaître le site de Fish Head, et je me contenterai sans mal de cette visibilité : l’eau n’est pas « cristal clear« , mais largement suffisante pour voir les centaines de poissons qui évoluent autour de moi comme autant de poissons rouges dans un aquarium trop petit !
Je viens de sauter dans un banc de poissons chirurgiens bleus de toutes tailles mêlé à un banc de nasons bruns. Ils sont si nombreux, à me frôler et à filer à quelques centimètres de mon masque, que j’ai presque envie de leur dire « excusez-moi » comme je le ferai dans une foule dense à Paris !
Tandis que j’entreprends la manoeuvre de Valsava pour faire passer les oreilles, Santana se retourne vers moi et me montre le récif plus bas. Descendons…
De fait, Fish Head est un site intéressant puisqu’il offre des paysages convenant à tous types de plongeurs : le récif qui compose le plateau est un champ d’exploration pour débutants, dans moins de 12 mètres. J’aperçois rapidement un tapis d’anémones de mer avec sa kyrielle de poissons clowns défendant leur territoire. Des coraux durs se battent contre les éponges encroûtantes, et toute la faune récifale foisonne en éclats de couleurs vives.
Mais, sous le nez d’un poisson ange empereur, Santana m’entraîne plus bas, le long du tombant.
En parlant de missiles, voici un barracuda ! Un grand, long de plus d’1,20 m…
Et je regrette tout de suite de n’avoir pas d’ardoise sous la main, il faut que je m’équipe de ce petit accessoire pour mon prochain séjour plongée : je suis ici dans un autre monde, un univers où cohabitent toutes les espèces que vous admirez dans les livres spécialisés. Des poissons qui se coursent, chassent, défendent. Une faune indisciplinée qui n’a que faire de votre irruption dans leur espace privilégié. Et je me sens toute petite…
Qui suis-je avec ma combinaison et mes bulles pour troubler un tel ballet fou dans lequel je me faufile en tournant la tête compulsivement à droite, à gauche, à droite, à gauche,… Il y a tant à voir, tant à observer !
Mais je n’observe pas, pour l’instant, je ne fais que voir, et tenter de compter :
- oh, sept énormes carangues bleues, je n’en avais jamais vu de si grosses !
- ooops… pardonnez-moi poissons de verre, mais comment ai-je pu ne pas vous voir alors que vous êtes si gros que je doute même qu’il s’agisse de poissons de verre !
- ah, un splendide poisson ange à masque bleu, c’est le premier que je croise sous l’eau et pourtant je l’ai cherché celui-là ! (je vais en voir trois autres sur cette plongée mais je ne le sais pas encore, si gros que je commence à douter des vitres de mon masque : ai-je emprunté une loupe grossissante ?!),
- aïe, un banc de chirurgiens encore avec leurs queues effilées, d’un bleu d’acier luisant comme des scalpels… Mais ce n’est plus un banc, c’est un millier ! Non, pardon, un million !!!… Incroyable, j’erre dans un nuage désordonné de chirurgiens fous qui s’approchent jusqu’à heurter mon masque !!!
Nous descendons le long de la paroi qui file parfois jusqu’à -50 mètres.
Ici aux Maldives les plongées sont limitées à trente mètres de profondeur, je le sais et nous respecterons. Il n’y a pas de caisson de décompression ni sur cette île ni aux alentours immédiats et pas d’avion pour vous y emmener de nuit = pas de dépassement des -30m.
Pendant que nous descendons Santana me montre deux murènes javanaises (une mère et sa fille ? elles sont de tailles nettement différentes).
Plus loin c’est un arothron tacheté qui se cache sous une roche pour terminer sa nuit. Et je regarde au large, vers le bleu un peu laiteux qui dissimule les profondeurs, je cherche les requins gris…
Mais je ne vois… qu’un groupe de trois thons qui viennent sur nous, piquent, pointent, et survolent à moins d’un mètre au-dessus de nos têtes ! Robe d’argent et arrière-train dentelé, ils sont reconnaissables entre mille. Je les suis du regard un moment puisqu’ils chassent à l’envie dans ces nuages de fusiliers colorés à peine troublés par l’irruption de ces missiles.
Et en parlant de missiles, voici un barracuda ! Un grand, long de plus d’1,20 m ! Oeil rond inquisiteur, tacheté sur les flancs, il passe non loin et nous observe calmement. Je pense à ce banc énorme de juvéniles que j’ai vu en Mer Rouge l’année dernière : s’ils deviennent tous d’une telle taille, les pêcheurs ont de l’avenir !
Nous descendons toujours le long de la paroi et je sors ma petite lampe Cressi pour récupérer les couleurs. Nous sommes déjà à -22 mètres et j’admire les parme, magenta, citron qui se dévoilent sous nos yeux. Des gorgones filtrant le courant font leur apparition et nous fouillons les petites grottes sous la roche : poissons soldats au garde à vous, mérous en phase de nettoyage dentaire par les petits labres en plein labeur, ces grottes sont des hôtels pour backpackers en escale…
Santana déniche un nudibranche inconnu, ruban étrange d’une dizaine de centimètres de long, à franges chevelues ! De couleur crème, indéterminée, même sous les feux de ma lampe…
Plus loin c’est une petite murène tachetée qui se cache à notre arrivée, puis de petites antennaires, rascasses discrètes et timides scotchées sur les roches. Mais mon oeil ne quitte pas le large et je cherche, je guette…
D’énormes capitaines sont là, plus bas, stationnés. Je comprends très vite qu’ils sont en attente de nettoyage. D’ailleurs, le site tout entier n’est qu’une station de nettoyage : du plus gros au plus petit, tous les poissons se font faire une petite toilette. Une vieille rouge à points bleus ne bouge plus, gueule béante, bouche proactile exorbitée, et un couple de mini labres bleu vif danse avec ardeur autour de ses dents, le long de ses lèvres. Je l’observe tranquillement quand… viouf !… deux carangues me passent sous le nez à toute vitesse, si proches que j’aurais pu les embrasser ! Énormes, elles m’ont fait presque peur !
Nous continuons notre promenade, à l’aide d’un courant paisible qui nous porte sans avoir à fournir le moindre effort.
Nudibranches, phyllidae, poissons anges, nuées de poissons chirurgiens obsédants, gros mérous de toutes espèces, c’est une telle profusion que je ne note même plus mentalement. Comment faire pour me souvenir de tout ? Je sais déjà qu’il faudra que je me jette sur l’ordinateur pour retranscrire toute cette abondance avant qu’elle ne s’estompe avec les prochaines plongées.
Mais soudain, tandis que je suis tranquillement Santana deux mètres devant moi, je vois un énorme truc là, six mètres plus bas. Je tente d’appeler Santana, mais mon gargouillis absurde ne l’atteint pas : tant pis, je décide d’aller voir seule et je le rejoindrai très vite !
Avec précaution je m’éloigne en douceur du tombant et contourne loin l’animal pour descendre à sa hauteur et déterminer de quelle espèce il s’agit : un mérou. Mais un mérou É-NOR-ME ! De l’un de ceux qu’on voyait sur la Pointe Au Sel, sur l’île de La Réunion, il y a bien longtemps. De ceux qu’on appelle aussi parfois des loches.
Ce mérou doit être si lourd qu’il est en suspension à quelques trente centimètres du sable. Une dizaine de labres s’activent autour de sa bouche, dans ses ouïes, sur sa robe crème striée de brun. Il doit avoir une dizaine d’années vu sa taille. Mais d’où je sors cette approximation alors que je n’ai aucune expérience en biologie sous-marine ?!…
Je souris presque quand je vois du coin de l’oeil Santana se retourner une dizaine de mètres plus loin. Ne voulant pas bouger, et souhaitant partager malgré tout cette découverte avec lui, je dessine discrètement des ronds avec ma lampe pour attirer son attention, et il vient à moi. Lentement, il s’approche jusqu’à distinguer la bête…
Content, il hoche la tête et nous observons de concert un moment l’énorme plat de résistance qui ferait sans doute le bonheur de quelques familles maldiviennes. Puis Santana regarde son ordinateur de plongée, et me fait signe : il faut remonter. Je regarde le mien : ouille, – 32,2 mètres. Nous dépassons la règle des 30 mètres maxi.
Commence alors notre lente remontée le long de la paroi, explorant les petites grottes, soulevant la jupe bleue de certaines anémones pour y trouver de fragiles crevettes translucides tachetées de blanc vif. Autour de nous le ballet incessant de cette faune grouillante ne cesse un seul instant. Et de nouveau nous croisons thons, barracudas, capitaines respectables et autres mérous imposants. Même les poissons anges sont plus gros ici qu’ailleurs !
Quand Santana se retourne pour me désigner quelque chose, je fais soudain un bond et tend le doigt furieusement derrière lui ! Il se retourne alors et découvre derrière son épaule un É-NOR-ME (oui, je sais : répétition !) napoléon !
Interloquée, j’ouvre des yeux plus grands encore : cet engin vert pâle métallisé se fait courser par un gros baliste titan qui a l’air furieux !
Le courant me rapproche de Santana, et côte à côte, amusés mais ahuris, nous allons observer pendant quelques minutes la course poursuite de deux poissons aussi déterminés l’un que l’autre à chasser le prédateur : le napoléon qui doit atteindre un bon mètre cinquante de long se fait bouffer la queue par le baliste titan nullement impressionné par la taille de l’adversaire. C’est aussi pour nous la surprise de constater la vitesse de réaction du gros débonnaire : vif comme l’éclair, celui-ci se retourne et course l’intrus pour lui donner des coups de tête dans les flancs. C’est à qui touchera l’autre le premier, le poids ne ralentissant nullement l’agilité et la célérité du plus imposant ! Mais le baliste aura le temps de lui enlever quelques morceaux de voile sur la queue…
Nous sommes déjà à 50 minutes d’immersion, et nous vérifions nos manomètres pour la seconde fois. Il est temps de visiter le plateau du récif avant de remonter vers un palier de convenance.
Dans un aéropage d’anthias de feu, de demoiselles violettes et de chromis de toutes les couleurs, nous explorons le corail et les anémones pour admirer nudibranches, étoiles de mer et coquillages.
Un gaterin oriental se cache sous un plateau de corail mais ses rayures horizontales reconnaissables entre toutes ont du mal à fournir un camouflage idéal. Des fusiliers néons au ventre rouge se disputent la place avec un banc de lutjans acidulés. Les poissons cardinaux remettent un peu d’ordre dans cette anarchie.
Après avoir erré encore quelques minutes le nez au sol pour jouer à celui qui montrera quoi à l’autre, Santana hausse les épaules et montre son ordinateur : allez, il est temps de remonter. Les plongées sont limitées à une heure d’immersion, et nous atteignons les 56 minutes.
Un peu frustrés tous les deux, nous nous laissons porter par le courant tandis que Santana fait fuser son parachute de palier vers la surface cinq mètres plus haut. De toutes façons il est en réserve et moi je frôle les 70 bars. Nous échangeons sourires et signes sous l’eau, visiblement il a autant apprécié sa plongée que moi, et je le lui confirmerai dès notre arrivée en surface.
De retour au centre de plongée c’est Alexis qui vient aux nouvelles :
– Alors, Fish Head ?…
Je hausse les épaules nonchalamment et je réponds :
– Oui, bon…
Il est un instant surpris, cherche le regard de son dive master qui rit sous cape. J’éclate de rire et j’admets :
– D’accord, c’est somptueux !
Le géant d’origine québécoise est soulagé :
– Réconciliée avec la plongée aux Maldives ?
– Définitivement my dear ! Je reviendrai c’est sûr !
– Avant de partir, on va t’en montrer d’autres…
Nous bavardons quelques minutes sur les conditions de plongée et la visibilité si variable aux Maldives, et Santana (portrait ci-dessous) regrette l’absence des requins gris qui font la réputation de Fish Head. Moi je ne suis pas déçue, et je le dis. Des requins, j’en ai vu un peu partout dans le monde, je ne suis pas frustrée. Par contre, une telle abondance de faune grouillante, je n’en avais jamais vu auparavant !
Et ce site est réellement intéressant, avec ses paysages qui évoluent entre patates de corail, tombant et plateau récifal qui permet à tous de trouver leur bonheur. Pourquoi se priver ?!… Oui, Fish Head vient d’entrer au classement de l’une de mes 5 plongées les plus belles dans le monde.
Mais il faut que je vous laisse : cet après-midi je dois plonger sur un autre site. Et je parie que je vais être encore gâtée…
Article illustré avec les photos sous-marines de mon amie Hélène Caillaud.
Envie d’en apprendre davantage sur mes voyages aux Maldives ? Voici quelques pistes à explorer :
- Mes nombreux articles sur les Maldives
- Mes photos sur les Maldives
- Partir aux Maldives avec : XL Airways
- Je vous recommande les hôtels : Constance Halaveli
Blogueuse voyage depuis 2004, auteure, photographe, éditrice du magazine Repérages Voyages (en ligne, gratuit). Française, j’ai exploré 82 pays au fil des ans et vécu en différents endroits de notre belle planète (La Réunion, île Maurice, Suisse, Indonésie, Espagne). Très attachée au ton « journal de bord » plutôt qu’à une liste d’infos pratiques. Mon objectif ? Partager mes expériences de voyages avec ceux qui n’ont pas la possibilité de partir aussi souvent.
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