Amazonie, singe laineux (Lagothrix)

Pêche au piranha, navigation en pirogue, et singe laineux à bord…

Ce matin départ en barque vers 8h30.

Nous remontons le cours du plus long fleuve au monde. L’Amazone est large ici, des pirogues à moteur longues et fines se croisent dans les deux sens. Notre skipper est attentif à ne pas les perturber, il ralentit les moteurs avant de les dépasser.

Nous allons expérimenter une séance de pêche au piranha.

J’en ai déjà vu lors de mon premier voyage en Guyane, à l’autre bout du bassin amazonien sur la rive Atlantique. Mais cette fois c’est différent : de courtes cannes à pêche sont sorties, une leçon rapide est donnée, et à vous de jouer.

La barque est poussée lentement à l’intérieur d’un bosquet touffu le long du fleuve, puis s’arrête, bloquée par les branches. La surface est encombrée de détritus de feuilles et de brindilles.

Frappez l’eau avec l’extrémité de votre canne à pêche, faites plonger votre hameçon sur l’espace ainsi dégagé et patientez quelques secondes. Un petit tiraillement indique qu’un gourmand est pris au piège, ferrez d’un petit coup sec et hop ! Vous voici pêcheur d’un piranha que le chef vous servira au dîner si vous le souhaitez !

Les 7 autres passagers à bord sont ravis, excités, amusés.

Je suis la seule à bord à avoir renoncé à cette pêche particulière. J’ai été plongeuse pendant près de 20 ans, ce n’est pas pour pêcher aujourd’hui, quelle que soit l’espèce. Mais aucun autre passager n’a boudé son plaisir, je vous le garantis ! Le skipper et notre guide naturaliste du jour aident à détacher les fils de pêche pris dans les branches, donnent des conseils, ajoutent des informations. Et détachent les poissons aux dents acérées en prenant soin de ne pas se couper.

En moins de trente minutes personne n’est rentré bredouille, chacun avec sa photo souvenir, dans une atmosphère de bonhomie et de partage. Un moment sympathique pour tous, je dois le reconnaître.

Il n’y a jamais eu de récit d’humains dévorés par de voraces piranhas…

J’ai observé ce matin deux espèces de piranhas : le Pygocentrus nattereri (ou piranha à ventre rouge pour les francophones), son ventre vire au rouge orangé en période de reproduction. Et ce qui ressemble au Pygocentrus piraya (piranha à queue noire), mais je n’en suis pas certaine pour le second et notre guide à bord ne l’était pas non plus.

Il y aurait de 30 à 60 espèces différentes de piranhas dans les cours d’eau du bassin amazonien. Si le piranha a toujours été localisé uniquement dans les eaux de l’Amazonie des chercheurs ont récemment identifié deux espèces en Chine et au Bangladesh, même si cette migration reste une énigme.

Les piranhas se nourrissent de chair et de sang, certes, mais principalement du poisson et de petits animaux éventuellement tout en appréciant les fruits, les graines, etc… Mais aucun mangeur d’hommes contrairement au folklore hollywoodien qui fait vendre.

Interrogés bien sûr par les passagers notre guide naturaliste explique qu’à sa connaissance (et celle de ses collègues) il n’y a jamais eu de récit d’humains dévorés par de voraces piranhas. Par contre, les pêcheurs peuvent perdre une phalange au moment de décrocher l’hameçon, ou être éraflés par les petites dents acérées qui ornent la bouche du poisson. Les Amérindiens se baignent depuis leur plus jeune âge dans les eaux du fleuve Amazone et ses affluents, ce que nous avons aussi déjà constaté.

Après cette séance de pêche des pirogues sont avancées, et nous transbordons chacun à notre tour depuis notre barque métallique vers ces pirogues qui peuvent accueillir deux passagers à la corpulence occidentale. Nous voici désormais au ras de l’eau, dans ces esquifs de bois, longs et effilés, à ramer pour rejoindre un point donné.

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Le silence sur l’eau n’est troublé que par le rire discret de la dame derrière nous qui s’efforce de corriger notre maladresse. Je tremble un peu à l’idée de passer à l’eau soudain, pas à cause des piranhas que je viens de photographier non, mais justement du fait de mon équipement photo et de l’iPhone toujours en service. Il me reste encore près de trois semaines de voyage au Pérou !

Nous allons ramer pendant 20 à 30 minutes, découvrant soudain le fleuve sous un autre jour : l’Amazone est un fabuleux canal commercial, traversant tout le continent sud-américain à travers plusieurs pays sur 6 992km. Les Amérindiens s’en nourrissent, les populations y commercent et véhiculent des biens. Le fleuve est indispensable à la vie locale et à l’économie de tout le bassin amazonien.

Pourtant dès que vous quittez l’Amazone pour remonter l’un de ses affluents c’est la vie animale qui reprend ses droits, une vie dans laquelle évoluent les populations locales au ras de l’eau, au gré des caprices des saisons. Les oiseaux se font entendre, les singes crient, les enfants sautent dans l’eau, les hommes remontent les cours d’eau en transportant parfois une autre pirogue sur la leur,…

Nous retrouvons notre barque métallique un peu plus haut, qui nous ramène jusqu’au bateau de croisière.

Pause déjeuner ! Et piranha grillé au menu…

Au moment de repartir pour notre seconde sortie de la journée, vers 15h30, nous découvrons un groupe de femmes sur leurs pirogues. Elles ont accosté le long de l’Aqua Nera et vendent de l’artisanat qu’elles ont fabriqué : corbeilles tressées, bracelets, ronds de serviettes représentant des libellules, des papillons, des aras,… Comme tout le monde j’apporte ma contribution à l’économie locale.

Et nous embarquons de nouveau à bord d’une barque pour une autre séance de découverte de la faune locale.

Il nous faut environ 15mn pour rejoindre le bras étroit d’un affluent, les moteurs tournent alors au ralenti et nos deux accompagnateurs scrutent les arbres pour y chercher les oiseaux.

Ici un pic à chevron d’or (Melanerpes Cruentatus, avouez que c’est moins poétique en latin !), là un urubu à tête rouge (Cathartes aura). Ses pattes sont énormes !

Survolez la photo de l’oiseau ou de l’animal avec votre souris pour lire son nom, en français et en latin !

Nous approchons d’un petit hameau, à peine une dizaine de cases sur pilotis. Les enfants s’ébrouent dans l’eau autour d’un jeune adolescent qui montre une peluche qu’il tient autour de son poing : un bébé singe, duveteux, avec de grands yeux.

Les passagers autour de moi sont excités, le skipper comprend et s’approche en douceur du groupe d’enfants tout en leur parlant. Les enfants s’accoudent à notre barque, ils ont de l’eau à peine jusqu’à la taille pour certains.

L’adolescent parle dans une langue qui n’est pas l’espagnol, sourit, et montre son animal de compagnie.

Voilà ce qui me trouble…

Ici au fond de la jungle adopter un singe (d’une espèce que – je l’apprendrais plus tard de retour chez moi – est considérée comme en danger) pour en faire un animal de compagnie est monnaie courante. Pas de chiens ni de chats sur l’Amazone, on adopte une espèce locale et ce singe laineux est doté d’une fourrure aussi douce que celle d’un pull angora.

Amazonie, singe laineux juvénile (Lagothrix)

Chaque passager souhaite le caresser, même timidement. Je m’abstiendrai.

Je ne suis pas vertueuse, ni donneuse de leçon. Chacun fait comme il le ressent. En ce qui me concerne je n’avais pas le coeur à caresser un être aux si grands yeux qui semblait plus effrayé qu’amusé. D’ailleurs avec toute cette agitation autour de lui je n’ai pas pris de bonne photo.

Le skipper l’a-t-il senti ? Nous ne sommes restés que cinq à six minutes auprès de ce groupe d’enfants, puis il lance le signal du départ et fait reculer la barque en douceur pour reprendre notre navigation et laisser ce hameau derrière nous.

Voici des aigrettes blanches, pas une ni deux, mais tout un groupe ! Gracieuses, à peine dissimulées, réparties sur un petit étang, à plonger le bec pour y pêcher pitance.

Et puis un singe !

Nous sommes sous la frondaison des arbres, sur un bras étroit de l’Amazone. Le soleil perce à travers les branches, la lumière est dorée, une lumière de fin de journée.

C’est notre guide qui distingue le premier individu mâle, qui se balance d’une branche à l’autre. Un magnifique singe, dans son environnement naturel, libre.

En fait ils sont deux. Ah non, trois !

Pas seulement des singes, ce sont des lagotriches. Ou plus communément des singes laineux (Lagotrix). La même espèce que nous venons de photographier sur le poing de cet adolescent il y a quelques minutes. Pourtant le moment va être plus amusant (à mes yeux).

Les moteurs de notre barque tournent au ralenti pour ne pas effrayer l’animal, et il est si proche des arbres sur ce cours d’eau étroit que… il saute à bord.

Petits cris de surprise, d’effroi,… Le guide nous incite au calme, et le skipper veille au grain. Ne pas bouger, surtout pas de geste brusque.

Le primate lui est parfaitement à l’aise, il déambule sur le rebord de la barque et cherche ostensiblement quelque chose à se mettre sous la dent. Et le trouve.

Il attrape très vite une petite banane abandonnée dans la poche arrière d’un siège, l’épluche d’une main d’expert, et l’engloutit paisiblement bouchée après bouchée tout en dévisageant les humains qui l’observent avec un amusement teinté de suspicion : que fera-t-il ensuite ?

De mon côté je profite de la stupeur et de l’amusement pour prendre quelques photos. Le skipper touche mon bras et me montre les branches au-dessus de nous : notre mâle audacieux n’est pas seul, ses comparses nous surveillent dans la lumière dorée du soleil qui décline. Magnifique !

Pendant ce temps le mâle à la fourrure épaisse (personne n’a tenté de le toucher !) refait un tour du propriétaire jusqu’aux moteurs. Le skipper le surveille du coin de l’oeil, histoire qu’il n’aille pas déconnecter un câble, mais ne bouge pas. Une fois que le primate s’est assuré qu’il ne traîne aucun autre fruit à bord il rejoint une branche basse et s’éloigne paisiblement vers son groupe.

Le skipper et le guide décident qu’il est temps de s’éloigner, et notre barque reprend de l’allure pour rejoindre l’embouchure pendant que les passagers partagent leurs impressions dans de grandes exclamations. De mon côté je devine que certaines de mes photos ne seront pas mauvaises et je suis très heureuse de cette rencontre impromptue dans cet environnement naturel.

Ce n’est qu’en rédigeant cet article pour vous plus d’un an plus tard que je découvre que toutes les espèces de singes laineux sont menacées actuellement. Selon les sources que j’ai consultées, il n’y aurait que 5 espèces de Lagothrix, toutes classées vulnérable, en danger, ou en danger critique selon les cas.

Ils sont recherchés pour leur viande comestible, et surtout pour un marché noir d’animaux de compagnie (vendus à l’export).

Je pense avoir photographié soit le Lagotriche commun (Lagothrix lagotricha), qui est une espèce classée vulnérable actuellement (mais la couleur que je vois sur les photos diffusées sur Internet me semble plutôt grise et terne), soit le lagotriche à queue jaune (Lagothrix flavicauda) endémique du Pérou et actuellement classé en danger critique (une centaine d’individus recensés). Si j’ai bien photographié le second (la couleur est conforme à ce que j’ai pu trouver par ailleurs sur Internet) j’ai eu beaucoup de chance mais c’est un sentiment teinté de tristesse aujourd’hui.

J’espère que quelques experts passeront par ici et sauront me confirmer l’une ou l’autre de ces deux espèces.

Nous rejoignons alors le grand fleuve, sous une lumière somptueuse. À l’endroit où les deux cours d’eau se rejoignent une démarcation de couleur se fait très distinctement pour marquer la différence de densité d’alluvions. Le soleil décline, la lumière est éclatante sous un ciel plombé. J’adore !

Et puis le skipper stoppe la barque : « dolphin !« .

Après 20 ans de plongée sous-marine c’est un cri que je connais bien.

Je suis assise dans la même direction que le skipper, pourtant j’ai à peine le temps de distinguer un dos luisant qui disparait rapidement sous la surface.

Excitation à son comble à bord : les fameux dauphins roses de l’Amazone !

En voir relève du hasard : il faut être non seulement au bon endroit, mais aussi au bon moment. Alors voir des dauphins roses pendant une navigation de seulement trois jours sur le fleuve ?… Nous aurions du jouer au loto !

Un autre dauphin se laisse apercevoir à une vingtaine de mètres de notre embarcation, de l’autre côté. Puis un autre, et deux.

Mon appareil photo est prêt bien sûr, et je tente le coup. Mais il ne s’écoule qu’une seconde entre le moment où nous voyons luire un dos en surface et le moment où il disparait sous l’eau. Je laisse tomber les photos, je décide de profiter juste du moment et de cette chance inouïe.

Des dauphins, croyez-moi, en 20 ans de plongée j’en ai vu un peu partout : Égypte, Indonésie, Maurice, Seychelles, Maldives, Bahamas, Brésil,… J’ai plongé avec certains, c’est toujours une belle expérience sous l’eau. Émouvante.

Mais avoir la possibilité en si peu de temps d’observer les fameux dauphins roses d’Amazonie c’est une chance à savourer. Alors je cherche cette teinte rosée, si distinctive.

Comme tout le monde j’ai vu des photos sur Internet, bien saturées, avec une teinte rose irréelle. Je me doute que la réalité est loin de cela, mais je veux voir ce rose.

Malheureusement les dauphins vont apparaître très fugitivement autour de nous pendant une dizaine de minutes, sans vraiment se montrer. On aperçoit le crâne, le dos, mais jamais la tête complète. Et ils ne sautent pas non plus. Ils évoluent, sans jouer véritablement. Ils chassent, se nourrissent. Ce qui ne nous permettra pas d’apercevoir leur couleur si spécifique.

Ce n’est que quelques heures plus tard, après le dîner, que je pourrai interroger l’un de nos guides naturalistes qui m’expliquera la légende de ces dauphins roses. Je vous invite à la lire sur cet article que j’ai voulu consacrer à ce cétacé unique :

La légende des dauphins roses d’Amazonie.

Les quatre barques transportant tous les passagers de l’Aqua Nera sont désormais regroupées. Le soleil va se coucher, et j’entends les guides s’interpeller entre eux en espagnol : je comprends qu’il se prépare quelque chose. Je ressors l’appareil photo sans mot dire.

Nous repartons sur le fleuve, à vitesse raisonnable, face au soleil.

C’est encore une belle journée qui s’achève, après ces rencontres fabuleuses dans un environnement exceptionnel.

Je filme, un peu, je photographie (beaucoup).

Les barques s’arrêtent au beau milieu de l’Amazone, et se regroupent jusqu’à s’amarrer les uns aux autres. Et puis des glacières surgissent, des verres sont distribuées, des boissons sont offertes : du vin frais, du gin, et des sodas. Et des noix et graines emballées dans de petits sachets constitués de feuilles d’arbres.

Un apéritif au soleil couchant !

Ce séjour sur l’Amazone s’achève, l’heure est déjà un peu à la nostalgie. Quelques toasts sont lancés par nos compagnons américains pour remercier nos guides et skippers.

Ce sont assurément des journées que nous n’oublierons plus.

 

Lire la suite de cette croisière sur l’Amazone :
Ma croisière en Amazonie, Pérou (jour 4)

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Votre croisière de luxe en Amazonie, au Pérou

Croisière en Amazonie, Pérou : jour 1
Présentation du bateau de luxe Aqua Nera
Croisière en Amazonie, Pérou : jour 2
Croisière en Amazonie, Pérou : jour 3
Croisière en Amazonie, Pérou : jour 4
Les villages amérindiens, sur l’Amazone
La légende des dauphins roses d’Amazonie

Envie d’en apprendre davantage sur mon voyage au Pérou ? Voici quelques pistes à explorer :

  • Mes articles sur le Pérou
  • Mes photos sur le Pérou : sur 500px, Getty Images, et surtout sur Picfair pour voir ou acheter mes photos en format numérique ou imprimées pour vos murs
  • Je recommande vivement l’agence Belmond Tours pour un voyage sur mesure au Pérou

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